Fondateur du mouvement des Nabis, le peintre Maurice Denis (1870-1943) a réalisé les bois gravés pour l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis. En peinture, il a été largement inspiré par Fra Angelico. Il a mis son talent au service d’un chemin de croix tout en nuances, dans la chapelle de l’ancien hôpital qu’il aménagea en habitation privée à Saint-Germain-en-Laye en 1914, avec l’aide de l’architecte Auguste Perret. Nichée sur une colline et lovée dans la verdure, l’ancienne demeure du peintre a été transformée en musée, et classée aux Monuments Historiques. Avec la chapelle, rénovée par l’artiste et rendue au culte en 1922, attenante à la vieille bâtisse et au vaste jardin en pente, le visiteur plonge dans un autre univers. Pour Maurice Denis, « la peinture est un art essentiellement religieux ».
« Ainsi la chapelle devient le réceptacle de la Passion du Christ. Pour son projet, Denis réunit des spécialistes de la fresque, du vitrail, de l’émail, de la sculpture. Il privilégie les techniques innovantes. Des choix audacieux et modernes, au service de cette rénovation qui lui tient tant à cœur. Véritable manifeste de sa foi, sa chapelle est aussi un modèle sur ce que doit, selon lui, abriter une église. » écrit Paule Amblard dans son ouvrage, Maurice Denis, « Le Chemin de Croix de Jésus », paru aux éditions Artège, en 2015. Ainsi Maurice Denis s’inscrit dans la tradition des pèlerins, qui marchent sur les traces du Fils de Dieu. « Quand les pèlerinages furent trop dangereux, au temps des croisades, et aussi pour répondre à la demande de ceux qui ne pouvaient faire le voyage jusqu’à la Terre sainte, les religieux franciscains eurent l’idée de mettre dans les sanctuaires des représentations peintes ou sculptées des différentes stations du calvaire. »
A Saint-Germain-en-Laye, le musée Maurice Denis nous permet de découvrir les œuvres de l’artiste, et tout particulièrement la chapelle du prieuré qu’il a entièrement décorée entre 1915 et 1930.
Claire Denis, petite fille de l’artiste peintre, commente l’ouvrage de Paule Amblard, Maurice DENIS, « Le Chemin de Croix de Jésus » (Artège, 2015) : « Les reproductions sont de grande qualité, et la méditation d’une haute tenue. C’est le premier ouvrage de ce genre qui soit paru sur ce chemin de croix – dont Denis a peint des « variantes » assez différentes, pour la chapelle de la Clarté à Perros-Guirec (1931), pour la basilique Saint-François de Thonon-les-Bains (1943) et pour le Carmel du Reposoir – désormais visible à l’abbaye de Notre-Dame-de-Triors dans le diocèse de Valence (1943). »
« On oublie souvent, écrit Paule Amblard, que le chemin de Croix mène non à la mort, mais à la résurrection ». Dans la chapelle, les quatorze stations en forme de demi-lune ornent la nef, elles côtoient les Béatitudes et les Vertus, voie céleste par excellence.
Le plus déroutant est la grande diversité des décorations de la chapelle. Le Chemin de croix, à hauteur d’œil, représente la phase purgative, à laquelle Maurice Denis invite celui qui pénètre dans les lieux. « C’est l’idée de partager la souffrance du Christ qui porte sa croix », explique Martine Sautory, historienne de l’art. Un peu plus haut, les Béatitudes en bleu et or correspondent à la phase illuminative, « l’ange qui nous accueille dans l’au-delà », poursuit la spécialiste. Et la voûte céleste, au plafond, c’est la phase unitive avec les quatre vertus cardinales illustrées par la vie de Saint-Louis ainsi que les vertus théologales. La Foi, l’Espérance et la Charité sont représentées par des femmes vêtues de bleu, blanc et rouge. Quant au vitrail central, le peintre y a glissé des personnages de sa vie dans la Nativité. On y voit sa première épouse Marthe (décédée en 1919), la seconde, Elisabeth, et ses enfants. Pour rendre l’art accessible à tous, les Béatitudes et le Notre Père sont écrits en français à une époque où la messe est encore en latin.
Le Chemin de croix de Saint-Germain-en-Laye date de 1915, et dès 1919, Maurice Denis ouvre des ateliers d’art sacré pour former des artistes à la reconstruction des églises après la guerre. Le père Couturier a fréquenté ces ateliers. On doit à ce dominicain la décoration par des artistes comme Matisse ou Léger de Notre-Dame-de-Toute-Grâce à Assy (Haute-Savoie) et plus largement le renouveau de l’art religieux au XXe siècle.
Martine Petrini-Poli
Nota Bene : la chapelle du Prieuré fait partie du site du musée départemental Maurice Denis, actuellement fermé pour travaux.