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Augustin d’Hippone (354-430) une vie intense en quête de l’œuvre de la grâce

Notre blog Ecrits mystiques poursuit son cycle de patristique dédié aux pères du désert, aux pères cappadociens, aux pères de l’Eglise latine. Après Ambroise de Milan qui participa à son chemin de conversion, nous découvrons la vie et l'œuvre de saint Augustin d'Hippone, son itinéraire spirituel hors norme et la dimension exceptionnelle de ses écrits - avec notamment « Les Confessions » et « La Cité de Dieu » - qui ont marqué durablement son temps, jusqu'à l'époque actuelle.
Publié le 17 février 2022
Écrit par Martine Petrini-Poli

Saint Augustin est la figure majeure de l’Église antique. Né à Taghaste (l’actuelle Souk Ahras, en Algérie) en 354, il reçoit une éducation chrétienne de sa mère, Monique, et une bonne formation classique à Madaure (actuelle M’daourouch) puis à Carthage, et devient professeur de rhétorique. Il a soif de réussir professionnellement, ce qui le mène à Rome puis Milan (siège de l’empire à cette époque) où il obtient la charge de l’éducation des enfants impériaux. En recherche spirituelle et philosophique constante, il se laisse tout d’abord convaincre par le manichéisme, doctrine religieuse conçue par Mani, fondée sur la coexistence et le dualisme antagoniste d’un principe du bien et d’un principe du mal qui l’emportera pour finir. A Milan, il rencontre le néoplatonisme, système philosophique qui naquit à Alexandrie au IIIe s. après J.-C., dont l’enseignement se prolongea jusqu’au VIe s., et qui consistait à renouveler le système platonicien en y adjoignant des éléments mystiques (Plotin). Le platonisme est un idéalisme, une quête de l’âme des Idées du Beau, du Bien et du Vrai. Notre monde ne serait que le reflet imparfait de ce monde des Idées.

Un jour, en 386 – raconte Augustin dans ses Confessions VIII, 12-29 – une cantilène enfantine lui susurre avec insistance de prendre et lire (tolle lege tolle lege) : il comprend qu’il doit lire les Écritures. Il écoute aussi les homélies d’Ambroise, évêque de Milan, qui le baptise dans la nuit pascale de 387, après quelques mois de retraite. Converti au christianisme, il abandonne concubine, projet de mariage, vie dissolue et ambition mondaine. Décidé à retourner en Afrique du Nord, il connaît, ainsi que sa mère Monique, alors qu’ils sont en attente d’embarquement à Ostie, une extase mystique – qu’il nommera la contemplation d’Ostie. Quelques jours plus tard, sa mère meurt à 56 ans.

Ary Scheffer, Saint Augustin et sa mère sainte Monique, 1846, Musée de la vie romantique, Paris ©wikimedia commons

Rentré au Maghreb, il va fonder, en 388, dans la ferme familiale de Tagaste, une communauté fervente avec les amis qui l’ont suivi dans cet itinéraire d’approfondissement spirituel. Il est ordonné presbytre en 391 et devient évêque d’Hippone (près de l’actuelle Annaba) en 395 jusqu’à sa mort en 430.

Père de l’Eglise latine, il contribue à établir la doctrine chrétienne et laisse une œuvre majeure, littéraire, théologique et philosophique qui a influencé toute la pensée occidentale ultérieure : Il a dicté et publié tant d’ouvrages (…) qu’un homme d’étude pourrait à peine tout lire et tout connaître, écrit son disciple Possidius, évêque de Calame, dans la Vie d’Augustin 18,9. A cela il faut ajouter ses homélies et sa correspondance.

Sandro Botticelli, Saint Augustin dans son cabinet de travail, fresque, 1480, Chiesa di Ognissanti, Florence ©wikimedia commons

C’est à Hippone qu’il rédige, entre 397 et 400, Les Confessions, premier ouvrage d’un genre littéraire nouveau : l’autobiographie, où il raconte lui-même son cheminement. Augustin y trace un autoportrait sans complaisance, mais il estime que certains épisodes de sa vie sont significatifs de ce que Dieu a fait pour lui. Ce qu’il confesse, c’est la gloire de Dieu et la déchéance de l’homme sans la grâce. Ce Dieu qu’il avait cherché sans le savoir était là, depuis le commencement, à l’œuvre dans son âme : Toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même.

Les 4 livres de la Doctrine chrétienne, qui porte sur l’interprétation de la Bible, sont écrits en 397 et complétés en 427. De la Trinité, au cœur de la foi chrétienne, comporte 15 livres écrits entre 399 et 412 et complétés en 420. Il compose en 22 livres, entre 413 et 426, La Cité de Dieu, pour répondre aux attaques des païens qui accusaient le christianisme d’être la cause de la chute de Rome, mise à sac par les Wisigoths en 410. Augustin récapitule l’histoire de l’humanité, gouvernée par la Providence mais divisée entre la cité terrestre et la cité céleste :

Deux amours ont construit deux cités,
L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu,
L’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi.

C’est aussi depuis Hippone qu’il mène ses combats contre les manichéens (387-400), les donatistes qui contestaient les prêtres qui avaient failli (lapsi) lors des persécutions (392-412) et les pélagiens qui niaient le péché originel (412-430). Saint Augustin meurt âgé (en 430), lors du siège d’Hippone par les Vandales. Ce peuple venu d’Europe centrale (Pologne actuelle) a traversé toute l’Europe pour établir un royaume au Maghreb de 438 à 534. Les Vandales adhèrent à l’arianisme, doctrine qui nie la divinité du Christ, et ils persécutent l’église présente au Maghreb.

Le corps d’Augustin sera transporté en Sardaigne, avant d’être porté vers 725 à Pavie, où il est toujours conservé dans la basilique San Pietro in Ciel d’Oro. Augustin est canonisé par acclamation populaire en 1298 et reconnu comme docteur de l’Église la même année par le pape Boniface VIII.

Augustin d’Hippone est resté présent dans la vie de l’Église et dans l’esprit et la culture de tout l’Occident, écrit Jean-Paul II, en 1986. En effet, Augustin a permis au christianisme d’intégrer l’héritage grec et romain. Il a développé les grandes questions philosophiques comme le désir, la connaissance de soi, l’intériorité, la mémoire et le temps.

Beaucoup de congrégations vivent sous l’autorité de sa règle, notamment les assomptionnistes : La spiritualité d’Augustin ne consiste en rien d’autre qu’à faire la vérité sur sa propre vie et à l’orienter vers son vrai bien. Le moteur de la quête de la vérité, c’est le désir, l’amour. Cette quête se fait en suivant un itinéraire qui va de l’extérieur vers l’intérieur, de l’inférieur (les plaisirs faciles) vers le supérieur (la vraie réalisation de soi). Cette quête est l’œuvre de la grâce. Elle exige attention aux signes de Dieu et discernement, écrit Marcel Neusch. Le fruit doit en être l’élan apostolique.

Martine Petrini-Poli

Editions : Œuvres I : Les Confessions, Dialogues philosophiques, 1998 ;
Œuvres II : La Cité de Dieu, 2000 ;
Œuvres III : Philosophie, catéchèse, polémique, 2002, Gallimard.

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