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La cathédrale d’Uppsala (Suède)

A la découverte d'un haut lieu de la chrétienté scandinave, des débuts de la christianisation jusqu'à l'effort oecuménique contemporain ...
Publié le 10 avril 2010

 

 

Façade nord de la cathédrale d’Uppsala  (Source : Wikipedia)

 

La ville d’Uppsala (4ème ville de Suède par son nombre d’habitants) se trouve à quelques 70 kilomètres au nord de Stockholm. Uppsala est un haut lieu de la chrétienté suédoise pour différentes raisons, mais avant tout parce que c’est là que fut établi en 1164 le premier archevêché de Suède. L’église fut alors construite à l’emplacement des lieux de culte païens, sur le site aujourd’hui appelé « Gamla Uppsala » (Vieil Uppsal). L’importance économique, religieuse et politique de cet endroit remonte au moins au 3ème siècle de notre ère et en a fait l’une des villes les plus importantes de la Scandinavie pré-chrétienne et chrétienne. Il s’agissait d’une résidence royale, mais aussi du lieu de la « grande Assemblée de tous les Suédois » (allra Svía þing en vieux norrois), un parlement qui se réunissait annuellement. Enfin, c’est également sur ce site que se trouvait un lieu de culte primordial pour les païens de la Scandinavie, le Temple d’Uppsala où de nombreux sacrifices avaient lieu. Après plusieurs déconstructions et reconstructions qui témoignent de la difficile conversion au christianisme, le temple fut définitivement détruit à la fin du 11ème siècle pour laisser place à une église, alors même que la Suède devenait une monarchie chrétienne. Il était alors commun d’édifier les lieux de culte de la nouvelle religion sur les ruines de ceux du paganisme ; il s’agissait non seulement d’un acte symbolique fort, mais aussi d’une volonté d’adoucir en quelque sorte la conversion pour le peuple, puisque les croyants se continuèrent finalement de se rendre sur le même lieu sacré. On notera qu’en 1989, le pape Jean-Paul II célébra une messe en plein air sur le site des Tertres funéraires du « Vieil Uppsal ».

 

A la suite de mouvements géologiques du terrain sur lequel se trouve le Vieil Uppsal, le centre de la ville fut déplacé de quelques kilomètres vers son emplacement actuel. C’est à cette époque, au milieu du 13ème siècle et alors que la vieille église avait brûlée, que commença la construction de la cathédrale d’Uppsala, à l’endroit où elle se dresse encore actuellement. Là aussi l’endroit choisi est symbolique, car il s’agit de la colline sur laquelle saint Erik fut, selon la légende, assassiné en 1160. Il aurait été l’un des rois de Suède et un acteur phare de la christianisation de la Suède et de la Finlande. On trouve aujourd’hui les reliques de saint Erik dans l’une des chapelles de la cathédrale d’Uppsala. La cathédrale préserve aussi quelques reliques de sainte Brigitte (Brigitte de Suède, 1302-1373).

 

Plan de la cathédrale d’Uppsala – Gravure de Fredrik Akrel, 1770, dans J. B. Busser, Utkast till beskrifning om Upsala, Uppsala: Joh. Edman, 1769-73 (Source : wikipedia media)

 

Dès 1276, a lieu le premier couronnement dans la cathédrale d’Uppsala, celui de Magnus Ladulås. Jusqu’en 1719, les monarques suédois y furent couronnés, à l’endroit central du transept, sous la « Voûte du couronnement ». A cet endroit, la clé de voûte est ornée d’une main en or dont trois doigts sont tendus – le symbole de la main de Dieu donnant sa bénédiction (photographie de la voûte). Au moment de ce premier couronnement l’édifice n’était pas encore achevé ; il ne fut consacré qu’en 1435 et dédié à saint Erik, saint Olof et saint Laurent.

 

A la fin du 13ème siècle, le maître mâcon français Etienne de Bonneuil et ses compagnons arrivèrent en Suède sur la demande de l’archevêque qui le chargea de travailler sur le chantier de la cathédrale. Le plan au sol de la cathédrale est classique : il s’agit d’un plan en croix. La nef est surélevée par rapport aux bas-côtés qui l’encadrent, tandis que le chœur est entouré d’un déambulatoire semi-circulaire. A la fois les bas-côtés et le déambulatoire s’ouvrent sur des chapelles qui, avant la conversion au Protestantisme, étaient dédiées à différents saints. Après la Réforme, elles sont transformées en chapelles commémoratives célébrant la mémoire de personnes importantes. La chapelle la plus importante – consacrée en 1311 – était dédiée au Moyen Age à la Vierge, et se trouve à l’Est, dans l’exact prolongement de la nef et du chœur. On y trouve le monument funéraire de Gustave Vasa, roi de Suède de 1523 à 1560 et dont le rôle fut immense, d’abord pour la consolidation du royaume de Suède en tant que monarchie indépendante hors du joug danois, puis pour l’adoption de la Réforme dès les années 1530.

 

Ci-dessous : Intérieur de la cathédrale d’Uppsala – vue vers l’Est

© Caroline Levisse

 

 

   

Ci-dessus, à gauche : façade ouest, avec le portail principal

Ci-dessus, à droite : portail nord, sculpture de saint Olof

© C. Levisse

 

La cathédrale d’Uppsala est la plus vaste église de Scandinavie : elle est longue de 119 mètres, un nombre qui correspond également à la hauteur des deux flèches qui couronnent l’édifice. A l’intérieur, la voûte qui couvre la nef s’élève à 27 mètres au dessus du sol (ces mesures témoignent de l’importance dont jouissait la ville à l’époque de sa construction ; Uppsala fut d’ailleurs la première ville de Suède à se doter d’une université en 1477). L’édifice fut construit en brique et en pierre, dans le style gothique international, d’inspiration française (sûrement la marque du maître-maçon français travaillant sur le chantier), un choix architectural qui apparait nettement dans le plan au sol, l’élévation, le choix du style de voûte (croisée d’ogives) et la composition des portails.

En 1702, un incendie catastrophique ravagea la ville d’Uppsala et détruisit partiellement la cathédrale qui fut reconstruite en 1744. Le plan d’ensemble fut conservé, à l’exception des flèches qui prirent alors une autre forme, d’inspiration baroque. L’imposante chaire qui se trouve dans la nef près du transept date de 1710, il s’agit de la plus grande en Suède. Elle est richement ornementée de motifs décoratifs, mais aussi de scènes représentant Jean Baptiste prêchant dans le désert, l’apôtre Paul prêchant à Athènes et la parabole des ouvriers envoyés à la vigne. La chaire est couronnée d’une sculpture montrant Paul enlevé par les anges.

Ci-dessous : voûte surplombant la nef centrale

© Håkan Svensson, source : wikipedia media


 

Les quelques 1300 m² de fresques qui recouvrent à différents endroits (principalement les niveaux supérieurs des murs et la voûte) les murs intérieurs de la cathédrale datent d’une campagne de restauration ultérieure, menée au 19ème siècle. Ces fresques furent exécutées de sorte qu’elles possèdent un aspect médiéval. Lors de cette même campagne de travaux, les flèches furent de nouveau remplacées et de nouveaux vitraux furent installés.

 

Au long du 20ème siècle la cathédrale d’Uppsala fut également le lieu d’évènements importants qui continuent de la désigner comme un lieu essentiel de la chrétienté. Ainsi, en 1925, une conférence œcuménique est organisée à Uppsala et Stockholm, à l’initiative de l’archevêque Nathan Söderblom, célèbre pour avoir reçu le prix Nobel de la paix en 1930. Sa pierre tombale se trouve dans le chœur, aux côtés de celle de Laurentius Petri l’ancien, le premier archevêque de l’Eglise luthérienne évangélique de Suède (mort en 1573).
En 1968, le Conseil Œcuménique des Églises s’est réunit en Suède, à Uppsala, et c’est à cette occasion que fut créé le candélabre « Arbre de la Réconciliation des Peuples », qui marque la réintroduction dans les églises luthériennes suédoises des cierges que tout un chacun peut allumer et offrir. Le candélabre a été conçu par l’artiste local, Olof Hellström.

   

Les deux candélabres se trouvant en haut de la nef, juste après le narthex

© C. Levisse

 

La réintroduction des cierges que les visiteurs peuvent allumer va de pair avec un mouvement de rapprochement entre les différentes branches du christianisme et semble également aller à la rencontre d’un désir manifesté par certains membres de l’Eglise de Suède qui va dans le sens d’une pratique religieuse qui ne soit pas basée uniquement sur la prédominance exclusive des mots. La pratique des pèlerinages est également en hausse en Scandinavie, et à Uppsala, la cathédrale a accueilli en 2008 quelques rencontres du « pèlerinage de confiance sur la terre » organisé par des frères de la communauté de Taizé en lien avec les communautés locales.

Témoigant également de la volonté œcuménique mais surtout de la nouvelle popularité de Marie depuis quelques décennies, la cathédrale accueille depuis 2005 une statue mariale réalisée par l’artiste suédois Anders Widoff, intitulée Marie (le Retour). Elle est placée dans le déambulatoire, entre le chœur et la chapelle mariale, et tourne son visage et son regard vers le vitrail Est de la cathédrale. La particularité de cette œuvre réside dans le fait que Widoff ait choisi de représenter Marie à l’image d’une femme contemporaine, dans un manteau bleu et la tête couverte d’une banale écharpe de la même couleur mariale.

 

Ci-dessous : Anders Widoff, Marie (le Retour), 2005, cathédrale d’Uppsala

© C. Levisse

 

 

La cathédrale d’Uppsala est depuis quelques années un lieu dans lequel l’art contemporain trouve régulièrement sa place, et ce principalement de façon temporaire, notamment lorsque la paroisse participe aux festivals culturels de la ville. Nous reviendrons par exemple, dans un article ultérieur, sur l’immense débat déclenché par les photographies d’Elisabeth Ohlson lorsqu’elles furent installées dans la cathédrale en 1998. Mis à part sa participation à ce type d’évènements qui vise à inclure la cathédrale dans la vie culturelle séculaire, la paroisse installe aussi temporairement des œuvres en concordance avec certaines périodes liturgiques. Ainsi, du 21 février 2010 jusqu’en avril 2010, le photographe Fredrik Sjöberg expose les photographies de la série Kiasma, une réflexion formelle et symbolique autour de la croix. Le placement dans la cathédrale, avant et pendant la semaine pascale, avait pour objectif de faire naître une résonance particulière.

 

Ci-dessous : photographies de quelques-unes des œuvres de l’exposition Kiasma, par Fredrik Sjöberg, dans la cathédrale d’Uppsala, du 21 février au 3 avril 2010

© C. Levisse

 

Pendant cette même période du Carême et de la semaine pascale, (du 17 février au 3 avril), une grande sculpture d’Ingolf Kaiser était installée dans le bras sud du transept. La sculpture de bois est intitulée Descente de croix et elle trouve sa place dans la cathédrale chaque année depuis 2002, durant la même période.
Détail de la sculpture : http://arni.annall.is/2005-03-10/21.39.25

 

Enfin, puisque aujourd’hui le diocèse d’Uppsala est toujours le seul à posséder le titre d’archevêché en Suède, c’est dans la cathédrale que les évêques suédois prononcent leurs vœux, cérémonies parmi lesquelles il convient de mentionner l’ordination en 1998 de la première femme évêque en Suède, Caroline Krook, qui fut évêque du diocèse de Stockholm de 1998 à 2009.

 

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Sources :

Livret explicatif disponible dans la cathédrale, texte de Markus Holmberg, 2008 

Göran Hägg, "Uppsala domkyka", in Ann Catherine Bonnier, Göran Hägg, Ingrid Sjöström, Svenska kyrkor. En historisk reseguide, Stockholm, Medströms bokförlag, pp. 322-325

Site officiel de la cathédrale (version anglaise disponible) : www.uppsaladomkyrka.se

Site de Fredrik Sjöberg, auteur de la série "Kiasma" :  http://www.photag.se/Kiasma.html

 

 

Caroline Levisse

11. 04. 2010

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