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LES REPTILES ET LES MÉTAUX DANS LE LIVRE DES SUBTILITÉS DES CRÉATURES DIVINES D’HILDEGARDE DE BINGEN

Voici la seizième et dernière parution de la série consacrée aux œuvres naturalistes et médicales d’Hildegarde de Bingen (1098-1179), qui font suite aux précédentes publications de Narthex sur sa trilogie mystique. Extraordinaire figure du XIIe siècle, abbesse bénédictine et musicienne, Sainte Hildegarde a eu de remarquables intuitions médicinales, étayées par ses observations de la nature. Dans le livre VIII des Subtilités des créatures divines, elle s'intéresse aux reptiles avec son regard de naturaliste, puis dans le livre IX , aux caractéristiques de métaux.
Publié le 26 novembre 2020
Écrit par Martine Petrini-Poli

LIVRE VIII DES REPTILES ET LIVRE IX DES MÉTAUX

Nous abordons les deux derniers livres du Livre des subtilités des créatures divines qui traitent des reptiles (Livre VIII) et des métaux (Livre IX). Hildegarde de Bingen, en naturaliste, utilise tout ce que la nature pouvait lui offrir en matière de traitements : les simples, mais aussi les animaux, les minéraux et les métaux. En théologienne, elle recense l’univers créé et se réfère au Livre de la Genèse. C’est pourquoi les livres zoologiques V à VIII se suivent dans un ordre qui mène du plus pur (poissons, oiseaux) au plus impur, le reptile, lié à la Chute.

LIVRE VIII DES REPTILES

Préface
I. Dragon (Draco) : Le dragon a une chaleur étrange et sèche et un feu excessif, mais sa chair ne brûle pas à l’intérieur. Sa respiration est si forte et si âcre qu’elle s’enflamme aussitôt quand il sort, comme quand il fait un feu avec des pierres. Il déteste beaucoup les êtres humains et, selon sa nature, a des arts diaboliques, c’est pourquoi parfois, lorsqu’il émet son souffle, les esprits de l’air grâce à ce souffle dérangent l’air. Tout dans leur chair et leurs os est contraire à la médecine humaine, sauf leur sang. Lorsque le dragon commande son souffle, son sang est sec et non fluide. Lorsque votre souffle est à l’intérieur de lui, votre sang est humide et fluide, donc aucun médicament ne se trouve dans votre sang (…) Personne ne devrait manger ni boire de ce sang pur et unique. Si quelqu’un fait cela, il mourra immédiatement.

II. Un certain serpent III. Lucion IV. Crapaud V. Rana VI. Grenouille VII. Harumna VIII. Salamandre

IX. Lézard (Lacerta) [Espèce Lacertae] : Le lézard est chaud et sec. Son venin est un peu faible et peu nocif pour l’homme. Il est de nature dure et féroce. Ses parties ne sont pas utiles comme médicament.

X. Spider XI. Viper

XII. Basilic (de basilico) : Le basilic naît d’autres espèces de vermines qui ont quelque chose de diabolique, comme le crapaud. Quand la femelle du crapaud est gravide et prête à mettre bas, si elle voit alors un œuf de serpent ou de poule, elle s’en éprend, s’étend sur lui et le couve jusqu’à ce qu’elle mette bas les petits qu’elle avait normalement conçus ; une fois qu’elle les a mis bas, ils meurent aussitôt. Quand elle voit qu’ils sont morts, elle s’installe à nouveau sur l’œuf et le couve jusqu’à ce que le petit qui est en lui commence à vivre. Alors, sous l’effet de l’action diabolique, une force venue de l’antique serpent, qui se trouve dans l’Antéchrist, vient la frapper ; ainsi, tout comme le diable résiste aux forces célestes, de même cet animal lutte-t-il contre les mortels en les tuant. Une fois que le crapaud a senti qu’il y avait de la vie dans l’œuf, il est aussitôt frappé d’épouvante et s’enfuit. Le nouveau vivant brise la coquille de l’œuf et en sort ; puis, conformément à sa nature, il émet un souffle très puissant, avec le feu le plus brûlant et le plus puissant qui puisse être, à l’exception de celui de l’enfer semblable à la foudre et au tonnerre. Une fois sorti de l’œuf, il fend le sol grâce à la puissance de son souffle, jusqu’à une profondeur de cinq coudées ; il s’installe là, dans le sol humide, jusqu’à ce qu’il ait atteint sa maturité. Puis il remonte sur la terre et, par son souffle, tue tout ce qu’il trouve en vie, car il ne veut ni ne peut supporter quelque chose de vivant. Quand il voit quelque chose qui vit, il se met en colère et envoie devant lui son froid et son souffle, tuant la créature sur laquelle il souffle : celle-ci tombe aussitôt, comme si elle était frappée par le tonnerre et la foudre.

La description qu’Hildegarde donne du serpent basilic est empruntée en partie à l’Apocalypse XII, 9 Oui, il fut rejeté, le grand Dragon, le Serpent des origines, celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier. Il fut jeté sur la terre (…)

Augustin Frison-Roche, Peinture monumentale de l’Apocalypse, bois, 6 x 2 m, cathédrale de Saint-Malo, 2020

XIII. Scorpion XIV. Tarentule XV. Vipère européenne XVI. Scherzbedra

XVII. Ver de terre : (Ulwurm) [Lumbricus terrestris] Le ver de terre est très chaud car il pousse avec la même force vitale par laquelle les graines germent. Il pousse dans cet éclat de verdure et, en raison de sa nature propre, il n’a pas de fosses. C’est bon et utile, comme d’autres choses utiles, comme la cannelle. La terre a en elle-même de l’humidité qui est maintenue dans quelque chose comme des veines afin qu’elle ne s’écoule pas. Lorsque la pluie est sur le point de tomber de l’air, la terre ressent la prochaine pluie qui remplira ses veines. Les vers détectent ce remplissage des veines de la terre et partent (…)

XVIII. Escargots et limaces.

L’ordre du chapitre VIII est ainsi décroissant, il conduit du gigantisme du dragon mortifère de l’Apocalypse au petit ver de terre, « bon et utile ».

LIVRE IX DES MÉTAUX

Ce dernier livre est composé de huit chapitres.

I. Or (Aurum) L’or est chaud. C’est presque de l’air et d’une certaine nature semblable au soleil. Quiconque est ‘virgichtiget’ [NDLR : qui souffre de goutte] doit prendre de l’or, le faire fondre pour qu’il ne reste pas d’impuretés et le réduire en poudre pour ne rien perdre (…)

II. Argent III. Plomb IV. Étain V. Cuivre VI. Laiton VII. Fer

VIII. Acier (Calybs) L’acier est très chaud car c’est la forme très résistante du fer métallique. Il représente presque la divinité de Dieu, alors le diable s’enfuit et l’évite. Si vous pensez qu’il y a du poison dans l’aliment ou la boisson, s’il s’agit d’un aliment contenant un liquide comme du bouillon ou de la purée de légumes, mettez secrètement un morceau d’acier incandescent à l’intérieur. S’il y a du poison, l’acier l’affaiblira et le désactivera (…).

EXPLICIT LIBER BEATAE HILDEGARDIS SUBTILITATUM DIVERSARUM NATURARUM CREATURARUM.

DEO MERCI

(ICI) SE TERMINE ICI LE LIVRE DE LA BIENHEUREUSE HILDEGARDE SUR LES PROPRIÉTÉS NATURELLES DES CHOSES CRÉÉES.

MERCI À DIEU

Martine Petrini-Poli

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