L’enseignement du Concile Vatican II en matière d’art sacré (entendu comme art au service de la liturgie) peut être résumé dans l’expression “noble beauté plutôt que faste”, présente dans le no.124/a de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium: “En promouvant et favorisant un art véritablement sacré, les ordonnés veilleront à rechercher une noble beauté plutôt que la seule somptuosité, valable aussi pour les vêtements et ornements sacrés ”.
Nous sommes face à une directive de caractère général, puisqu’il touche toutes les expressions de l’art pour la liturgie, que les évêques sont tenus de respecter. La directive est exprimée par un texte synthétique en deux points : ce qu’il faut promouvoir et ce qu’il ne faut pas promouvoir. Le thème touché (indubitablement nouveau dans l’histoire des documents conciliaires mais non dans l’histoire de la réflexion théologique et de la pratique pastorale), le ton de l’énoncé (un devoir), son extension et son emplacement (au début du paragraphe) font comprendre qu’il s’agit d’une question primordiale.
En analysant le débat du concile nous pouvons constater qu’en adoptant l’expression “noble beauté”, les Pères voulaient proposer une beauté digne, simple et sobre, dont les racines se trouvent dans la simplicité de l’Évangile. De plus, ils voulaient exclure la simple somptuosité, c’est à dire l’utilisation de matériaux rares et chers, de vêtements fastueux, formes complexes et théâtrales désormais anachroniques et sujets à scandaliser les simples et les pauvres.
L’enseignement en matière d’art sacré du Concile Vatican II résumé en SC 124/a, a été repris plusieurs fois dans les documents de certaines conférences épiscopales et est présent dans les réflexions de théologiens et étudiants en liturgie. Aujourd’hui donc, le canon de l’art sacré selon le Concile Vatican II pourrait être exprimé en quatre passages: l’Église n’a pas un style artistique propre mais elle est ouverte à toutes les cultures artistiques (SC 123); elle est ouverte / en dialogue avec l’art contemporain (SC 123); elle est en recherche d’une beauté simple et sobre (voire noble) mais pas de faste (SC 124/a); elle veut promouvoir les œuvres d’art sacré (à considérer dans un sens assez vaste, même au-delà du domaine liturgique) de qualité et sachant entrer activement dans les dynamiques de la liturgie (SC 123.124/c).
Cet enseignement n’a pas une signification simplement théorique, mais se veut concret afin d’orienter l’activité des évêques et de leurs collaborateurs dans trois domaines: d’abord la formation du clergé et du peuple de Dieu; ensuite le choix des artistes et des architectes auxquels confier les tâches, enfin le projet et l’évaluation des œuvres d’art, d’architecture et d’ameublement sous leurs différents aspects, ornements, vases sacrés et décorations.
Ce canon de l’art sacré demandé par le Concile il y a 50 ans, a-t-il été respecté par les évêques dans les trois domaines sus indiqués?
En résumant très rapidement, je pourrais donner les réponses qui suivent. L’idée née pendant la période baroque que le “faste” doit nécessairement être associé à la liturgie semble dépassée, même s’il y a quelques résistances suivant les sensibilités régionales ou nationales. Un processus de “simplification” est certainement en marche et il semble irréversible. Mais dans le domaine de la recherche, de la formation, de l’information, ce processus reste fragile et toujours à la merci d’événements médiatiques et de sensibilités privées.
La simplicité recherchée est une “simplicité composite/complexe” obligatoirement multifonctionnelle car sont simultanément utilisés des objets contemporains et des objets historiques d’époques différentes. Par exemple, la “noble simplicité” dans le domaine de l’ameublement liturgique – au moins en ce qui concerne l’Italie – se rencontre rarement (dans certaines paroisses et cathédrales, dans un certain nombre dans les monastères) et est encore confiée à des initiatives isolées engagées dans le dialogue avec les designers et les spécialistes de la mode et de l’ameublement.
Nous sommes convaincus que la “noble simplicité” ne va pas naitre spontanément mais il faut la promouvoir avec énergie et sur le long terme comme est en train de faire le pape François.
Mgr. Giancarlo Santi
Professeur à l’Université Catholique du Sacré Cœur de Milan, président du Comité Scientifique de Koinè Recherche