Itinéraire de l’esprit jusqu’en Dieu (Itinerarium mentis ad Deum) est un ouvrage de saint Bonaventure, composé en 1259, après une extase mystique lors d’une promenade sur le mont Alverne, lieu de la vision séraphique de saint François d’Assise, son maître spirituel, fondateur de l’ordre des frères mineurs. Rappelons la vision telle qu’elle est relatée, à la demande du pape Grégoire IX, par le frère mineur Thomas de Celano, qui composa en 1228, pour la canonisation de François, une première Vie du saint. Ce texte révèle que François vit dans une vision un homme, semblable à un séraphin doté de six ailes, qui se tenait au-dessus de lui, attaché à une croix, les bras étendus et les pieds joints. Deux ailes s’élevaient au-dessus de sa tête, deux autres restaient déployées pour le vol, les deux dernières lui voilaient tout le corps.
Séraphin de la vision d’Esaïe 6, 1-3 : « J’ai vu le Seigneur assis sur un trône très élevé ; le bord inférieur de son vêtement remplissait le temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux dont ils se couvraient le visage, deux dont ils se couvraient les pieds et deux dont ils se servaient pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre : Saint, saint, saint est l’Eternel, le maître de l’univers ! Sa gloire remplit toute la terre ! »
Plan de l’ouvrage de Saint Bonaventure, qui sera surnommé Docteur séraphique
• Prologue : plan analytique de l’Itinéraire
À l’exemple de notre père saint François, j’étais tout haletant à la recherche de cette paix, moi pauvre pécheur, indigne successeur du bienheureux père, depuis sa mort septième ministre général de ses frères. C’est alors qu’une inspiration, vers le trente-troisième anniversaire de son trépas, me conduisit à l’écart sur le mont Alverne, comme en un lieu de repos, avec le désir d’y trouver la paix de l’esprit. Là, tandis que je méditais sur les élévations de l’âme vers Dieu, je me remémorai, entre autres choses, le miracle arrivé en ce lieu à saint François lui-même : la vision du séraphin ailé en forme de croix. Or il me sembla aussitôt que cette apparition représentait l’extase du bienheureux père et indiquait l’itinéraire à suivre pour y parvenir. Car par les six ailes du séraphin on peut entendre six élévations diverses où l’âme est illuminée successivement, et qui lui sont comme autant de degrés pour arriver, au milieu des ravissements enseignés par la sagesse chrétienne, à la possession de la paix.
Or, la voie qui y conduit n’est autre qu’un amour très-ardent pour Jésus crucifié ; c’est cet amour qui, après avoir ravi saint Paul jusqu’au troisième ciel, le transformera en son Sauveur, de telle sorte qu’il s’écriait : Je suis attaché à la croix avec Jésus-Christ. Je vis ; mais non, ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi (1 Gal., 2). C’est cet amour qui absorba tellement l’âme de François que ses traces se manifestèrent en sa chair lorsque, pendant les deux dernières années de sa vie, il porta en son corps, les stigmates sacrés de la Passion.
Ces six ailes du séraphin sont donc six degrés successifs d’illumination, qui partent de la créature pour nous conduire jusqu’à Dieu, à qui l’on ne saurait arriver que par Jésus crucifié.
Les six ailes du séraphin sont refermées sur lui-même : chaque méditation permet d’en lever une (les six premiers chapitres) ; la dernière méditation est le repos de l’extase mystique.
Contemplation de Dieu à l’extérieur de nous (théologie symbolique) :
• Chapitre I : Degrés d’élévation à Dieu et contemplation de Dieu par ses vestiges dans l’univers
• Chapitre II : Contemplation de Dieu dans ses vestiges à travers le monde sensible
Contemplation de Dieu à l’intérieur de nous (théologie spéculative) :
• Chapitre III : Contemplation de Dieu par son image gravée dans nos facultés naturelles
• Chapitre IV : Contemplation de Dieu dans son image réformée par les dons de la grâce
Contemplation de Dieu au-dessus de nous (théologie mystique) :
• Chapitre V : Contemplation de l’unité divine par son premier nom : l’Être
• Chapitre VI : Contemplation de la bienheureuse Trinité dans son nom : le Bien
• Chapitre VII : De l’extase mystique où notre intelligence se tient en repos, tandis que notre ferveur passe tout entière en Dieu
Martine Petrini-Poli