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Saint-Louis de Vincennes, ou la primauté de l’architecte – 2

Continuons notre découverte de du rôle de l'architecte dans l'histoire de la construction et de la décoration de l'église Saint-Louis de Vincennes !
Publié le 24 juillet 2013

La décoration de l’église : concept des architectes

 

Et pourtant, Droz et Marrast réussissent à faire valoir leur vision de la décoration de l’église.

D’abord en ce qui concerne la tonalité intérieure de l’église : en choisissant un mode d’éclairage qui associe quelques ouvertures vitrées et des lustres (aujourd’hui disparus), Droz et Marrast impriment leur vision de l’ambiance lumineuse de l’église. Ambiance plutôt intimiste, et qui favorise le recueillement.  En décidant également de revêtir les parois intérieures d’un crépi sable, et de frises dont ils ont conçu, et partiellement réalisé eux-mêmes, le dessin, les architectes donnent le la et définissent la palette de couleurs de l’église : ocre et brun-rouge pour les murs, et, pour les verrières et les céramiques de Maurice Dhomme, des teintes pastel associant le rose, le vert d’eau et le mauve.

L’exemple du ciborium est également exemplaire. Dans leurs premières versions, et même après avoir renoncé à placer l’autel au centre de la nef, Droz et Marrast avaient prévu de le surmonter d’un ciborium, qui mettrait en valeur le lieu de célébration du sacrifice de la messe. Vers  1922, après avoir partagé ce concept avec Denis, ils finissent par y renoncer. Ce qui suscite un désaccord marqué avec le peintre, comme en témoigne la lettre que lui adresse Marrast le 30 septembre 1922 :
« Nous n’avons jamais voulu imposer un parti d’autel dont la décoration peinte s’accommoderait ou ne s’accommoderait pas […] Vous nous avez suggéré l’idée d’un ciborium ; nous avons essayé ce parti : c’est une tentative de plus, ce n’est pas un parti auquel nous tenons et auquel nous nous sommes arrêtés. Et je suis persuadé que si j’avais eu la bonne fortune de vous rencontrer à Perros, non seulement nous aurions discuté très amicalement, mais encore nous nous serions mis d’accord. Faut-il reculer devant l’effort et renoncer à une collaboration qui devait donner une belle chose ? A vous d’en décider. Personnellement, si j’étais libre, je ferais une simple table pour l’autel entourée d’une courtine ; je trouve que c’est dans cette simplicité que la répétition du divin sacrifice est la plus émouvante. »

 

Projet pour l’autel central et candélabres (c) D.R


Droz et Marrast parviennent à imposer leur point de vue, et il n’y aura pas de ciborium.

Marrast et Droz définirent également  avec soin les autres éléments du mobilier de l’église, du revêtement du dallage aux dessins des portes, des banc et des confessionnaux aux lustres, en passant par les chandeliers, les croix et autres éléments du mobilier liturgique. Le fonds Marrast à l’Institut Français d’Architecture livre ainsi des dessins et plans montrant à quel niveau de détail les architectes sont allés pour le décor : citons encore le dessin des rosaces, les fers forgés, les tables de communion, des dessins de vêtements pour le célébrant.

L’abbé Filleux se fit même rappeler à l’ordre pour avoir voulu installer dans l’église des troncs, sans avoir obtenu l’aval préalable des architectes. Ce qui ne l’empêcha pas décrire, sans en vouloir aux architectes : Heureux le pasteur qui, pour le guider dans l’édification d’une église, n’a que des maîtres de la Beauté intransigeante. La beauté, certes, mais intransigeante !

Fabienne Stahl le souligne dans sa thèse sur les Décorations religieuses de Maurice Denis : « Les architectes attachent beaucoup d’importance à la décoration intérieure de l’édifice dont les grands principes sont arrêtés début 1921. Ils entendent collaborer étroitement avec les artistes, tout en affirmant clairement leur volonté d’unité d’ensemble ; pour cela, les décors et mobiliers devront nécessairement s’accorder avec l’architecture qui gardera la primauté. »

 

L’unité, fruit de la primauté de l’architecte

 

La résultante de cette primauté des architectes est l’exceptionnelle unité de ton qu’elle garantit à leur œuvre, dont témoigne ce commentaire de l’abbé Filleux : « Ce qui caractérise Saint-Louis de Vincennes, c’est l’unité absolue. […]  Le même talent, la même foi, le même enthousiasme, la même amitié présidèrent à la conception et à l’exécution. Les deux architectes, bien unis, furent là, véritablement, « les maîtres d’œuvre » […].A Saint-Louis, rien ne crie, tout concorde et pas un élément ne fait bande à part.« 

Vue de la Nef (c) Narthex

Citons aussi les mots de Claire Vigne-Dumas, dans son dossier préparatoire au classement de l’église Saint-Louis aux Monuments historiques : « L’unité et la qualité [du] décor ainsi que l’accord avec l’architecture ont été ressentis dès sa création comme une réussite particulièrement exceptionnelle. On en a attribué la paternité à Maurice Denis ; cependant, la correspondance des architectes avec ce dernier montre à l’évidence le rôle essentiel de Droz et Marrast, souhaitant s’entourer d’artistes de premier plan certes, mais affirmant la primauté de l’architecture sur le décor et le mobilier […] L’unité de l’ensemble est donc bien le fruit de la volonté affirmée des architectes et d’une collaboration étroite avec les artistes. L’unité et la qualité [du] décor ainsi que l’accord avec l’architecture ont été ressentis dès sa création comme une réussite particulièrement exceptionnelle. On en a attribué la paternité à Maurice Denis ; cependant, la correspondance des architectes avec ce dernier montre à l’évidence le rôle essentiel de Droz et Marrast, souhaitant s’entourer d’artistes de premier plan certes, mais affirmant la primauté de l’architecture sur le décor et le mobilier […] L’unité de l’ensemble est donc bien le fruit de la volonté affirmée des architectes et d’une collaboration étroite avec les artistes.« 


Paul Guillaumat

Le 24 juillet 2013

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