Une apparition angélique ou : « Looking for Paradise » (2021) De Stéphan Breuer. Conservée au Musée du Louvre

Parmi les pépites des tableaux entrés récemment au Musée du Louvre, figure une œuvre représentant un ange, un archange même puisqu’il s’agit de l’archange guérisseur : Raphaël, dans une œuvre qui brille de mille feux, en regard traditionnellement des autres tableaux des diverses collections muséales conservées au Musée du Louvre.
Publié le 30 janvier 2025
Écrit par Jeanne Villeneuve

Elle est intitulée « Looking for Paradise » [1]. C’est un prototype réalisé par Stephan Breuer, premier artiste conceptuel contemporain à entrer, au Musée du Louvre. Il fait partie de cette génération d’artistes qui étudie les potentialités artistiques du numérique. Rien d’étonnant donc à ce que le peintre soit un des premiers à investir le Louvre. En réalité, l’artiste travaillait déjà sur une série d’anges à travers l’histoire générale de l’art et le Louvre a accepté cette demande originale, a compris le pourquoi d’une certaine posture  expérimentale, d’accéder à un tableau en particulier, et de prendre une photo d’un ange  peint sur un tableau de Rembrandt. Cette reproduction a ensuite été posée sur une structure métallique qui permet d’explorer, des structures presque fractales pour en  faire un tableau lumineux. Par ailleurs, aujourd’hui avec l’essor de l’I.A. et des technologies de création rapide (l’impression en 3D.), il n’a jamais été aussi simple de reproduire une œuvre. La relation avec le musée du Louvre qui a conservé cette œuvre est très importante car elle permet de certifier l’authenticité d’une telle création. En tout cas, c’est un gage de sérieux. Breuer s’engage aussi avec l’ajout d’une puce électronique, au revers de sa création, à dire qu’il y a un véritable enjeu de sa part dans les notions de  pérennité et de sécurité contre le vol d’images. Breuer certifie par cette sorte de  signature électronique, l’origine de son œuvre et qu’il en est bien l’auteur. Le processus  de dématérialisation peut alors s’enclencher car l’œuvre n’existera que dans l’esprit de  celui qui la regardera. Nous sommes bien à la lisière de la performance des arts visuels pour révéler un Indicible. Ailleurs, dans la peinture des grands siècles des anges de tout acabit annonciateurs, messagers, gardiens, musiciens habitent en nombre et suivent une  évolution iconographique propre à leur période, l’art chrétien : « Qu’ils soient hiératiques  chez les primitifs italiens, enfantins chez Fra Angelico, ou plus ambigus chez un Caravage, ces émissaires célestes ont offert aux génies de la peinture leur plus beaux morceaux de bravoure. » [2] Alors, en nous proposant de réfléchir à nouveau à la figure de l’archange  Raphaël, prétexte à l’élaboration d’une pensée originale, d’une initiation mentale qui  différencie le matériel et l’immatériel, qui questionne notre relation entre conscience et  inconscient, entre le physique et le mental, le monde terrestre et le monde céleste sur un  fond essentiellement d’or, Looking for Paradise, reprend dans son procédé de  fabrication, une série de dispositifs, de performances et de spectacles du même nom  pour proposer une expérience intime et cognitive rappelant que notre regard sur cette œuvre requiert un maniement subtil et une grande connaissance aux formes d’émancipation et d’affranchissement de nos conditions de soumission à la Loi divine. Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? L’univers est-il vraiment infini ? De quoi  est composé ce paradis que Stéphan Breuer nous invite à regarder ici par l’intermédiaire.

Notes

[1] Œuvre authentifiée par une puce de certification de l’identité numérique : NFC (Near  Feald Communication), sécurisée sur la Blockchain Tezos. C’est une sorte de passeport  numérique inviolable. Avec Arteïa pour partenaire pour l’authentification et les traçage  des œuvres.  

[2]  Les Anges dans la peinture, par Laurent Bolard, édition Hazan, 240 pp, 162 ill.

d’un être spirituel, messager des volontés divines ? En effet, depuis toujours on a inventé  des récits et des mythes pour faire face au vertige de notre ignorance sur la composition  des cieux où se logerait le paradis, plus globalement l’univers. Les historiens confirment que certaines traditions présentes en Mésopotamie, représentent bien des êtres  bienveillants qui assurent notre protection contre d’autres : des anges déchus, des anges  noirs, des diables, des Lucifers, des dragons même qui habitent  plutôt un lieu nommé  Enfer. Parmi les dieux babyloniens, on retrouve un être hybride mi- taureau, mi- homme  avec deux ailes sorte de séraphins ou de chérubins-messagers divins. Ce sont pour la  plupart des êtres protecteurs garantissant ce fameux ordonnancement invisible et secret  du monde par les archives de leur présence. Les anges et archanges ont aussi cette  double fonction de protection et de communication, d’expression de la bonté divine  envers les hommes. Ce sont souvent des personnages masculins, même si une contreverse fictive de longue date élaborée vocifère que les anges n’ont pas de sexe. Un  ange serait une créature céleste et spirituel, un intermédiaire entre Dieu et les hommes  qui assurent notre protection et qui est présent dans les religions juive, chrétienne et  musulmane.
Looking for Paradise est désormais plus qu’une simple œuvre d’art à contempler comme  une icône, plus qu’une simple expérience visuelle contemplative, plus qu’une frontière  entre l’art optique et l’art vidéo qui explorerait des liens historiques et théoriques dans  les images archétypales des anges, plus qu’une incursion virtuelle dans l’œuvre de Rembrandt [3] ou une reconstruction du fameux tableau par digitalisation ; c’est aussi une  méditation qui nous invite à chercher, notre paradis intérieur par le biais d’un  intercesseur qui est le chef des anges. Dans la représentation de Breuer, l’archange est une couleur lumineuse dans un moment hors du temps perdu dans l’or de son  traitement, pour mieux mettre en lumière les rapports entre l’homme et Dieu. L’or est  un métal précieux d’une extrême malléabilité et paradoxalement le prémices pour une  grande attention au réel, au corps et au rapport au monde sacré. Dans le tableau de  Rembrandt, l’archange peint de dos pour indiquer son éloignement de la terre est peint  au contraire dans un clair-obscur qui le met en lumière.  

« Le travail sur les icones cherche à se connecter au divin bien sur –je ne vais pas m’en  cacher-Il y a une quête spirituelle très forte dans mon travail. » conclue Stéphan Breuer. 

[3] L’archange Raphaël quittant la famille de Tobie de Rembrandt-1637- : l’archange  Raphaël s’envole vers les cieux après avoir rendu la vue à Tobie.

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