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Livre des Oeuvres divines, 1ère vision, sur la Trinité, d’Hildegard von Bingen

Le Livre des Oeuvres divines, qui nous est parvenu par le Manuscrit de Lucca, Liber divinorum operum, daté de 1230 environ, est le troisième et dernier livre des visions d’Hildegard. Il est achevé en 1174, après 11 ans d’un travail harassant. Il montre la toute-puissance divine à l’œuvre dans la création et la place de l’homme dans l’univers. Il distingue, après un prologue, dix visions successives accompagnées d’une miniature en pleine page. Les miniatures font une place à la visionnaire elle-même, représentée dans sa cellule en train de recevoir ses révélations et de les transcrire sur des tablettes de cire. Elle est assise, lève les yeux vers l’objet de sa vision, dans le champ extérieur à l’image cosmique qu’elle contemple. Les dix visions vont conduire de l’œuvre divine de la Création, symbolisée par le cercle du macrocosme englobant le Fils de Dieu, puis l’homme (visions 2,3,4), à la Cité de Dieu, figurée par un carré (visions 6,7,8,9).
Publié le 23 mars 2017
Écrit par Martine Petrini-Poli
PROLOGUE

« Une voix du ciel retentit et s’adressa à moi en ces termes : Que les hommes accèdent à la connaissance de leur Créateur, qu’enfin ils consentent à l’adorer dignement et à le vénérer ! Rédige donc cet écrit : non point comme le désirerait ton coeur, mais comme le veut mon témoignage, témoignage de Celui dont la vie n’a ni commencement ni terme ! Je n’ai pas inventé cette vision, aucun homme non plus ne l’a imaginée. C’est Moi qui ai décidé de tout, avant le début du monde. Je connaissais l’homme par avance, avant même que je ne le créasse. De même je prévoyais tout ce qui lui faisait défaut (…). »

« J’étais aidé dans ma rédaction par la confiance et par le témoignage de celui que j’avais en secret cherché lors de mes précédentes visions, que j’avais fini par trouver, Volmar, et par la confiance de cette jeune Richardis (…). » (p.4)
Hildegarde précise qu’elle est alors « en pleine conscience », et non dans un « état de léthargie » ni de « transport de l’esprit ».

Hildegarde de Bingen, Liber divinorum operum Codex latinus 1942 (vers 1230), Lucques, Bibliothèque d’Etat (vision 1)
1ère vision

« Je contemplai alors dans le secret de Dieu, au cœur des espaces aériens du midi, une merveilleuse figure. Elle avait apparence humaine. La beauté, la clarté de son visage étaient telles que regarder le soleil eût été plus facile que regarder ce visage. Un large cercle d’or ceignait la tête. Dans ce cercle, un deuxième visage, celui d’un vieillard, dominait le premier visage (…). Dans les mains, la figure portait un agneau qui luisait comme une journée débordante de lumière. Du pied, elle terrassait un monstre à l’aspect effroyable, vireux et noir, (qui) serrait dans la mâchoire l’oreille droite du monstre. » (p.5)

Comme dans le Scivias, après une description précise de la vision, Hildegard en donne l’interprétation d’origine divine. Le figure s’exprime en une prosopopée : « C’est moi l’énergie suprême, l’énergie ignée. C’est moi qui ai enflammé chaque étincelle de vie. Rien de mortel en moi ne fuse. De toute réalité je décide. Mes ailes supérieures enrobent le cercle terrestre, dans la sagesse je suis l’ordonnatrice universelle. Vie ignée de l’essentialité puisque Dieu est intelligence, comment pouvait-il ne pas œuvrer ? »

L’homme est créé à l’image de Dieu qui le rend maître de la création :

« Par l’homme, il assure l’épanouissement de toutes ses œuvres. L’homme en effet, il le créa à son image et à sa ressemblance, en lui, il inscrivit, avec fermeté et mesure, la totalité des créatures. De toute éternité, la création de cette œuvre — la création de l’homme — était prévue en son conseil. Une fois ladite œuvre achevée, il remit donc entre les mains de l’homme l’intégralité de la création : afin que l’homme pût agir avec elle, de la même manière que Dieu avait façonné son œuvre, l’homme. Ainsi donc, je suis serviteur et soutien. » (p. 6)

La première vision d’Hildegard, dans le Livre des œuvres divines, est celle de la Trinité, à l’origine de l’univers et de l’homme. L’homme, à l’image du cosmos, est une œuvre divine :

« Par moi en effet, toute vie s’enflamme. Sans origine, sans terme, je suis cette vie qui, identique, persiste, éternelle. Cette vie, c’est Dieu. Elle est perpétuel mouvement, perpétuelle opération, et son unité se montre en une triple énergie. L’éternité, c’est le Père. Le Verbe, c’est le Fils, le souffle qui relie les deux, c’est l’Esprit saint. Dieu l’a représenté dans l’homme : l’homme en effet a un corps, une âme et une intelligence. » (p.6)


Référence : HILDEGARDE DE BINGEN, Liber divinorum operum, ed. A. Derolez et P. Dronke, Turnhout, Brepols, 1996 (CCCM 92), IV, 16. Trad. française : Le Livre des œuvres divines (Visions), présenté et traduit par Bernard Gorceix, Paris, Albin Michel, 1982.

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