« On appelle « Pères de l’Église » les écrivains des premiers temps du christianisme qui, à la qualité doctrinale de leurs écrits, joignirent la sainteté de leurs vies. Tous, en Orient et en Occident, se firent les défenseurs zélés et intelligents de la foi de l’Église. L’âge patristique débute au IIe siècle et se termine avec Bède le Vénérable et Isidore de Séville en Occident (755), et Jean Damascène en Orient (749). » Jean-Michel Castaing, diocèse de Toulouse.
Le moine Vincent de Lérins définissait ainsi les Pères de l’Eglise : « Ce sont ceux qui après une vie sainte, un sage enseignement, un constant attachement à la foi et à la communion catholique, ont mérité de mourir fidèlement dans le Christ ou ont eu le bonheur de périr pour lui ». Le père Henri de Lubac appelle les Pères de l’Eglise « nos pères dans la Foi », car ils répondent à ces quatre exigences de l’Église :
1. Ils appartiennent à la période de l’Église antique (avant le VIIIe siècle) ;
2. Ils ont mené une sainte vie ;
3. Ils ont écrit une œuvre exempte d’erreurs doctrinales, constituant une défense de la doctrine chrétienne ou une illustration ;
4. Ils ont bénéficié de l’approbation implicite ou explicite de l’Église.
On peut classer les Pères de l’Église selon leur époque (apostoliques, signifiant qu’ils ont connu les Apôtres), la nature de leurs écrits (apologistes, défenseurs de la religion chrétienne), le style de leur pensée (orientaux ou occidentaux, de l’école d’Alexandrie ou d’Antioche), leur langue (latine, grecque ou syriaque), leur milieu de vie. La connaissance des Pères de l’Église et de leurs écrits s’appelle, au plan historique, la patristique, et la patrologie, au niveau théologique. Un classement chronologique succinct permet de distinguer :
I. Les Pères apostoliques du Ier-IIe siècle : Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Polycarpe de Smyrne.
II. Les Pères apologistes : Irénée de Smyrne (140-202), évêque de Lyon, 1er grand théologien chrétien, Athanase d’Alexandrie (296/298-373), défenseur de la foi de Nicée (325), exilé à de multiples reprises.
Après l’édit de Constantin (313) qui clôt la période des persécutions, s’ouvre l’âge d’or des Pères de l’Église.
III. Les Pères orientaux du IVe siècle : trois pères cappadociens – Basile de Césarée (330-379), son frère Grégoire de Nysse (336-394), leur ami Grégoire de Nazianze (329-390) -, pères antiochiens – Jean Chrysostome – (345-407)
IV. Les Pères d’Occident du IVe-Ve siècle : Ambroise de Milan (340-397), Jérôme de Stridon (347-420) qui traduisit la Bible en latin, Augustin d’Hippone (354-430) qui domine l’histoire de la théologie et de la pensée. Ce sont, avec Grégoire le Grand (540-604), les quatre Pères de l’Eglise latine.
V. Orient et Occident du Ve au VIIIe siècle. Le grand débat théologique.
Quel intérêt présente l’étude des Pères de l’Eglise ?
La première source d’intérêt est l’étude et le commentaire de la Bible, grâce à la parfaite connaissance par les Pères de l’Écriture. Cette connaissance a permis d’élaborer les professions de foi des conciles œcuméniques : Nicée en 325, Constantinople en 381, Ephèse en 431, Chalcédoine en 451. La littérature apologétique prend naissance et s’épanouira avec l’Apologie de la religion chrétienne de Pascal, au XVIIe siècle, parue sous forme des Pensées. Les Pères de l’Église ont aussi établi les structures fondamentales de la liturgie, à la base des traditions liturgiques en Orient et en Occident. Enfin, les Pères ont tenté de structurer les ministères ordonnés.
Actualité et renouveau théologique des Pères de l’Église
Aujourd’hui, le renouveau des études patristiques est réel, tant sur le plan de l’édition critique, des traductions que des commentaires. Le recours aux écrits des Pères de l’Église a permis une reformulation de la foi lors du concile Vatican II, qui en a encouragé la lecture. Dans la « Constitution dogmatique sur la Révélation divine » (23) et le « Décret sur la formation des prêtres » (16), le concile Vatican II souligne l’importance pour notre temps de l’étude des Pères de l’Église. Les Pères de l’Église sont le trésor de l’Église indivise et ils ont toujours permis d’opérer un discernement dans les dialogues œcuméniques, écrit la théologienne Marie-Anne Vannier. On est aussi frappé par la beauté de ces textes littéraires qui allient souvent réflexion théologique et élan mystique.
Le Livre du Pédagogue de Clément d’Alexandrie (140-220)
Le livre du Pédagogue propose de nous mettre à l’école du maître unique, Jésus-Christ. Il se termine par l’hymne au Christ, d’inspiration à la fois biblique et platonicienne.
Prière au divin Pédagogue de Clément d’Alexandrie
Sois propice, ô divin Pédagogue, à tes petits enfants,
Ô Père, guide d’Israël,
Père et Fils, tout à la fois, Seigneur.
Donne-nous qu’en suivant tes préceptes,
Nous atteignions la ressemblance de l’Image,
Et que, selon nos forces, nous éprouvions la bonté de Dieu,
Et non point la vindicte du Juge.
Accorde-nous de vivre tous dans ta paix,
De passer en ta cité,
De traverser avec calme les eaux du péché,
Paisiblement portés par le Saint-Esprit,
Ta Sagesse ineffable.
Donne-nous de te chanter
Un cantique d’action de grâces, nuit et jour,
Et jusqu’au dernier jour.
Reçois notre louange,
Ô seul Père et Fils, ô Fils et Père,
Fils, notre Pédagogue et Maître,
Avec le Saint-Esprit.
Tout est à l’Unique,
En qui tout est, par qui tout est un,
Par qui est l’éternité,
Dont nous sommes tous les membres ;
A lui la gloire dans les siècles !
Tout est au Dieu bon,
Tout au Dieu beau,
Tout au Dieu sage,
Tout au Dieu juste.
A Lui la gloire et maintenant
Et dans les siècles des siècles ! Amen.
In Livre d’heures des premiers chrétiens, Desclée de Brouwer, 1982, p.57-58
Martine Petrini-Poli