Le psaume 121 d’Arvo Pärt date de 2002. Ce texte exprime la joie du psalmiste à la vue de la ville sainte : Jérusalem. Mais surtout, ce qui habite cette musique de la première à la dernière note, c’est la demande de paix sur la ville, c’est-à-dire sur nous aujourd’hui, sur le monde. Voici le texte de cette belle page que Pärt a écrite sur le texte anglais :
I rejoiced that they said to me, Je me suis réjoui quand on m’a dit :
“Let us go to the house of Yahweh”. “Allons à la maison du Seigneur”.
At last our feet are standing Nos pieds s’arrêtent enfin
at your gates, Jerusalem. Dans tes portes, Jérusalem.
Bullt as a city, Jérusalem, tu es bâtie comme une ville
in one united whole. Dont les portes sont liées ensemble.
There the tribes go up, C’est là que montent les tribus,
the tribes of Yahweh, Les tribus du Seigneur,
a sign for Israel Signe pour Israël,
to give thank to the name of Yahweh De louer le nom du Seigneur.
For there are set the thrones of Judgement Car là sont les trônes de justice,
the thrones of the house of David. Les trônes de la maison de David.
Pray for the peace of Jerusalem : Priez pour la paix de Jérusalem.
“Prosperity for your house “Que ta maison soit prospère
Peace within your walls Que la paix soit dans tes murs,
Peace within your palaces.” Et la tranquillité dans tes palais”.
For the love of my brothers and my friends Pour l’amour de mes frères et de mes amis I will say “Peace upon you.” Je dis “Paix sur toi”.
For the love of the house Pour l’amour de la maison du Seigneur
… for Yahweh our God … pour notre Dieu
I will pray for you weil-being. Je fais des vœux pour ton bonheur.
Cette partition est un beau témoignage de la dernière manière d’écrire la musique d’Arvo Pärt : il revient à une technique plus traditionnelle. Il ne s’agit plus ici d’utiliser son fameux « tintinnabulum » mais très simplement, de suivre le texte pas à pas, en s’arrêtant sur les mots qui lui parlent et qu’il fait résonner en nous avec une douce insistance comme « Paece » ou « Jérusalem » plusieurs fois repris, transformés, lumineux dans leur écrin sonore. Ce chant est toute lumière, blancheur, transparence, image de la paix si ardemment recherchée.
En septembre 1938, la guerre menace l’Europe. Francis Poulenc, en proie à l’angoisse des évènements, se tourne vers la Vierge Marie pour adresser au Seigneur une fervente prière pour la paix.
Pour ce faire, il se laisse emporter par le fameux poème de Charles d’Orléans (1394-1465) qui a éprouvé dans sa chair la violence de la guerre, lui qui a connu de très nombreuses années de captivité au cours de la guerre de cent ans.
Dans son « Journal de mes mélodies », Poulenc écrit ceci : « J’ai essayé de donner une impression de ferveur et surtout d’humilité (pour moi la plus belle qualité de la prière). C’est une prière de sanctuaire de campagne […] Ma conception de la musique religieuse est essentiellement directe et, si j’ose dire, familière. »
Cette mélodie commence de la manière la plus simple qui soit : quelques notes déroulent une mélodie à deux voix. L’ensemble de cette page baigne dans cette forme de dépouillement, sauf la partie centrale, lorsqu’il s’agit du sang du Seigneur versé pour le monde ou de la guerre « qui tout désvoye » c’est-à-dire « détraque ».
Comment réagir devant la violence du monde ? Poulenc répond : avec recueillement, avec simplicité, avec humilité… Voici le texte dans son orthographe originale :
Priez pour Paix, douce Vierge-Marie,
Royne des cieulx et du monde maistresse ;
Faictes prier par vostre courtoisie
Saints et saintes, et prenés vostre adresse
Vers vostre filz, requerant sa haultesse
Qu’il lui plaise son peuple regarder,
Que de son sang a voulu racheter,
en deboutant Guerre qui tout desvoye.
De prières ne vous vueillez lasser :
Priez pour Paix, le vray tresor de joye !
Il s’agit ici d’un enregistrement ancien accompagné par le compositeur lui-même.
Emmanuel Bellanger