La Toussaint : dans la lumière de la sainteté

Dans le langage populaire, la Toussaint est souvent synonyme de pluie, de grisaille et de tristesse : le Jour des Morts l’a emporté sur le jour des Saints. La liturgie de la Toussaint oriente notre regard sur « la paix ensoleillée du divin amour » dans laquelle nous serons plongés pour l’éternité. Il est un musicien qui nous a particulièrement ouvert les oreilles sur la contemplation de ce mystère.
Publié le 01 novembre 2021
Écrit par Emmanuel Bellanger

Olivier Messiaen (1908-1992) a cherché tout au long de sa vie comment exprimer sa fascination pour notre destinée finale : la contemplation éternelle de la lumière divine dans laquelle nous serons plongés et dont nous rayonnerons. Voici trois pages composées à trois moments de sa vie et pour trois formations instrumentales différentes, dans lesquelles cette recherche se donne à entendre, permanente chez Messiaen et toujours renouvelée.

Les Visions de l’Amen pour deux pianos datent de 1943. Le compositeur explique à sa manière ce que ce titre peut contenir d’énigmatique :
« Amen, que cela soit ! Pacte créateur […]
Amen, cela est, tout est fixé pour toujours, consommé dans le Paradis
. »

Voici la 5ème vision intitulée : « Amen des anges, des saints, du chant des oiseaux. » 

Il n’est pas neutre de constater que le chant qui nous ouvre la vision céleste est celui des oiseaux dont on sait combien ils ont occupé Messiaen. Nous vivons au milieu de ces chants, mais qu’en savons-nous ? Ils nous ouvrent, par leur énigme même, les yeux et les oreilles sur la Révélation qui nous dépasse, telle que la décrit le livre de l’Apocalypse, la lumière divine qui irradie les saints.

Nous entendons dans cette page une alternance entre une monodie dans le caractère du plain-chant, et des chants d’oiseaux, ponctués par un thème lent, presque solennel, richement harmonisé qui symbolise pour Messiaen la Création toute entière.


La deuxième page de Messiaen que je vous propose date de 1986 : elle est destinée à l’instrument premier du compositeur, l’orgue.

Le n° 7 du Livre du Saint Sacrement s’intitule : « Les ressuscités et la lumière de vie ». En tête de sa partition Messiaen a écrit : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie. » (Jn 6, 54)

Comme toute pièce musicale savamment construite, cette page est faite d’un jeu d’alternances entre un dessin monodique (comme dans la page des Visions de l’Amen) très fortement affirmé et des jeux variés de trilles, de traits rapides et de blocs d’accords. Il n’a pas échappé à Messiaen que le Christ relie l’Eucharistie à la vie éternelle en Dieu : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » (Jn 6, 51)


La troisième page de Messiaen est la dernière qu’il ait écrite : il ne l’a jamais entendue puisqu’elle a été créée en 1992, quelques mois après sa mort. Quelle impressionnante conclusion d’une vie de créateur toute tournée vers cette contemplation du Dieu saint, dont la sainteté illumine tous ceux qu’il a marqués de son sceau, comme le dit le Livre de l’Apocalypse et qui donne son titre à cette page, le n° 4 de cette ultime composition monumentale intitulée : « Eclairs de l’Au-delà ».

« Après cela, j’ai vu : une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. » (Ap. 7, 9)

Le n°4 s’intitule : « Les élus marqués du sceau ».

On y entend essentiellement des chants d’oiseaux. Une dernière fois, Messiaen, peu de temps avant sa mort, exprime sa confiance, en arrivant au seuil de cette lumière divine qu’il a cherchée, par ces chants si mystérieux qui traduisent la jubilation, l’innocence, le lien de la terre et du ciel, de l’humanité et de la divinité, de la mort et de la vie.

Emmanuel Bellanger

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