Voir toutes les photos

Iconographie de l’« Exemplar » du dominicain Henri Suso [1/2]

Aujourd'hui nous étudions l'iconographie d'un manuscrit l' Exemplar, ouvrage regroupant quatre oeuvres d'Henri Suso. Ce manuscrit enluminé daté du XIVe siècle, riche de onze dessins en pleine page, est conservé à la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg.
Publié le 04 octobre 2018
Écrit par Martine Petrini-Poli

L’Exemplar regroupe quatre oeuvres de Henri Suso qu’il a lui-même revues : sa Vie (Vita), le Petit Livre de la Sagesse éternelle, le Petit Livre de la Vérité, et le Petit Livre des Lettres. Le texte de l’Exemplar est accompagné d’un cycle iconographique de onze dessins en pleine page. Dès le XIVe siècle, les épisodes les plus marquants de la vie du Serviteur (Diener) relatés en dialecte alémanique dans la Vita, rédigée en 1362-1363, ont ainsi forgé l’iconographie de Suso. Ce livre « traite partout, en effet, sous le mode d’images, des commencements d’une vie et enseigne de manière voilée dans quel ordre, selon quelles règles celui qui commence vraiment doit diriger l’homme extérieur et l’homme intérieur selon la toute aimable volonté de Dieu ». L’original étant perdu, le manuscrit le plus ancien de l’Exemplar conservé à la BNUS, Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg (cote ms 2929), est daté aux environs de 1365. 

1- Dialogue de Suso avec la Sagesse © BNUS, MS 2929 Fol.1 v.

La première image montre « les noces de l’âme et de la Sagesse éternelle ». Le Serviteur, en habit dominicain, apparaît à gauche. Il tient entre les mains un phylactère comportant une citation du Livre de la Sagesse « Je l’ai aimée et je l’ai découverte aux jours de ma jeunesse et je l’ai choisie comme fiancée », Sag. 8,2. Debout à droite, la Sagesse lui répond : « Mon fils, si tu désires la sagesse, conserve la vertu de justice » (Eccl. 1,33). Elle tient d’une main une sphère (Weltscheibe), contenant Soleil, Lune et planètes, symbolisant sa présence auprès de Dieu pendant la Création. Ces deux personnages sont entourés des figures en buste de David et Salomon, couronnés, en haut, et de Job et Aristote, en bonnets pointus, en bas ; ils tiennent des banderoles avec des citations issues des livres sapientiaux.

2. Monogramme du Christ IHC, © BNUS, Fol.7 r

Ici est représenté le Monogramme qu’il a gravé sur son cœur (ch. IV), d’où le sang qui en jaillit. Au-dessus, on aperçoit une petite croix surmontant la couronne du martyre, en signe d’amour de Dieu (p. 162). La lettre grecque Σ est représentée sous sa forme lunaire par la lettre latine C ou dans sa forme finale par la lettre latine S. Le monogramme IHS (parfois JHS) est une abréviation et une translittération imparfaite du nom de « Jésus » en grec : Ι = J, Η = E et Σ = S (JES. = Jesus/Ἰησοῦς, IHΣOYΣ = nom complet en grec).

3. Naissance de Dieu dans l’âme, © BNUS, Fol. 8 v

Il s’agit d’un thème central de la mystique rhénane, fruit d’une vision de Suso à qui fut révélé « le mode de l’inhabitation secrète de Dieu dans son âme. Au milieu de son coeur, il vit, paisiblement assise, la Sagesse éternelle d’aspect aimable et près d’elle se trouvait l’âme du Serviteur remplie de nostalgie céleste » (ch. V, p. 165). C’est, en quelque sorte, une « plongée dans l’éternité ». Il est habituel à l’époque médiévale de voir l’âme représentée par un enfant nouveau-né.

4. Le Christ donne à boire à Suso, © BNUS, Fol. 22 r

C’est une vision qui a suivi des mortifications que Suso s’est imposées : « Notre-Dame, écrit-il, venait avec l’Enfant Jésus sous l’aspect qu’il avait sur terre à sept ans. Il tenait à la main une petite cruche brillante avec de l’eau fraîche ; elle était un peu plus grande qu’un gobelet du couvent. Notre-Dame prit le gobelet et le lui offrit pour qu’il boive. Il le prit, but avec avidité et apaisa sa soif selon son désir » (ch. XVIII, p. 189).

5. Suso est accueilli par le Christ, © BNUS, Fol. 28 v

Il est représenté au milieu de ses frères. Il est le seul à porter le monogramme du Christ et la couronne du martyre. Au-dessous, un ange montre à une religieuse la gloire dans laquelle le Serviteur est entré.

6. Souffrances du dominicain, © BNUS, Fol. 57 r

Cette image présente un résumé de ses souffrances : les mortifications qu’il s’est infligées, symbolisées par la croix de bois hérissée de clous, et les épreuves dont il fut victime, représentées symboliquement par les attaques des démons au-dessus, les animaux qui le mordent en bas à gauche, et ses frères qui l’accablent sur la droite, en lui tendant – comme au Christ – une éponge de vinaigre au bout d’une lance.

7. Suso vénère la Sagesse éternelle, © BNUS, Fol. 62 r

Elle est figurée sous l’aspect du Christ, qui prend sur son bras son âme, représentée sous la forme d’un enfant. Un ange l’amène à contempler la scène, un autre l’accompagne avec une harpe.

Martine Petrini-Poli

Commentaire des enluminures 8 à 11 à suivre…

Bibliographie 

Benoît Beyer de Ryke, Des mortifications à la chevalerie spirituelle chez Henri Suso, Université libre de Bruxelles.

Marie-Anne Vannier, L’iconographie d’Henri Suso dans l’Exemplar, Mémoires de l’Académie nationale de Metz, 2015.

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *