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L’homélie chez saint Augustin (354-430)

Dans ce cycle dédié à l'art de l'homélie de son blog Écrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous propose d'explorer l’histoire de la prédication chrétienne en tant qu’œuvre littéraire, héritière de la Bible, qui évolue au cours des siècles : des Pères de l’Église au Moyen Âge, du XVIIe siècle à nos jours. Cette publication est consacrée à l'art de l'homélie chez saint Augustin, un des quatre pères de l’Eglise latine, qui est aussi l'un plus grands théologiens chrétiens, auteur d'une œuvre considérable.
Publié le 14 février 2018
Écrit par Martine Petrini-Poli

Selon La Vie de saint Augustin écrite par son disciple Possidius de Calame, Augustin naît le 13 novembre 354 à Thagaste en province d’Afrique (actuelle Algérie) d’un père païen et d’une mère chrétienne, sainte Monique, fervente chrétienne d’origine berbère. Il appartient à une famille de classe aisée qui ambitionne de voir son enfant devenir avocat ou membre de l’administration impériale. À 29 ans, en 383, il quitte Carthage pour Rome, puis pour Milan, résidence impériale, où il enseigne la rhétorique. Il devient fonctionnaire : c’est le sommet de sa carrière.

Sandro Botticelli, St Augustin dans son cabinet de travail, 1490-94 
© Wikimedia commons

Converti à l’âge adulte au christianisme, baptisé par saint Ambroise à Pâques 387, il retourne en Afrique. Avocat et homme de culture, il met ses talents intellectuels et littéraires au service de sa foi : J’ai lu et compris, sans aucun secours, tout ce que je pus lire traitant de ce qu’on appelle les arts libéraux. Tout ce qui tient à l’art de parler et de raisonner, aux dimensions des corps, à la musique, aux nombres, je l’ai appris sans beaucoup de peines et sans le secours de personne ; vous le savez, ô Seigneur, mon Dieu, puisque cette vivacité de conception, cette pénétration d’esprit sont des avantages que je tiens de vous, cependant je ne songeais pas à vous en témoigner ma reconnaissance, écrit-il dans les Confessions. Ordonné prêtre en 391, il est élu évêque d’Hippone (près de l’actuelle Bône, Algérie) en 396, il meurt en 430. Il laisse derrière lui une œuvre immense qui continue à être une référence, Les Confessions, le De Trinitate ou La Cité de Dieu. Docteur de l’Eglise, il est un des quatre pères de l’Eglise latine ; il est l’un des plus grands théologiens chrétiens.

SANDRO BOTTICELLI, SAINT AUGUSTIN DANS SON CABINET DE TRAVAIL, FRESQUE, 1480, CHIESA DI OGNISSANTI, FLORENCE © WIKIMEDIA COMMONS

En iconographie, Augustin est représenté en évêque, parfois plongé dans l’étude, avec le cœur enflammé ou percé de flèches.

Son œuvre oratoire, écrit Marc Escola, rassemble des méditations composées au fil d’un quotidien rythmé par le temps liturgique, au cours de ses trente-neuf années d’activité pastorale : à l’occasion d’un passage de l’Ecriture sainte correspondant à tel office de tel jour, de telle fête, de telle commémoration, Augustin commente la Bible, établit le panégyrique d’un haut personnage en s’adaptant au public ou aux circonstances. On dénombre aujourd’hui 500 sermons ainsi conçus, certains découverts il y a une trentaine d’années seulement.

« En vous expliquant les Écritures saintes, c’est comme si nous vous rompions des pains. Ce que je vous distribue n’est pas mien. Ce que vous mangez, je le mange. Ce dont vous vivez, j’en vis. Nous avons notre garde-manger commun dans le ciel, car c’est de là que vient la Parole de Dieu. » Sermon 95, 1

Dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, les Pères de l’Église s’inspirent, dans leurs prédications, de l’art rhétorique de Cicéron. Saint Augustin théorise cette continuité stylistique en christianisant les finalités. Il faut sans doute enseigner (docere), plaire (placere) et émouvoir (movere), grâce à une éloquence noble, ordonnée et régulière, mais en vue d’édifier l’auditoire. Sur le plan littéraire, le sermon pose la question de l’éloquence sacrée et de ses rapports avec la rhétorique. Dans son Sermon sur la première Lettre de saint Jean, Augustin écrit : Le son de nos paroles frappe les oreilles ; le maître est à l’intérieur. Ne croyez pas qu’un homme puisse apprendre quelque chose d’un autre homme. Nous pouvons vous avertir en faisant du vacarme avec notre voix ; s’il n’y a pas à l’intérieur quelqu’un pour vous instruire, c’est en vain que nous faisons du bruit. C’est la doctrine augustinienne du prédicateur intérieur.

Les sermons de saint Augustin ont été traduits, classés et publiés par l’abbé Raulx en 1866 et 1868, dans les tomes VI, VII et VIII et XI des Œuvres complètes.

183 Sermons détachés sur l’Ancien Testament, les Evangiles et les Actes des Apôtres (tome VI, 1ère série, 1866) :
50 sermons sur l’Ancien Testament n°1 à 50
44 sermons sur l’évangile de Saint Matthieu n°51 à 94
3 sermons sur l’évangile de Saint Marc n°95 à 97
29 sermons sur l’évangile de Saint Luc n°98 à 126
21 sermons sur l’évangile de Saint Jean n°127 à 147
3 sermons sur les Actes des Apôtres n°148 à 150
33 sermons sur divers passages de l’Ecriture Sainte n°151 à 183 (tome VII, suite de la 1ère série, 1868)

156 Sermons pour les Solennités et Sermons Panégyriques n°184 à 340 (tome VII, 1868) Ces sermons portent sur l’Incarnation et sur les fêtes liturgiques (Noël, Epiphanie, Carême, Passion, Pâques, Ascension, Pentecôte), sur les saints et les martyrs.

201 Sermons inédits (suite du tome XIe 6e série, 1868) :
68 sermons série n°1
25 sermons série n°2
10 sermons série n°3
36 sermons série n°4
62 sermons série n°5

Ces sermons inédits sont constitués de suppléments sur l’Ecriture, le propre du temps, les saints, les fêtes de l’année…

En 1990, dans un manuscrit du XVe s. conservé à la Stadtbibliothek de Mayence, François Dolbeau a reconnu une série de sermons d’Augustin authentiques, les uns totalement inconnus jusque-là, les autres connus dans des versions brèves. Cinq ans de labeur furent ensuite nécessaires pour en établir l’editio princeps, qui parut en 1996 dans la Collection des Études Augustiniennes : Vingt-six sermons au peuple d’Afrique, qui ont conservé toute la spontanéité de l’oralité.

Fra Filippo Lippi, Vision de saint Augustin ou Apparition de l’enfant à saint Augustin, tempera sur panneau (28 × 51,5 cm), entre 1452 et 1465, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg © Wikimedia commons

A partir du XVe siècle, il est parfois accompagné d’un enfant tenant un coquillage (ou une cuillère). Dans la vision d’Augustin, un enfant s’appliquait à vider la mer avec un coquillage. Celui-ci répondit à Augustin qui lui demandait s’il y parviendrait : Certainement, avant que tu aies compris la nature de Dieu ! Augustin est le saint patron des imprimeurs et des théologiens. Il est fêté le 28 août.

Martine Petrini-Poli

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