Trois personnes nous font face, avec leurs vêtements d’autrefois, leurs visages qui nous contemplent frontalement, les yeux douloureusement vides. Nulle couleur dans cette plaque de verre transparente. Nulle vie, nulle expression dans ces regards absents. Ils sont là, tous les trois, comme des anges venus de je ne sais où, pour je ne sais quoi. Force poignante de l’être-là de ces figures, de ces personnages incarnés dans ce vitrail sans lieu, sans destination, devenu simple bas-relief. Etrangeté de ces présences, qui s’imposent à nous dans leur stature singulièrement fragile. Francis Ponge écrit : « Le verre (matière) est de nature amorphe, dur et fragile. C’est le symbole de la fragilité. (J’aime assez “dur et fragile”). »
La fragilité du verre résonne comme un appel impérieux
Cette curieuse alliance là – le dur et le fragile – nous ébranle fortement. Trois apparitions, venues d’autrefois, nées de photographies d’enfants aliénés dont Pascal Convert a trouvé trace dans des archives médicales – photographies du Dr Désiré Bourneville, assistant de Charcot à la Salpêtrière, se tiennent résolument debout dans l’espace, sans vaciller ni faiblir. Et pourtant, et pourtant ! La fragilité du verre résonne comme un appel impérieux : Regarde-moi, même si je ne dis rien ! Ecoute-moi parce que je ne dis rien ! Prends soin de ce que je suis, de ce que j’annonce !
Est-ce le vitrail ou bien les figures qui nous parlent ? A quoi nous invitent ces anges ? De quelle attente leurs regards vides sont-ils secrètement porteurs ?
Paul-Louis Rinuy