Voir toutes les photos

Livre I – chapitre 1er de l’Imitation de Jésus-Christ

L'Imitation de Jésus-Christ, en latin "Imitatio Christi", est un best-seller médiéval du mystique allemand Thomas a Kempis. Au fil des semaines, vous êtes invités à en découvrir quelques extraits choisis, et nous commençons aujourd'hui avec le premier chapitre du Livre 1.
Publié le 07 février 2019
Écrit par Martine Petrini-Poli

Le texte de Thomas a Kempis est caractérisé par sa simplicité, l’absence de sens symbolique ou allégorique. L’austérité narrative de L’Imitation, teintée d’augustinisme, concentre l’attention du lecteur sur le modèle proposé.

Le style de l’Imitation de Jésus-Christ

Les sentences brèves sont conçues pour la méditation et la mémorisation. Le ton est méditatif et didactique. Pour interpeller son lecteur, le faire réfléchir (au sens de revenir à soi-même) et lui permettre de mémoriser la leçon, l’auteur fait appel à toutes les ressources du latin médiéval, tant au niveau rhétorique (dialogues entre Jésus et le Fidèle au Livre III) que poétique (multiplication des sentences rythmées, rimées ou assonancées).

Le Livre I de l’Imitation de Jésus-Christ s’intitule Avertissements utiles à la vie spirituelle (Admonitiones ad vitam spiritualem utiles) et il comporte 25 chapitres. Ce 1er chapitre est titré : De l’imitation de Jésus-Christ, et du mépris de toutes les vanités du monde.

Pieter Claesz, Vanité avec violon et bille de verre, 1628, 60X100cm, Germanisches Museum, Nuremberg
CHAPITRE I – De l’imitation de Jésus-Christ, et du mépris de toutes les vanités du monde

1. Celui qui Me suit ne marche pas dans les ténèbres, dit le Seigneur (Jn 8, 12).
Ce sont les paroles de Jésus-Christ, par lesquelles Il nous exhorte à imiter Sa conduite et Sa vie, si nous voulons être vraiment éclairés et délivrés de tout aveuglement du coeur.
Que notre principale étude soit donc de méditer la vie de Jésus-Christ.

2. La doctrine de Jésus-Christ surpasse toute doctrine des Saints ; et qui posséderait Son esprit y trouverait la manne cachée.
Mais il arrive que plusieurs, à force d’entendre l’Évangile, n’en sont que peu touchés, parce qu’ils n’ont point l’esprit de Jésus-Christ.
Voulez-vous comprendre parfaitement et goûter les paroles de Jésus-Christ ? Appliquez-vous à conformer toute votre vie à la Sienne.

3. Que vous sert de raisonner profondément sur la Trinité, si vous n’êtes pas humble, et que par là vous déplaisiez à la Trinité ?
Certes, les discours sublimes ne font pas l’homme juste et saint, mais une vie pure rend cher à Dieu.
J’aime mieux sentir la componction que d’en savoir la définition.
Quand vous sauriez toute la Bible par coeur et toutes les sentences des philosophes, que vous servirait tout cela sans la grâce et la charité ?
Vanité des vanités, tout n’est que vanité (Eccl. 1, 2), hors aimer Dieu et Le servir Lui seul.
La souveraine richesse est de tendre au royaume du ciel par le mépris du monde.

4. Vanité donc, d’amasser des richesses périssables et d’espérer en elles.
Vanité, d’aspirer aux honneurs et de s’élever à ce qu’il y a de plus haut.
Vanité, de suivre les désirs de la chair et de rechercher ce dont il faudra bientôt être rigoureusement puni.
Vanité, de souhaiter une longue vie et de ne pas se soucier de bien vivre.
Vanité, de ne penser qu’à la vie présente et de ne pas prévoir ce qui la suivra.
Vanité, de s’attacher à ce qui passe si vite et de ne pas se hâter vers la joie qui ne finit point.

5. Rappelez-vous souvent cette parole du Sage : L’oeil n’est pas rassasié de ce qu’il voit, ni l’oreille remplie de ce qu’elle entend (Eccl. 1, 8).
Appliquez-vous donc à détacher votre coeur de l’amour des choses visibles, pour le porter tout entier vers les invisibles.
Car ceux qui suivent l’attrait de leurs sens souillent leur âme et perdent la grâce de Dieu.

Ce 1er chapitre comporte une unité interne. Il est formé de cinq paragraphes qui développe un thème respectif et il se clôt sur l’exhortation finale.

1er § : thème de la Lumière opposé à l’aveuglement
2d § : thème de la conformité à la vie du Christ, doctrine de l’Imitation de Jésus-Christ
3e § : thème de la docte ignorance
4e § : thème de la Vanité, de la fuite du temps, de la précarité de la vie humaine
5e § : exhortation rendue par les impératifs à se détacher des biens de ce monde pour se tourner vers l’Au-delà.

Les références bibliques sont fréquentes : la Lumière évoque l’évangile de saint Jean, la Vanité le Livre de l’Ecclésiaste. La figure de style privilégiée est l’antithèse (lumière/ ténèbres, visible/ invisible, vie présente/ vie future). Le thème de la docte ignorance, énoncé paradoxal, est plus spécifiquement médiéval. On le trouve dans tout le courant de la mystique rhénane, en particulier chez Maître Eckhart. C’est l’idée des limites de la raison humaine, de l’incapacité de connaître et nommer l’Indicible de Dieu, l’Ineffable.

(à g.) Andy Warhol. Skull, 1976. Sérigraphie et polimerie sur toile. 38 x 48 cm. © Andy Warhol
(à d.) Jean-Michel Alberola. Rien, 1995. Néon et plexiglas. 26 x 36 cm. Acquisition 1995, Fondation Cartier © Fondation Cartier

En lien avec ce thème du non-savoir, le thème de la vanité s’exprime dans l’Ecclésiaste. Le mot hébreu de la « vanité » (hevel) signifie « vapeur éphémère », « souffle passager ». En art, la vanité du latin vanitas est une catégorie de nature morte qui apparaît à la fin du XVIème siècle avec le courant de la Contre-Réforme et se développe comme genre pictural au début du XVIIe siècle dans toute l’Europe. Sujet de prédilection du mouvement baroque, il joue sur les procédés du trompe-l’œil, de l’illusion pour amener le spectateur à réfléchir sur le temps et la mort au regard de l’Eternité divine. La réflexion sur la vanité de la beauté, de la connaissance, du pouvoir, du plaisir, de la musique est une méditation sur la résurrection, qui s’estompe avec la Vanité contemporaine, de Picasso à Damien Hirst pour se contempler elle-même.

 

Martine Petrini-Poli

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *