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Saint Antoine le Grand et les Pères du désert

Avec le blog Ecrits mystiques, nous poursuivons ce cycle de patristique dédié aux pères du désert, aux pères cappadociens, aux pères de l’Eglise latine. Nous découvrons ici Saint Antoine le Grand (v.251-356), le plus célèbres des anachorètes - considéré avec saint Paul Ermite (de Thèbes) comme l'un des initiateurs du monachisme occidental - et la vie des Pères du désert...
Publié le 09 décembre 2021
Écrit par Martine Petrini-Poli

Désirant échapper, même pour un moment, au bruit du monde, de nombreux Occidentaux cherchent dans les sagesses orientales une pratique du silence qui leur permettra de se recentrer sur la vie de l’esprit. Beaucoup ignorent cependant que le christianisme, lui aussi, propose une telle discipline du silence et de la méditation ; plus encore, qu’elle est présente dès ses premiers temps, ceux des Pères du désert, et qu’elle est à la racine de toute sa théologie mystique. Monseigneur Michel Laroche, théologien orthodoxe, nous invite à découvrir cette voie du silence et les moyens de la suivre aujourd’hui. Du « Connais-toi toi-même » au « Oublie-toi toi-même », il nous montre comment les pratiques antiques de la méditation chrétienne peuvent être adoptées par tout un chacun. 4e de couverture, Mgr Michel Laroche, La Voie du silence : Dans la tradition des pères du désert, Albin Michel, 2010

La vie des Pères du désert

Les anachorètes (du grec ἀναχωρέω, ana, à l’écart, et khorein, se retirer) sont des moines qui ont choisi de vivre dans la solitude et le recueillement pour approfondir leur vie spirituelle. Ils sont aussi appelés ermites (du mot grec eremos, le désert) et partagent leur vie entre la prière, la méditation, l’ascèse et le travail. L’expérience érémitique est souvent proche du mysticisme. Le berceau de l’anachorétisme se situe en Haute-Égypte.

Les moines se construisaient une « cellule ». D’après les fouilles, elle se composait généralement de deux pièces dans lesquelles ils vivaient et priaient dans la solitude, se regroupant uniquement pour la liturgie dominicale assortie d’une rencontre fraternelle, explique l’ermite bénédictine, sœur Emmanuelle Billoteau, du diocèse de Digne.

Les cellules étaient séparées les unes des autres pour maintenir la solitude nécessaire. Les ermites se rendaient visite pour un conseil spirituel ou selon leurs affinités. Les Pères du désert sont appelés abbas pères ») : abba, dis-moi une parole !

Les Pères du désert les plus connus

C’est en Haute-Égypte que naquit le plus célèbres des anachorètes, saint Antoine dit le Grand (v.251-356), considéré avec saint Paul Ermite (de Thèbes) comme les initiateurs du monachisme occidental. Antoine est né à Qeman (Coma), près de Memphis, dans une famille aisée. Il vécut d’abord à Alexandrie, seconde ville de l’Empire après Rome. Il décida de se retirer dans le désert pour méditer l’Ecriture et de se conformer aux enseignements de l’Evangile et à la prière. Il s’installa seul dans un tombeau à flanc de montagne, où il fut, selon la légende, soumis à diverses tentations du diable comme le montre le célèbre tableau de Jérôme Bosch (1508). Il est surnommé le « père des moines ». Il nous est connu par ses sentences, ses lettres et par une Vie rédigée par saint Athanase, évêque d’Alexandrie qui participa au Concile de Nicée en 325. Adversaire de l’hérésie arienne, ce dernier dut quitter à plusieurs reprises son siège épiscopal à cause de persécutions. Il découvrit alors les déserts d’Egypte et les moines qui y vivaient.

Le tableau de Vélàzquez présente la visite de saint Antoine à un autre ermite de la Thébaïde, saint Paul de Thèbes (v.228-341) ; ils sont nourris par un corbeau. La scène en contre-bas représente l’inhumation de Paul par Antoine aidé de deux lions chargés de creuser le sable du désert.

Diego Velázquez, Saint Antoine Abbé et Saint Paul premier ermite, huile sur toile, 1634, Musée du Prado, Madrid © Wikimedia commons

Macaire le Grand (v.300-391) de Scété, près du Caire, ou encore Macaire l’Égyptien (qu’il faut distinguer de son contemporain Macaire d’Alexandrie) est considéré comme l’un des pères du monachisme chrétien. Né en Haute Égypte, il mène d’abord une existence de chamelier et de contrebandier. Macaire aide les trafiquants de nitre à se rendre dans le désert de Wadi-Natroun – avant de vivre une conversion radicale autour de la trentaine, après la mort de ses parents.

Évagre le Pontique (v.345-399), originaire du Pont-Euxin en Asie Mineure, est un guide vers la liberté intérieure et la maîtrise de ses passions. Il s’établit, à 35 ans, dans le désert de Nitrie, en Egypte, où il resta deux ans, puis s’enfonça dans le désert dit des Cellules et y demeura jusqu’à sa mort, à 53 ans. Il évoque dans son Traité pratique « Le démon de l’acédie (…), le plus pesant de tous… D’abord il fait que le soleil paraît lent à se mouvoir, ou immobile, et que le jour semble avoir cinquante heures. » Ensuite, il force le moine « à avoir les yeux continuellement fixés sur les fenêtres, à bondir hors de sa cellule… à regarder de-ci, de-là si quelqu’un des frères… En outre il lui inspire de l’aversion pour le lieu où il vit, pour son état de vie même, pour le travail manuel, et, de plus, l’idée que la charité a disparu chez les frères, qu’il n’y a personne pour le consoler… » L’acédie est la perte du dynamisme spirituel, c’est au Moyen Âge un des sept péchés capitaux, qui sera remplacé par la notion de paresse, et perdra ainsi son sens initial.

Les écrits des Pères du désert

Les Apophtegmes des Pères du désert (Apophtegma(ta) Patrum en latin, Paroles des Pères) sont un ensemble de préceptes, d’anecdotes et de paroles, attribués aux ermites et aux moines qui peuplèrent les déserts d’Egypte, au IVe siècle. Ces écrits sont partie intégrante de la Tradition chrétienne. Transmis oralement en copte, ils furent mis par écrit aux IVe et Ve siècles et compilés en grec dans la première moitié du Ve siècle.

Quelqu’un demande à abba Macaire : « Comment doit-on prier ? ». L’ancien répond : « Tu n’as pas besoin de faire de longs discours. Etends seulement les mains et dis : « Seigneur, comme tu le veux, comme tu sais, aie pitié ! ». Et si un combat survient, dis : « Seigneur, au secours ! ». Le Seigneur sait ce qu’il nous faut et il a pitié de nous.

Martine Petrini-Poli

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