Grégoire est nommé évêque de Nysse en Cappadoce en 372 par son frère de Basile de Césarée. Il rédige, entre 379 et 394, quelques grands textes spirituels de la littérature patristique. Père de l’Eglise, admirateur d’Origène, il possède une culture philosophique et rhétorique antique, et une connaissance théologique empreinte de mystique.
Voici les extraits de cinq œuvres majeures :
Grégoire de Nysse, raconte, avec toute la qualité littéraire de la rhétorique, à l’un de ses amis la Vie de Macrine, sa soeur, qui est née vers 327. Macrine est l’aînée d’une famille de dix enfants, parmi lesquels cinq, dont Basile et Grégoire, sont des saints reconnus par l’Église. Elle consacra sa vie au Christ, vivant en communauté dans une propriété familiale, à Anissa, avec sa mère, veuve, et d’anciennes servantes. Grégoire relate ses derniers entretiens avec elle et sa mort en 378. C’est un témoignage sur les débuts de la vie monastique dans une province d’Asie Mineure au IVe siècle, et un idéal de vie chrétienne.
1. Vie de Macrine (379-381) par Grégoire de Nysse, Prière de sainte Macrine, à sa
mort, 24 (SC 178, p. 221-225)
Dieu éternel,
Vers qui je me suis élancée dès le sein de ma mère,
Toi que mon âme a aimé de toute sa force,
A qui j’ai consacré ma chair et mon âme depuis ma jeunesse et jusqu’en cet instant,
Mets auprès de moi un ange lumineux qui me conduise par la main au lieu du rafraîchissement, Là où se trouve l’eau du repos, dans le sein des saints patriarches.
Toi qui as brisé la flamme de l’épée de feu et rendu au paradis l’homme crucifié avec toi, moi Qui ai cloué ma chair par ta crainte et qui ai craint tes jugements.
Que l’abîme effrayant ne me sépare pas de tes élus. (…)
Toi qui as sur la terre le pouvoir de remettre les péchés,
Fais m’en remise afin que je reprenne haleine, et qu’une fois dépouillée de mon corps,
Je sois trouvée devant ta face sans tache ni ride dans la figure de mon âme,
Mais que mon âme entre tes mains soit accueillie, irréprochable et immaculée, comme un encens devant ta face.
2. La Création de l’homme (379-394)
Comment l’homme, cet être mortel, soumis aux passions et qui passe vite, peut-il être l’image de la nature incorruptible, pure et éternelle ? Comment, si la divinité est heureuse, l’humanité malheureuse peut-elle parler d’image ? L’homme est créé à l’image de Dieu et formé avec la glèbe de la terre. Il n’y a pas de différence entre l’homme qui est apparu lors de la première création du monde, et celui qui naîtra lors de l’achèvement de tout ; tous portent également l’image divine.
3. Les Béatitudes
On voit souvent au bord de la mer, s’élever un de ces éperons rocheux qui offrent aux flots une surface abrupte du haut jusqu’en bas et dont la crête surplombe l’abîme. Le vertige que l’on ressent de cette hauteur, en jetant les yeux sur les gouffres marins, mon âme l’éprouve aussi aujourd’hui, où cette grande parole du Seigneur la dresse au-dessus des abîmes : Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. Dieu s’offre aux regards de ceux qui ont le cœur pur. (6e Béatitude, Heureux les cœurs purs)
4. Les Homélies sur le Cantique des Cantiques
Les Homélies sont précédées d’un Prologue, et les quinze sermons, prononcés en assemblée avant d’être retravaillés par écrit, commentent presque chaque mot du Cantique jusqu’au chapitre 6, verset 9, dans une lecture spirituelle. Ils livrent l’essence de la spiritualité chrétienne inspirée par ce chant biblique d’union intime à Dieu : De nouveau le Verbe de Dieu dit à l’âme qui, déjà, s’est levée : Lève-toi. Et à celle qui déjà est venue : Viens. En vérité, pour qui vraiment se lève, il faudra se lever toujours, et pour qui court vers le Seigneur, jamais ne manquera le large espace à sa course divine. Ainsi chaque fois qu’il dit : Lève-toi et viens, il donne à chaque fois la grâce d’une nouvelle ascension. (Homélies sur le Cantique, VI).
Dans son Prologue, Grégoire cite Origène : Bien qu’Origène ait déjà traité de ce livre d’une manière approfondie, nous avons eu à cœur, nous aussi, de livrer à l’écriture le fruit de notre travail. Le fidèle s’élève de degré en degré – de verset en verset – vers le Christ toujours saisi et jamais atteint. La colombe représente l’Esprit Saint qui nous habite, et la « ténèbre » l’inaccessibilité de Dieu, toujours au-delà de ce que nous en connaissons : Jamais celui qui monte ne cesse d’entreprendre commencement après commencement (…), car jamais le désir de celui qui monte ne s’arrête à ce qu’il connaît déjà, mais l’âme s’élevant sans désemparer par un désir plus grand à un autre désir encore supérieur, poursuit sans cesse, par des ascensions toujours plus hautes sa route vers l’infini. (Hom. VIII,1)
5. La Vie de Moïse (391-394)
Dieu est une montagne escarpée et difficilement accessible. La grande foule n’atteint que le pied, et à peine. Mais si quelqu’un est un Moïse, il lui arrivera, en montant, de devenir capable d’entendre le son des trompettes qui devient plus fort à mesure qu’on avance. (Vie de Moïse). Le thème de Moïse et de l’Exode est le modèle de l’ascension spirituelle, à la rencontre de Dieu.
Martine Petrini-Poli