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Sermon de saint Thomas d’Aquin sur l’attente de la venue du Sauveur

Dans ce cycle dédié à l'art de l'homélie de son blog Écrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous propose d'explorer l’histoire de la prédication chrétienne en tant qu’œuvre littéraire, héritière de la Bible, qui évolue au cours des siècles : des Pères de l’Église au Moyen Âge, du XVIIe siècle à nos jours. Nous découvrons ici le Sermon 7 pour l'Avent du grand théologien et philosophe dominicain saint Thomas d'Aquin, qui médite sur la joie de l'avènement du Sauveur.
Publié le 22 décembre 2022
Écrit par Martine Petrini-Poli

Thomas d’Aquin (Tommaso d’Aquino), théologien et philosophe dominicain, est né dans une famille noble, en 1224, au château de Rocca-Secca, près de la petite ville d’Aquino, dans le royaume de Naples. Il est élevé comme oblat au monastère bénédictin du Mont-Cassin, qu’il doit quitter par suite de l’expulsion des moines en 1239. Il poursuit alors ses études à Naples et entre, en 1244, malgré le désaccord de ses parents, à Naples, dans l’ordre des Frères prêcheurs (dominicains). Envoyé à Paris en 1245, il y fait la rencontre d’Albert le Grand (v. 1193-1280), qu’il suivra à Cologne en 1248, où il poursuivra ses études jusqu’en 1252. Entre 1252 et 1259, Thomas d’Aquin franchit, à l’université de Paris, les étapes de sa carrière d’enseignant universitaire. De 1259 à 1268, il retourne en Italie. Il compose, entre 1266 et 1273, dans les dernières années de sa vie, une œuvre magistrale, la Somme théologique (Summa theologica), traité théologique et philosophique. L’ouvrage se compose de trois parties, en 512 Questions (quaestiones), ce qui donne environ 3000 articles : la Somme théologique rend compte d’un mouvement d’exitus reditus, c’est-à-dire d’un mouvement de sortie (Ire partie : Dieu et la création) et d’un mouvement de retour (IIe partie : morale comme retour de la créature raisonnable vers Dieu et IIIe partie : le Christ et les sacrements comme chemin de retour vers Dieu). Ainsi, cette structure dynamique de l’œuvre semble avoir été prévue dès l’origine par Thomas d’Aquin et correspond bien aux diverses œuvres de ses contemporains (on pense notamment à Bonaventure et son Itinéraire de l’esprit vers Dieu (Itinerarium mentis ad Deum), écrit le prêtre dominicain, Marie-Dominique Chenu (1895-1990), fondateur du néo-thomisme, dans son Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin, Vrin, 1990, au chapitre sur la construction de la Somme théologique.

Canonisé en 1323, il fut proclamé docteur de l’Église en 1567 par Pie V et patron des universités par Léon XIII en 1880. Il a donné naissance au courant philosophique du thomisme. Comme le franciscain Bonaventure, le dominicain Thomas d’Aquin compose des sermons.

Fra Angelico, Vierge à l’Enfant avec saint Thomas d’Aquin (à droite) et saint Dominique, c. 1420, fresque, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage © Wikimedia commons

Sermon 7 de Thomas d’Aquin Lauda et laetare : Pousse des cris de joie ! Autre sermon pour l’Avent (Traduction par Charles Duyck, mars 2005)

Pousse des cris de joie et sois dans l’allégresse, fille de Sion, car voici que je viens et j’habiterai au milieu de toi, dit le Seigneur (Zacharie 2, 14)

Antiphonale monasticum, Solesmes
Prologue

Comme le dit le bienheureux Bernard : Réfléchissant très souvent à l’ardeur du désir de nos pères attendant la venue de Jésus, le Christ, je suis troublé en moi-même. En effet, celui qui réfléchit aux soupirs de ceux qui réclament, aux désirs de ceux qui attendent, aux joies de ceux qui annoncent la venue du Sauveur peut suffisamment se rendre compte de sa propre tiédeur vis-à-vis des bienfaits déjà reçus depuis sa venue. Cette venue, c’est avec de fréquents soupirs que la réclamait Isaïe 16, 1 : Envoie, Seigneur, l’agneau, etc. Et ailleurs, 63, 19 : Ah ! si tu déchirais les cieux, etc. Jérémie l’attendait d’un grand désir : Le Seigneur a fait une chose nouvelle sur la terre, etc. (Jérémie 31, 22). Et c’est avec une grande joie que Zacharie l’annonçait, comme cela apparaît dans la citation ci-dessus.

Dans ces paroles, le prophète fait trois choses : d’abord, il révèle les sentiments des saints pères qui ont précédé la venue du Sauveur en insistant continuellement sur ses louanges, en cet endroit : Pousse des cris de joie et sois dans l’allégresse, fille de Sion. Il révèle ensuite que le Fils de Dieu lui-même descendra du ciel : Voici que je viens. En troisième lieu, il montre [le Sauveur] apparaissant humblement dans la chair humaine : Et j’habiterai au milieu de toi.

Première partie [La joie de la venue du Sauveur]

Est donc révélée tout d’abord la joie de la venue [du Sauveur] qu’il fait ressentir en répétant le mot « joie » : joie parfaite. À ce propos, il faut noter que pour atteindre la joie parfaite, trois choses sont requises : d’abord, que l’esprit s’élève jusqu’au bienfait divin, ce qui est indiqué en cet endroit : Fille de Sion ; ensuite que l’amour se dilate par l’effet d’une joie spirituelle, en cet endroit : Sois dans l’allégresse ; troisièmement, que la langue soit stimulée à l’accomplissement de la louange divine, en cet endroit : Pousse des cris de joie ! En effet, si tu considères attentivement les faveurs divines, tu seras alors la fille de Sion ; si, dans l’exultation, tu chantes et combles de louanges et d’éloges la gloire de Dieu, alors tu connaîtras la joie parfaite ; si, de cette considération, naît la joie spirituelle, alors, fille de Sion, tu seras dans l’allégresse, ce qu’a ordonné le prophète en disant : Pousse des cris de joie et sois dans l’allégresse, fille de Sion !

Deuxième partie [La venue du Fils de Dieu sous une forme visible]

Deuxièmement, dans les paroles citées au début, le prophète décrit la proximité de la venue [du Christ] qu’il présente sous la forme d’une distance raccourcie, en cet endroit : Voici que je viens. Je viens, dis-je, de manière visible, avec une forme humaine, en quoi nous est révélée une nouveauté inouïe : Voici ! dit-il (…).

Troisième partie [L’humilité de la venue du Sauveur]

Troisièmement, dans les paroles citées au début, nous est montrée l’humilité de la venue [du Sauveur]. Ainsi, j’habiterai au milieu de toi, comme s’il disait : Je serai ton compagnon pendant ton voyage. Il dit donc : J’habiterai (…)

Martine Petrini-Poli

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