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La prédication du Christ

Avec ce nouveau cycle du blog Écrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous invite à explorer l’histoire de la prédication chrétienne et l'art de l'homélie, en tant qu’œuvre littéraire, héritière de la Bible, qui évolue au cours des siècles : des Pères de l’Église au Moyen Âge, du XVIIe siècle à nos jours. Nous découvrons avec cette seconde publication consacrée à l’art de l’homélie celui dont l'enseignement fut un modèle parfait de prédication, en la personne de Jésus-Christ.
Publié le 07 juillet 2022
Écrit par Martine Petrini-Poli

Saint Luc (2, 46-47) décrit les débuts de la prédication de Jésus dans la synagogue : C’est au bout de trois jours que ses parents le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.

Peinture murale, Jésus devant les Docteurs de la Loi, Église Sainte Sophie, Trabzon, Turquie ©j.d.dallet

Luc montre encore Jésus qui, après avoir lu un passage d’Isaïe (61, 1-2), s’adresse à l’assemblée de la synagogue de Nazareth témoignant en lui de l’accomplissement du passage de l’Écriture : Lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Luc 4, 17-21

Le Ressuscité explique aussi les Écritures aux deux disciples faisant route vers Emmaüs (Luc 24, 13-32). La signification théologique est très riche, comme le remarque le Pape Benoît XVI dans son commentaire : « Ce superbe texte de l’Évangile contient déjà la structure de la Sainte Messe : dans la première partie, l’écoute de la Parole à travers les Saintes Écritures ; dans la deuxième, la liturgie eucharistique et la communion avec le Christ présent dans le Sacrement de son Corps et de son Sang. »

Arcabas, Les Pèlerins d’Emmaüs, Eglise saint Hugues de Chartreuse ©donation Arcabas

Saint Matthieu rapporte le Sermon sur la montagne, fait par Jésus de Nazareth, vers l’an 30, à ses disciples, ainsi qu’à la foule qui s’était rassemblée, dans un lieu élevé, au nord de la mer de Galilée, près de Capharnaüm.

Le Sermon sur la montagne, Matthieu 5, 21 à 48

Après avoir passé une nuit dans la méditation et la prière, le lendemain, Jésus appelle ses disciples et, parmi eux, en choisit douze pour être ses apôtres. Après cette consécration solennelle, il fait ce discours, considéré comme essentiel dans son enseignement. A la suite des Béatitudes, six antithèses, au chapitre 5, 21-48, illustrent le verset 17 : Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir la loi et les prophètes. Ce discours sera intitulé Sermon sur la montagne par saint Augustin. Selon Gandhi, il contient les principes centraux du Christianisme.

La justice nouvelle supérieure à l’ancienne

5, 21 Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; celui qui tuera est passible de jugement. 22 Eh bien ! Moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; mais s’il dit à son frère : Crétin ! Il en répondra au Sanhédrin ; et s’il lui dit : Renégat ! Il en répondra dans la géhenne de feu. 23 Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande. 25 Hâte-toi de t’accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec lui sur le chemin, de peur que l’adversaire ne te livre au juge, et le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. 26 En vérité, je te le dis : tu ne sortiras pas de là, que tu n’aies rendu jusqu’au dernier sou. 27 Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas l’adultère. 28 Eh bien ! Moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle. 29 Que si ton œil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi : car mieux vaut pour toi que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne soit pas jeté dans la géhenne. 30 Et si ta main droite est pour toi une occasion de péché, coupe-la et jette-la loin de toi : car mieux vaut pour toi que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne s’en aille pas dans la géhenne. 31 Il a été dit d’autre part : Quiconque répudiera sa femme, qu’il lui remette un acte de divorce. 32 Eh bien ! Moi je vous dis : Tout homme qui répudie sa femme, hormis le cas de « prostitution », l’expose à l’adultère ; et quiconque épouse une répudiée, commet un adultère. 33 Vous avez encore entendu qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne te parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments. 34 Eh bien ! Moi je vous dis de ne pas jurer du tout : ni par le Ciel, car c’est le trône de Dieu. 35 ni par la Terre, car c’est l’escabeau de ses pieds ; ni par Jérusalem, car c’est la Ville du grand Roi. 36 Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux en rendre un seul cheveu blanc ou noir. 37 Que votre langage soit : Oui ? Oui, Non ? Non : ce qu’on dit de plus vient du Mauvais. 38 Vous avez entendu qu’il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. 39 Eh bien ! Moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant : au contraire, quelqu’un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l’autre ; 40 veut-il te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui même ton manteau, 41 te requiert-il pour une course d’un mille, fais-en deux avec lui. 42 A qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. 43 Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
44 Eh bien ! Moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, 45 afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. 46 Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? 47 Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? 48 Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.

Les six antithèses

Six antithèses Il a été dit…eh bien ! Moi je vous dis apparaissent comme six controverses sur l’interprétation des commandements de la Loi et leur accomplissement par le Christ. Le schéma argumentatif est toujours le même : on a d’abord l’interprétation rabbinique, puis le commandement de l’Ancien Testament, enfin l’interprétation qu’oppose Jésus, suivie d’une règle d’application.

Ce qui frappe, c’est la radicalité des propos du Christ. En effet le Christ ne reçoit pas comme Moïse la Révélation de Dieu, il l’enseigne et la met en pratique. Il est l’interprète de la loi unique de Dieu. Il est précisément venu pour révéler le sens de la loi et des prophètes comme expression de la volonté de Dieu. La justice est désormais le critère d’obéissance à la loi, c’est-à-dire le commandement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Il ne suffit donc pas de suivre les commandements, il faut vivre dans la justice pour accomplir la volonté de Dieu. Or qu’est-ce qui limite la justice ?

Dans la 1ère antithèse sur le meurtre, Jésus radicalise la portée du faux témoignage qui peut, dans un procès, aboutir à une condamnation à mort et qui va à l’encontre du 5e et du 8e commandement du Décalogue : Tu ne tueras pas, Tu ne porteras pas de faux témoignage. Avec un adversaire, on doit donc se mettre d’accord pendant qu’il est temps, rechercher la conciliation. Avec un frère, on peut tenter de se réconcilier avant tout acte religieux.

Dans la 2e antithèse, une même radicalisation fait écho au 6e commandement sur l’adultère. La dénonciation du désir par le regard reprend le 10e commandement : Tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin. Dans la Genèse, le dessein de Dieu est que l’homme et la femme ne forment qu’une seule chair.

La 3e antithèse sur le divorce reprend des articles de codes du Deutéronome, de l’Exode et du Lévitique. Jésus avertit que la répudiation risque de conduire à l’adultère.

La 4e antithèse sur le parjure actualise le 3e commandement : « Tu ne prononceras pas à tort le nom du Seigneur ton Dieu. »

La 5e antithèse porte sur la loi du talion qui était ainsi formulée dans Exode 21, 24-25 : Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent. Le Christ en montre toutes les limites en affirmant : Si quelqu’un te frappe la joue droite, présente-lui aussi l’autre. A la vengeance légitime primitive s’oppose le pardon des offenses.

Enfin la 6e antithèse oppose au verset du Lévitique 19,18 l’enseignement de Jésus sur l’amour du prochain qui s’étend même à l’amour des ennemis, par des jeux d’opposition entre « aimer » et « haïr » et entre « prochain » et « ennemi ».

Dans ces antithèses toutes axées sur le concept-clé de justice, le Christ, qui recourt à des affirmations vigoureuses, affirme sa liberté et son autorité de Fils de Dieu. En effet, cet extrait appartient à un genre littéraire particulier, le sermon, qui présente, malgré un désordre apparent, la structure d’ensemble homogène d’un discours construit offrant un enseignement : le seul commandement de l’amour de Dieu et du prochain.

Martine Petrini-Poli

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