Une Cantate pour l’Avent

Dimanche prochain, premier dimanche de l’Avent, commence une nouvelle année liturgique. Nous nous proposons de marquer ses grandes étapes par l’audition d’une cantate de J.S. Bach. Pour ce temps de l’Avent (les quatre dimanches qui précèdent la fête de Noël), Bach a écrit trois cantates : les BWV 36, 61 et 62. Nous nous arrêterons sur la deuxième.
Publié le 23 novembre 2021
Écrit par Emmanuel Bellanger

La cantate 61 Nun komm der Heiden Heiland – viens maintenant Sauveur des païens – a été écrite en 1714 pour Weimar où Bach exerçait alors.

Dans le déroulement liturgique luthérien, la cantate occupait une place très importante : elle était chantée juste avant ou juste après la prédication dont elle était une sorte d’introduction ou de complément. Musicien et prédicateur sont étroitement unis dans la méditation de la Parole divine. Le théoricien et compositeur Johann Mattheson (1681-1764) a pu écrire : « Tous deux exaltent la parole de Dieu. »

Pour nous encore aujourd’hui, les cantates sont de riches nourritures spirituelles.  Les textes sont dus à des pasteurs théologiens qui avaient bien compris l’importance de la poésie dans sa rencontre avec la musique : c’est le pasteur Erdmann Neumeister (1671-1756), ami de Bach, qui est l’auteur du texte de la cantate 61.

La nature d’une cantate liturgique est de nous faire parcourir un chemin intérieur : ici la méditation proposée au seuil de l’Avent nous fait progresser de la contemplation du Sauveur venu en son Eglise pour y accomplir sa mission à l’accueil que chaque chrétien est appelé à lui faire en son propre cœur. L’évènement de Noël touche le monde et surtout chaque personne dans sa pauvreté et sa finitude, mais éclairée d’une nouvelle joie intérieure.

Voici le texte de cette cantate :

N° 1 : chœur
Nun komme der Heiden Heiland
     Viens maintenant Sauveur des païens
Der Jungfrau Kind erkannt
     reconnu Enfant de la Vierge
Dess sich wundert alle Welt
     dont le monde s’émerveille
Gott solch Geburt ihm bestellt.
     Dieu voulut pour lui une telle naissance.

N° 2 : Récitatif ténor
Der Heiland ist gekommen, hat unser armes Fleisch und Blut an sich genommen und nimmt uns zu Blut verwandten an.
     Le Sauveur est venu, a pris nos pauvres chairs et sang, et nous prend liés par le sang.
O aller höchstes Gut, wass hast du nicht an uns getan ?
     Ô bien plus haut que tout, que n’as-tu pas fait pour nous ?
Was tuts du nicht noch täglich an den Deinen ?
     Que ne fais-tu pas encore chaque jour pour les tiens ?
Du kommst und lässt dein Licht mit vollem Segen scheinen.
     Tu viens et fais paraître ta lumière avec pleine bénédiction.

N° 3 : Aria ténor
Komm Jesu, komm zu deiner Kirche und gibe in selig neues Jahr.
     Viens Jésus, viens dans ton Eglise et donne une nouvelle année bénie.
Befördre deines Namens Ehre. Erhalte die gesunde Lehre und segne Kanzel und Altar.
     Apporte l’honneur de ton nom, soutiens le sain enseignement et bénis chaire et autel.

N° 4 : Récitatif basse
Siehe, ich stehe vor der Tür und klpofe an.
     Voici, je me tiens devant la porte et je frappe,
So jemand maine Stimme hören und wird die Tür auftun, zu den werde ich eingehn und das Abendmahl mit ihm halten und er mit mir.
     Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, je viendrai chez lui et je partagerai le repas
     avec lui et lui avec moi.

N° 5 : Aria soprano
Öffne dich, mein ganzes Herze
     Ouvre-toi, mon cœur tout entier
Jesus kommet und zieht ein
     Que Jésus vienne et s’installe.
Bin ich gleich nur Staub und Erde
     Je ne serai bientôt que cendre et terre
Will er mich doch nicht verschmähn
     Mais il ne veut pas me dédaigner.
Sein Lust an mir zu sehen
     Que sa joie soit en moi
Dass ich seine Wohnung werde
     Que je devienne sa demeure,
O wie selig werd ich sein !
     Ô combien je serai heureuse !

N° 6 : Chœur
Amen. Amen.
Komm du schön Freudenkrone, bleibt nicht lange

     Viens, belle couronne de joie, ne tarde pas.
Deiner wart ich mit Verlangen.
     Je t’attends impatiemment.

Pour nous aider à entendre :

La cantate débute par une ouverture à la française : un mouvement lent sur rythme pointé comme une marche, suivi d’un fugato vif sur les mots dess sich wundert alle Welt auquel succède un bref retour de la marche initiale. On dirait du Lully. Bach ouvre ainsi l’arrivée d’une nouvelle année liturgique. Le chœur chante en valeurs longues le choral.

La dernière phrase du n° 2 est traitée différemment : on passe du récitatif simple à l’arioso : les instruments sont davantage présents, le débit se ralentit. Le texte est ainsi bien mis en valeur.

Remarquez l’extraordinaire n° 4 qui forme l’axe de la cantate. On n’est plus seulement dans la contemplation de Celui que nous attendons, mais dans l’invitation personnelle à l’accueillir : très simplement, presque naïvement, Bach nous fait entendre le Christ qui frappe à la porte par des pizzicati de l’ensemble des cordes. Mais quel effet : ces coups frappés à la porte résonnent au plus profond de nous !

Le n° 5 qui suit est confié à une voix de soprano : traditionnellement c’est la voix que les musiciens confient aux épanchements de l’âme humaine.

Pour conclure, Bach accompagne cette strophe du choral de Noël Wie schön leuchtet der Morgenstern – combien est belle l’étoile du matin, par des figures musicales des violons qui nous annoncent déjà la joie que nous attendons.

Dernière observation : remarquez l’engagement physique des musiciens, personnel et collectif : jouer ensemble, c’est se regarder, respirer, bouger ensemble. Belle image de ce qu’est une Parole de Vie

L’Avent est un temps d’attente, bien sûr, mais d’une attente joyeuse de Celui qui est déjà venu et que nous avons toujours à accueillir dans le renouvellement de notre cœur.

Emmanuel Bellanger

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