Saint Bonaventure (1217 ou 1221 – 1274), théologien et philosophe majeur du XIIIe siècle, contemporain de Thomas d’Aquin, est devenu supérieur de l’ordre des Frères Mineurs (franciscains) et créé cardinal-évêque d’Albano à la fin de sa vie. Sa réflexion philosophique s’inscrit dans le courant de l’augustinisme.
Bonaventure étudie à la Faculté des arts de Paris jusqu’en 1242 où il devient maître ès arts, grade donnant accès à la Faculté de théologie. Pendant ces sept ans d’études, il fréquente les frères mineurs. En 1243, Bonaventure entre dans l’Ordre franciscain de Paris. De 1243 à 1248, il étudie la théologie, sous la conduite de divers maîtres, et devient bachelier biblique en 1248, ce qui lui permet de lire et commenter les Écritures. En 1250, devenu bachelier sententiaire, il commente le Livre des Sentences de Pierre Lombard, manuel théologique d’enseignement religieux. On compte de nombreux sermons de Bonaventure qui se divisent en trois catégories : les Sermones dominicales qui sont des œuvres théologiques écrites, les Sermones de tempore, les plus nombreux, et les Sermones de diversis.
Les Sermons de Bonaventure prolongent son enseignement, exposent sa doctrine théologique d’une façon proche de ses Traités. La parole vigoureuse du prédicateur vient animer les puissantes structures qui rythment la pensée, les classifications qui ordonnent les mondes matériel et spirituel. Cette claire rigueur, cette construction de la connaissance semblent portées par la raison aristotélicienne dont Albert le Grand et Thomas d’Aquin affirment alors la primauté. Mais le prédicateur est en même temps poète, en faisant de la métaphore un moyen privilégié pour conduire à la juste vision de l’humain et du divin. Vision symbolique et mystique, intuition d’une sensibilité franciscaine tournée vers l’amour des créatures et du Créateur, in Intuition et Raison, Choix de sermons de Saint Bonaventure, traduits, présentés et annotés par Annie et Bernard Verten, 2006, Ed. Grégoriennes.
– Le Sermon I de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie (de Annuntiatone beatae Mariae Virginis) porte sur le mystère de l’Incarnation : [Voici qu’Assur était] comme un cèdre du Liban, aux belles branches et au feuillage touffu, [à la tige élevée, et sa cime s’élançait parmi d’épais rameaux.
1. Ces mots, bien qu’au sens littéral on les interprète d’un autre en leur donnant une autre signification, cependant, selon la vérité et l’intelligence spirituelles, on peut en parler à propos du Verbe incarné de la Vierge en tant qu’habitant le Liban spirituel, dont notre Mère la Sainte Eglise célèbre bientôt le mystère de la bienheureuse incarnation et le saint avènement dans la chair. En effet le Verbe incarné est décrit par ces mêmes versets d’une triple manière : – en tant qu’il est le plus élevé par le caractère unique de sa grâce, lorsqu’il est dit : Comme un cèdre dans le Liban, c’est-à-dire la très pure Vierge Marie, ou encore la complexité du monde, l’Eglise universelle, ou la patrie céleste ; – en tant qu’il est le plus beau par sa sagesse lumineuse, lorsqu’on ajoute : aux belles branches, la connaissance de la sagesse universelle, la lumière des sciences et la vérité de toutes choses ; – en tant qu’il se couvre de nouvelles beautés par le mystère de la hiérarchie angélique, lorsqu’on ajoute : feuillage touffu , c’est-à-dire , selon la glose, orné de tous les dons et de toutes les capacités.
2. Parce que le mystère de l’Incarnation du Seigneur est un secret si profond que nulle intelligence n’a la force de le saisir, que nulle langue n’a la force d’en développer le sens, l’Esprit saint, s’abaissant au niveau de la faiblesse humaine, a voulu qu’il soit représenté au moyen de nombreuses métaphores grâce auxquelles, pour ainsi dire conduits par la main, nous pourrions parvenir à quelque connaissance de ce mystère. C’est pourquoi le Saint-Esprit explique dans l’Écriture elle-même que : – par le cèdre gagnant la hauteur, il faut voir la sublimité de ses deux natures, la divine et l’humaine, comme le dit Ben Sirac : Comme le cèdre [dans le Liban] ;
– par le cyprès odoriférant, il faut voir la douceur de sa grâce, d’après Ben Sirac : Comme le cyprès sur la montagne de Sion ; – par l’olivier multipliant ses rejetons, il faut voir la bonté et la beauté de sa vie et de sa conduite, selon Ben Sirac : Comme un olivier multipliant ses rejetons ;
– par le palmier poussant tout en hauteur, il faut voir la longanimité de sa patience, ce que dit le Cantique : Ta taille ressemble à un palmier ;
– par le nard exhalant son parfum, il faut voir la diffusion de sa renommée, d’après le Cantique : [Tandis que le roi était sur son lit de table], mon nard a exhalé son parfum ; – par l’hysope purificatrice, il faut voir la force de l’humilité de sa passion, ce que l’on lit dans le Psaume : Arrose-moi Seigneur avec l’hysope, [et je serai purifié ; tu me laveras , et je deviendrai plus blanc que la neige] ; – par la myrrhe qui conserve, il faut voir l’incorruptibilité de son corps : [Je me suis levé pour ouvrir à mon bien-aimé ; de mes mains a dégoutté la myrrhe et] mes doigts étaient pleins [de la myrrhe la plus précieuse].
Nous trouvons ici un type de sermon médiéval. Le point de départ est une citation biblique empruntée à la liturgie du jour : comme un cèdre du Liban. Le prédicateur tire du texte l’idée principale du mystère de l’Incarnation figurée par le cèdre du Liban qu’il décline dans un rythme ternaire. Il enrichit la métaphore par trois autres arbres bibliques (cyprès, olivier, palmier), et par trois parfums symboliques (nard, hysope et myrrhe). Le sens musical et poétique de saint Bonaventure suggère toute la profondeur du mystère chrétien.
– Sermon II de l’Annonciation : la théologie mariale.
– Sermon de la Vigile de Noël (In Vigilia Nativatis), entre 1254 et 1268 : la recherche du Christ par l’âme avide d’absolu.
_ Sermons de l’Epiphanie, entre 1254 et 1268.
– Sermons I et II de la Toussaint (In Festo omnium sanctorum) : réflexion sur la sainteté et sur la cité de Dieu, la patrie des saints.
– Sermon I de saint André apôtre (De sancto Andrea apostolo), 1267 : réflexion sur la Croix, croix de saint André et croix du Christ, à partir d’une image essentielle de la symbolique de Bonaventure, l’arbre de vie, Lignum vitæ, court traité métaphysique composé en 1260.
– Sermon II de saint André apôtre sur la théologie du Verbe : Dieu éternel n’a pas de corps si ce n’est dans la personne du Verbe incarné…, mais demeurant invisible en lui-même, il est décrit à travers les figures et les métaphores des membres humains, non qu’il possède ces membres mais parce qu’il peut correspondre à ces figures (in Une Théologie du Verbe, Sermons de la Nativité et de l’Epiphanie d’Annie et Bernard Verten, 201.
Martine Petrini-Poli