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Terraferma de Emanuele Crialese, 2012 – Cet autre, le migrant

A l’heure où les flux migratoires mettent nos consciences et nos politiques au pied du mur, Terraferma semble avoir été tourné pour une dramatique actualité. A la fois grand public et proche du cinéma dit d’auteur, la réalisation se situe entre mythe et réalité, dotée d’une portée universelle. Plus qu’un film sur l’immigration, il s’agit d’un film sur nous-mêmes, sur quiconque est à la recherche de sa terre ferme…(découvrez en fin d’article des extraits du film).
Publié le 09 mai 2016
Écrit par Pierre Vaccaro

Quelques mots sur le thème de l’immigration au cinéma.

Le thème de l’immigration a mis du temps à émerger au cinéma.  A part The Immigrant de C. Chaplin en 1917, il faut attendre les années 60 pour voir des films aborder ce sujet. Depuis les années 90, les réalisations se développent considérablement et on assiste à une accélération majeure du traitement de ce thème. Récemment le festival de Cannes a palmé le film Deephan de J. Audiard. Mais on peut citer aussi Welcome de Lioret ou encore Samba de E. Toledano avec Omar Si.

Si l’on balaie l’ensemble des films récents tournant autour de cette thématique, on note une difficulté à trouver le ton juste pour parler de l’immigration et de l’intégration. La comédie a souvent été perçue comme la formule idéale et continue d’être le grand filon (cf. le grand succès de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu). Le documentaire reste le genre majeur pour retrouver la mémoire (On peut recenser beaucoup de films documentaires comme le film Les Messagers de Crouzillat). Enfin, le drame semble être utilisé comme l’expression la plus militante: c’est le cas exemplaire de Welcome qui se rapprocherait le plus de Terraferma.

Terraferma : un film écrit comme un conte

Certes Terraferma a été réalisé à partir d’éléments bien concrets. E. Crialese a vécu à Lampedusa où il a déjà tourné Respiro. Sur cette île, il a réellement rencontré Sara, l’immigrée, un personnage clef du film. Quant à celui de Filippo, originaire de l’île, il est un ami et un acteur régulier des films de Crialese. Pour autant Terraferma n’est pas un documentaire, il s’agit d’un conte moderne. Crialese déclare : J’ai commencé à écrire en pensant à la phrase « il était une fois », comme si je m’adressais à un enfant, comme si je pouvais retrouver l’enfant qui est en moi. J’ai cherché un langage libéré des préjugés et des peurs.

Différents éléments attestent que la fable constitue la charpente de Terraferma qui présente des images symboliques ou oniriques. Les tous premiers plans sous marins annoncent que le thème de la mer et son univers symbolique donnent le sens de l’histoire. On peut également citer ce déversement de touristes par la bouche du ferry boat ou encore la figure du grand-père qui n’a de cesse de rappeler la loi de la mer, son personnage faisant directement référence à la figure de Poséidon. Enfin une scène à la foi onirique et terrible marque le spectateur : lors d’une sortie nocturne en mer, Filippo et l’élue de son coeur voient surgir dans l’obscurité des migrants qui nagent frénétiquement vers leur embarcation. L’escapade amoureuse se transforme en cauchemar…

Photo Terra Ferma ©  D.R.
Au travers du conte, le cinéma apporte un message universel sur l’accueil de l’autre

A la fois grand public et proche du cinéma dit d’auteur, Terraferma se situe entre mythe et réalité, doté d’une portée universelle. Plus qu’un film sur l’immigration, il s’agit d’un film sur nous-mêmes, sur quiconque est à la recherche de sa terre ferme. Le film redit avec la force du conte que le sort des immigrants dépend de ceux qui les accueillent.

Face à la loi ancestrale et traditionnelle, il y a l’imprévu. L’accueil de ces étrangers divise la population de l’île ; ses habitants sont invités non pas à annuler cette loi mais à la dépasser pour mettre l’accueil de l’autre au centre de tout. Tel est l’enjeu qui pousse chaque personnage dans ses retranchements, mis au pied du mur face à l’urgence de la situation. Terraferma, bien qu’il soit une fiction, prend aujourd’hui un relief particulier. Il vient redire que pour accepter la différence de l’autre, je dois moi-même être solide et avoir une terre ferme intérieure.

Retrouvez ci-dessous deux extraits du film

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