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Le Mystère de Glorification dans L’Arbre de Vie de Saint Bonaventure

Avec ce nouveau cycle du blog Ecrits mystiques, Martine Petrini-Poli nous invite à l'étude de la vie et de l'oeuvre de saint Bonaventure (1217 ou 1221 - 1274). Théologien et philosophe majeur du XIIIe siècle, contemporain de Thomas d’Aquin, il est devenu supérieur de l’ordre des Frères Mineurs (franciscains) et créé cardinal-évêque d’Albano à la fin de sa vie. Sa réflexion philosophique s'inscrit dans le courant de l'augustinisme. Nous achevons ici sa méditation spirituelle sur l'Arbre de vie à travers la richesse et la profondeur du Mystère de Glorification qui marque le terme de cet ouvrage.
Publié le 21 janvier 2021
Écrit par Martine Petrini-Poli

Le Mystère de Glorification

Chapitre III de l’Arbre de Vie de Saint Bonaventure.

Réveille-toi donc, âme vouée au Christ, et chaque parole prononcée à propos de Jésus examine-la avec grand soin, et approfondis-la avec exigence, lit-on à la fin du prologue et le Mystère de Glorification marque le terme de la méditation sur l’Arbre de Vie ; il porte quatre fruits (du 9e au 12e) :

Le 9e révèle la nouveauté de la Résurrection du Christ, accompagnée de dons remarquables.
Le 10e révèle la sublimité de son Ascension, répandant les charismes spirituels.
Le 11e, l’équité du Jugement futur.
Le 12e, l’éternité du Royaume de Dieu.

Fruit IX. Nouveauté de la Résurrection

Jésus, triomphe dans la mort,

Jésus, ressuscitant bienheureux,

Jésus, beauté extraordinaire :

En vérité,
cette fleur,
la plus belle de la racine de Jessé,
qui a fleuri dans l’Incarnation,
s’est fanée dans la Passion,
a refleuri dans la Résurrection
afin d’être l’ornement de tous.

En effet,
ce corps
très glorieux, subtil, agile et immortel
a été revêtu de la gloire d’une clarté si grande
qu’il est vraiment devenu plus brillant que le soleil
et qu’il a par avance, montré la beauté exemplaire
des corps humains qui doivent ressusciter
et dont le Seigneur a dit :
alors, les justes brilleront comme le soleil dans le royaume du Père,
c’est-à-dire [au royaume] de la béatitude éternelle.

Si chaque juste doit briller comme le soleil,
quel est donc l’éclat du soleil de justice lui-même ?
Je dirais qu’Il est tel
qu’il est plus beau que le soleil,
qu’il est au-dessus de toute disposition des étoiles,
qu’il est comparé à la lumière,
et qu’on estime non sans mérite qu’il est la suprême beauté.

Turner, Ange debout devant le soleil, 78,7 x 78,7cm, Tate Britain Gallery, Londres

Heureux les yeux qui l’ont vu :
mais toi aussi tu seras bienheureux,
s’il reste des rejetons de ta race
pour voir, intérieurement aussi bien qu’extérieurement,
cet éclat tellement désiré.

Jésus, établi chef de l’univers.

Fruit X. Sublimité de l’Ascension

Jésus, chef d’armée,

Jésus, élevé au ciel,

Jésus, dispensateur de l’Esprit,

Jésus, libérant du péché :

Dans cette sainte Église répandue par le monde entier,
sous l’action admirable de l’esprit,
multiplement diverse et unanimement rassemblée,
préside un seul Pontife, le Christ, hiérarque suprême
qui, à l’instar de l’ordre admirable de la cité d’en haut,
y dispense, les offices des dignités en distribuant les dons des charismes.

En elle, il a en effet donné
aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes,
ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs,
organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère
en vue de la construction du Corps du Christ.

Il a aussi donné,
selon la grâce septiforme du Saint-Esprit,
les sept sacrements comme sept médicaments des maladies,
conférant par leur administration la grâce sanctifiante
et remettant les péchés qui ne sont jamais remis
sinon dans la foi et l’unité de cette même sainte Mère Église.

Et puisque les péchés sont purifiés dans le feu de la tribulation,
de même que Dieu a exposé aux flots des souffrances le Christ, Chef de l’Église,
de même permet-il que son corps, c’est-à-dire son Église
soit éprouvée et purifiée par la tribulation jusqu’à la fin du monde.

C’est ainsi que
les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres,
les Martyrs, les Confesseurs et les Vierges
et tous ceux qui ont plu à Dieu
sont fidèlement passés par de nombreuses tribulations,
et c’est ainsi aussi que
tous les membres élus du Christ
les traverseront jusqu’au jour du Jugement.

Fruit XI. Equité du Jugement

Jésus, témoin véridique,

Jésus, juge irrité,

Jésus, vainqueur magnifique.

Sébastien Ricci, Ascension du Christ, 1700, Basilique des saints apôtres, Rome

Jésus, époux paré pour les noces :

Lorsque la face du monde aura enfin été renouvelée en mieux,
lorsque la lumière de la lune sera comme la lumière du soleil
et la lumière du soleil multipliée par sept comme la lumière de sept jours,
cette cité, la sainte Jérusalem,
qui descendra du ciel parée comme une épouse
maintenant déjà prête pour les noces de l’agneau,
et revêtue d’une double robe,
sera conduite au palais de la cour céleste
pour être introduite dans la sainte et secrète chambre nuptiale
et sera unie à l’agneau céleste par une alliance telle
qu’elle fera de l’épouse et de l’époux un seul esprit
et que le Christ sera revêtu de toute la beauté des élus
comme d’une tunique damassée
dans laquelle il brillera paré de toute beauté
comme s’il était couvert de toute pierre précieuse.

Alors retentira ce doux épithalame,
et l’alleluia sera chanté dans toutes les rues de Jérusalem.

Alors les vierges prudentes et parées
entreront avec l’époux aux noces
et lorsque la porte aura été fermée,
elles siègeront
dans la beauté de la paix,
dans des tentes de confiance
et dans un repos opulent.

Fruit XII. Eternité du Royaume

Jésus, roi, fils de roi,

Jésus, livre scellé,

Jésus, rayon source,

Jésus, fin désirée :

Il se trouve, en effet, que la fin de tous les désirs est la béatitude,
qui est « un état parfait en raison du rassemblement de tous les biens ».
un état auquel nul ne parvient,
si ce n’est pas un retour ultime en celui qui est la source et l’origine
des biens de nature et de grâce, corporels et spirituels, temporels et éternels.
Et c’est celui qui dit au sujet de lui-même :
« Je suis l’alpha et l’oméga, le principe et la fin » ;
car, de même que toutes choses sont produites par un verbe prononcé éternellement,
de même toutes sont réparées, promues et achevées par un verbe uni à la chair,
qui s’appelle vraiment et proprement Jésus,
car il n’est pas d’autre nom donné sous le ciel aux hommes,
par lequel on puisse obtenir le salut.

Christ en Gloire, Mosaïque du chœur de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, 1923, d’Olivier Merson, H. M. Magne et R. Martin

Croyant que tu es la fin de toutes choses, t’espérant et t’aimant,
De tout mon cœur, de tout mon esprit, de toute ma force,
Je me transporte en toi, Jésus, le désiré ;
Car toi seul suffis, toi seul sauves,
Toi seul es bon et suave
Pour ceux qui recherchent et aiment ton nom.
Car, mon bon Jésus,
Tu es le rédempteur de ceux qui sont perdus,
Le sauveur de ceux qui sont rachetés,
L’espoir des exilés,
La force de ceux qui travaillent avec peine,
La douce consolation des esprits anxieux,
La couronne et le trône impérial de ceux qui triomphent,
L’unique récompense et joie de tous les citoyens d’en-haut,
L’illustre Fils du Dieu suprême et le fruit sublime d’un ventre virginal,
La source abondante de toutes les grâces
« De la plénitude duquel nous tous avons reçu ».

Martine Petrini-Poli

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