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L’austérité de la vie de saint François et ses consolations dans La « Legenda Major » de saint Bonaventure

Avec ce nouveau cycle du blog Ecrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous invite à l'étude de la vie et de l'oeuvre de saint Bonaventure (1217 ou 1221 - 1274). Théologien et philosophe majeur du XIIIe siècle, contemporain de Thomas d’Aquin, il est devenu supérieur de l’ordre des Frères Mineurs (franciscains) et créé cardinal-évêque d’Albano à la fin de sa vie. Sa réflexion philosophique s'inscrit dans le courant de l'augustinisme. Poursuivons la lecture des chapitres III et IV de la « Legenda Major », ouvrage consacré à la vie de saint François d'Assise, avec le récit de la vie austère menée par le Poverello, adoucie par la charité et la vision consolante des créatures du monde animal.
Publié le 08 juillet 2021
Écrit par Martine Petrini-Poli

Chapitre V – De l’austérité de la vie du saint, et comment les créatures lui étaient un sujet de consolation

Le 5e chapitre de la Legenda Major relate toutes les mortifications que s’impose François d’Assise. Le récit se structure autour d’une série d’anecdotes édifiantes, c’est-à-dire propres à l’édification des religieux. La précision géographique accentue la véracité des faits (désert de Sartiano, Maison de Saint-Urbain, proximité de Padoue).

Ascèse et charité

Le saint était en effet arrivé à une telle pureté, que sa chair était soumise à son esprit et son esprit à Dieu avec un accord admirable.

Du grec askêsis, exercice, effort, l’ascèse est l’ensemble des exercices physiques et moraux destinés à libérer l’esprit par la maîtrise du corps en vue d’un perfectionnement spirituel et moral. L’ascèse existe dans toutes les religions et a un lien avec la mystique. Cependant, l’ascèse chrétienne est un moyen de conversion qui permet de mieux répondre aux premier et second commandements de Dieu « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Mt 22, 38-39). C’est précisément ce que François explique à ses frères :

« Cherchez, mes frères, à être l’exemple des autres par votre charité, et non par une abstinence excessive dans la nourriture. »

Le dernier paragraphe du 5e chapitre en donne le résumé : Au moindre désir de sa volonté, le feu modérait ses ardeurs, l’eau changeait de nature, les anges faisaient entendre la douceur de leurs concerts, la lumière du ciel prodiguait ses rayons, et le monde entier se montrait ainsi empressé à servir son innocence et sa sainteté.

Chapitre VI – De l’humilité et de l’obéissance de François, et de la condescendance du Ciel à ses moindres désirs

Frères mineurs

Aussi François, véritable modèle d’humilité, voulut-il que ses frères fussent appelés mineurs, et les supérieurs de son ordre ministres, afin de se servir du langage de l’Evangile, qu’il avait promis d’observer, et d’apprendre à ses disciples par leurs noms mêmes qu’ils étaient venus à l’école de l’humble Jésus pour s’y exercer à l’humilité. En effet, le Maître de l’humilité, Jésus-Christ, voulant former ses apôtres à la perfection de cette vertu, leur dit : Quiconque voudra être le plus grand parmi vous, doit se faire votre serviteur ; et quiconque voudra tenir le premier rang, devra se faire l’esclave de tous (1Mat, 10).

Le cardinal d’Ostie, protecteur et promoteur principal de l’ordre des Frères mineurs, et qui dans la suite fut élevé, selon les prédictions du saint, sur la chaire de saint Pierre sous le nom de Grégoire IX ; ce cardinal, dis-je, ayant demandé à François s’il aurait pour agréable que ses frères fussent élevés aux dignités ecclésiastiques, il répondit : « Seigneur, mes frères ont reçu le nom de mineurs afin qu’ils n’aspirent jamais à devenir grands. Si vous voulez qu’ils produisent des fruits, maintenez-les et conservez-les dans l’état de leur vocation, et ne leur permettez jamais de monter aux dignités de l’Eglise. »


Vision des trônes célestes

François et un de ses compagnons en prière voient un ange qui leur montre cinq trônes vides (étimasie). L’étimasie (du grec ἑτοιμασία) est la représentation du Trône vide du Christ, avec le Livre de l’Évangile ouvert et la Croix, dans l’attente de son second avènement, son définitif retour, lors de la Parousie, en tant que Juge universel, lors du Jugement Dernier. Dans les arts iconographiques, l’étimasie est un rappel incessant de la présence invisible et perpétuelle du Christ dans le monde.

Fresque de Giotto di Bondone (v. 1266–1337), La vision des trônes célestes, c. 1292-1296, 270 × 230 cm, église supérieure Basilique Saint-François, Assise

Pendant qu’il priait avec une vive ferveur, il fut ravi en extase, et, entre plusieurs sièges qu’il vit dans le ciel, il en remarqua un plus élevé que les autres, orné de pierres précieuses et environné d’une gloire plus éclatante. Après avoir admiré la splendeur de ce trône admirable, il se mit à penser en lui-même à qui pouvait être destiné une place semblable. Alors il entendit une voix lui dire : « Ce trône était la demeure d’un des anges qui sont tombés, et maintenant il est réservé à l’humble François. »

L’humilité de saint François d’Assise est si grande, son imitation du Christ si parfaite qu’il est jugé digne d’occuper la place de Lucifer au paradis avant que celui-ci n’en soit chassé, pour avoir désobéi et s’être rebellé à Dieu par orgueil.

Chapitre VII – De l’amour de François pour la pauvreté, et de la manière admirable avec laquelle il subvenait aux besoins des autres

François voit dans chaque infirme et chaque pauvre un frère en Jésus-Christ et il se dépouille volontiers pour eux.

Chapitre VIII – De la tendre piété de François, et comment les êtres privés de raison semblaient entraînés à l’aimer

Au chapitre 8, le saint évoque les êtres privés de raison, c’est-à-dire les animaux. Il est d’abord ému par le tendre agneau dévoré par un porc. Il y voit une image de l’Agneau pascal. Puis, il se voit comblé, au cours de ses déplacements de toutes sortes de présents successifs : brebis, agneau, lièvre, lapin, oiseau aquatique, poisson, faisan, qui ne reprennent leur liberté qu’après avoir été bénis par lui.

Frère Eric (1925-2007), Vitrail de Saint-François, église romane Sainte-Marie-Madeleine, Taizé (71)

Dans le Sermon aux oiseaux – sujet de nombreuses iconographies – François demande aux oiseaux que leurs chants alternent avec ceux des frères. Ces chants d’oiseaux préparent à la vision séraphique. A l’ermitage de Grecio, il apaise les ravages de la grêle sur les blés et les vignes, et ceux des loups sur les animaux et sur les hommes, à condition que ceux-ci se convertissent.

Martine Petrini-Poli

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