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Dès le Bas-relief (fig.2) réalisé en 2000 d’après la photographie d’une mère veillant son enfant mort –Veillée funèbre au Kosovo de Georges Mérillon – Pascal Convert réussit à transformer une image en mystère. Il fait de ce cliché photographique une sculpture en creux, qui produit un effet d’ouverture sensible en déréalisant les référents. Jusque dans le vide, Pascal Convert met en valeur l’attitude expressive des corps souffrants. La réserve et le dépouillement de la sculpture suscitent une émotion plus ouverte que la photographie dont elle émane : l’artiste universalise une scène d’histoire, tout en lui rendant justice.
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Je pense aussi à l’extraordinaire travail sur les Bouddhas de Bamyian, mutilés en 2001 par les talibans, à l’aventure menée en Afghanistan pour les reconstituer en film et en 3D. Il s’agissait de fabriquer « l’empreinte photographique » de cet ensemble monumental et de témoigner ainsi de sa beauté ancienne d’il y a 1600 ans et de la violence de sa destruction contemporaine. Ce projet, non retenu pour le Pavillon français de la Biennale de Venise de 2016 mais exposé au Musée Guimet puis au Louvre Lens en 2021(fig.3), constitue le point d’orgue d’une ambition plastique multiforme qui donne la valeur cardinale, à l’homme, à sa capacité à résister à tout ce qui le nie et blesse l’humanité, dans sa splendeur, dans sa fragilité.
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Mais c’est surtout dans le verre que Pascal Convert incarne ses recherches, inquiètes et bienveillantes à la fois. En 2011 les vitraux pour l’Abbatiale de Saint-Gildas-des-Bois (Loire-Atlantique) donnent de vraies visages et des présences à des figures de l’ombre, en transposant dans l’épaisseur du verre des photographies médicales d’enfants aliénés, soignés dans les locaux de l’abbaye à la fin du XIXe siècle. Ici (fig. 4) ce sont trois personnes qui nous contemplent frontalement, les yeux douloureusement vides. Nulle couleur dans cette plaque de verre transparente. Nulle vie, nulle expression dans ces regards et visages absents. Mais ils sont là tous les trois, anges venus de je ne sais où, pour je ne sais quoi. Force poignante de ces figures, étrangeté de ces représentations devenues présences, dans leur stature singulièrement fragile. La curieuse alliance du « dur et du fragile » que condense le verre, selon les mots de Francis Ponge se noue dans un compagnonnage avec le maitre verrier Alain Juteau. La fragilité du verre résonne comme un appel silencieux et impérieux : regarde-moi, même si je ne dis rien ! Écoute-moi parce que je ne dis rien ! Prends soin de ce que je suis, de ce que j’annonce !
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Tout récemment, je songe évidemment au projet non retenu d’aménagement pour Notre Dame de Paris, à cette vasque baptismale (fig. 5), ruisselante de lumière et de vie sans être éclatante ni triomphante, qui devait ouvrir le chemin vers l’autel et l’ambon, puis vers la croix de Marc Couturier. Pascal Convert condense en un même surgissement les ténèbres traversées et l’avènement de la lumière, jaillit de l’ombre même de l’abîme. Comment l’éclat de cette lumière se nourrit-il des mille brisures, toujours possibles, du verre ? Et par quels mystères la dureté du verre fait-elle écho à ce cœur de chair que nous sommes appelés à devenir ?
Le verre à la singularité d’être une matière qui n’existe pas à l’état naturel, il est toujours fabriqué de main d’homme. Ainsi révèle-t-il l’humanité en son éblouissante ingéniosité, en sa fragilité essentielle. La singularité esthétique des créations de Pascal Convert incarne à mes yeux l’expérience de l’homme, pluridimensionnel, à jamais brisé et toujours ressuscité. En ses contradictions qui le fondent, tel Jésus désigné par Syméon comme le « signe de contradiction » (Luc 2, 35) par excellence.