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Vie et œuvre du dominicain Henri Suso (1295-1366)

Notre tour d'horizon des mystiques rhénans se poursuit avec Henri Suso, après Maître Eckhart et Jean Tauler. Cette figure dominicaine du XIVe siècle est notamment auteur du "Petit livre de la Sagesse éternelle".
Publié le 28 juin 2018
Écrit par Martine Petrini-Poli

« Après Maître Eckart et Jean Tauler, Henri Suso est représentatif de l’Ecole de spiritualité dominicaine des « mystiques rhénans » du XIVe siècle. Elle garde la vision de l’univers que lui donne saint Thomas, exalte le primat de la contemplation et, pour y arriver, le dépouillement progressif du sensible, la purification de ce qui agite et distrait, le regard sur le Christ, Vérité éternelle.
Suso insiste sur l’union au Christ par la contemplation de ses perfections et de ses souffrances. Après lui, l’accent sera mis davantage sur l’affection que sur la connaissance : on cherche ce qui émeut, on s’applique à méditer les plaies du Crucifié, les sept douleurs de la Vierge : c’est l’ère des représentations tragiques de la Passion, des Pièta, des descentes de croix… L’oeuvre de Suso annonce déjà ce tournant à la fin du XIVe et au XVe siècle. »

Henri Suso est un grand mystique allemand du Moyen-Âge, il est connu pour avoir répandu la mystique rhénane de Maître Eckhart. Il est né en 1295 sur les bords du lac de Constance. Son père appartenait à la noble famille de Berg; sa mère, dont il prit le nom de jeune fille latinisé, à une famille de Sus (ou Süs). Il entre chez les dominicains de Constance à l’âge de 13 ans. Il y mène une vie plutôt relâchée jusqu’à l’âge de 18 ans, où il eut une vision qui l’amena à contempler la Sagesse, Verbe de Dieu fait homme dans son humanité souffrante. Il se livre alors à de grandes mortifications, frôle la mort à 40 ans, puis contrôle son ascèse.

Francisco de ZURBARAN (1598-1664), Bienheureux Henri Suso, vers 1640, Musée des Beaux-Arts, Séville, provenant du retable du transept du couvent de Santo Domingo de Porta Coeli de Séville.

Dans ce tableau de Zurbaran, visage jeune, chevelure abondante, sombre et bouclée, yeux levés vers le ciel, le moine porte le manteau noir de l’ordre dominicain qu’il écarte de la main gauche pour graver sur sa poitrine, avec un stylet, le monogramme du Christ, IHS (Jésus Sauveur des Hommes). Derrière lui, dans un paysage d’arbres et de rochers italianisant, on découvre des dominicains en conversation au pied d’un ermitage. De l’autre côté du saint, dans un paysage de bord de rivière, un frère médite auprès d’une source, le visage appuyé sur la main. Une dernière scène, mystérieuse, montre un ange à la robe rose, descendu de cheval et progressant au milieu de huttes éparpillées dans la montagne.

Après ses premières études théologiques, il est envoyé à Cologne où il connut Maître Eckart vers 1320-1325. Il revient à Constance de 1329 à 1336, comme lecteur conventuel, puis prieur. Il y écrit, pour la défense d’Eckart, Das Büchlein der Wharheit, Le Livre de la Vérité. Cet ouvrage lui attire des ennuis provenant du Chapitre provincial, puis du Chapitre général qui le dépose de sa charge priorale. Il reste alors dans son couvent et rédige Das Büchlein der ewigen Weisheit, Le petit livre de la Sagesse éternelle, publié en 1328, destiné aux  » âmes simples – de ces âmes qui ne sont pas parfaites et qui ont encore quelque défaut à corriger. « 

En 1334, Suso traduit ce travail en latin, mais ajoutant à son contenu il en fait un livre presque entièrement nouveau, auquel il donne le nom Horologium Sapientiae, l’Horloge de la Sagesse, dédié au Maître de l’Ordre, dont le succès fut énorme au XIVe et XVe siècle, en Allemagne, et qui fut souvent représenté dans des manuscrits.

Il se donne également à la prédication dans toute la région et veille à la restauration de l’observance religieuse dans les couvents. Souvent objet de calomnies et de détractions, il se voit abandonné par certains amis. Il exerce pourtant un ministère très apprécié auprès de plusieurs couvents de religieuses dominicaines. C’est à l’une d’elles, Elisabeth Stagel, prieure des moniales dominicaines de Töss, qu’il confie l’histoire de sa vie qu’elle mettra par écrit.

Refusant d’obéir aux ordres de l’empereur du Saint Empire romain germanique, Louis IV de Bavière, en lutte contre la papauté, les dominicains quittent Constance et se réfugient à Diessenhoven. Suso est envoyé à Ulm. On sait très peu de choses sur les dernières années de sa vie. Il rédige l’histoire de sa vie intérieure Vita ou Leben Seuses, il révise le Büchlein der Wahrheit, et le Büchlein der ewigen Weisheit, qui, avec onze de ses lettres (le Briefbüchlein), et un prologue, se sont transformés en un livre connu sous le nom de Exemplar, Exemplaire, édition revue et corrigée par ses soins.

Outre ces écrits, nous avons également cinq sermons de Suso et une collection de vingt-huit de ses lettres (Grosses Briefbuch), qui se trouve dans l’édition de Bihlmeyer.

Il meurt à Ulm en 1366 vers sa 70e année. Le concile de Constance le considéra comme bienheureux, mais sa béatification officielle est due au pape Grégoire XVI en 1831.

 

Martine Petrini-Poli

Bibliographie

Chéry Henri-Charles, Saints et bienheureux de la famille dominicaine. Fraternité dominicaine Lacordaire, Lyon, 1991.

Encyclopédie catholique, New York, Robert Appleton Company, 1910.

Henri Suso, Le Petit Livre de la Sagesse éternelle, traduction nouvelle de Didier-Marie Proton et Anne-Marie Renouard, Paris, Cerf, « Trésors du christianisme », 2012.

Henri Suso, Œuvres complètes, présentation, traduction et notes de Jeanne Ancelet-Hustache, Paris, Éditions du Seuil, 1977.

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