La musique, comme on sait, ne raconte pas, ne peint pas, évoque de manière très elliptique des images.
Il est bien agréable de réentendre des musiques que nous connaissons pour nous retrouver dans un paysage familier : ainsi en est-il, sans doute, des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski (1839-1881). Cette suite de couleurs musicales date de 1874. On a l’habitude de présenter cette œuvre comme une succession de tableaux musicaux inspirés de tableaux réels que Moussorgski avait contemplés. Ce n’est pas complètement faux mais pas juste non plus : la musique, comme on sait, ne raconte pas, ne peint pas, évoque de manière très elliptique des images. Ce n’est pas son rôle. Par contre, elle est susceptible de traduire des états d’âme, des sentiments, ceux du compositeur et aussi, ce qui est le plus important, les nôtres.
Orientons notre oreille sur ces brefs moments appelés Promenade si importants pour notre cheminement, comme dans un musée.
Je vous propose une clé d’écoute :
nous avons l’habitude de porter notre attention sur les tableaux désignés par leur titre et non sur le thème appelé « Promenade » toujours sur le même dessin mélodique mais toujours traité différemment. Ce thème exprime beaucoup plus que le simple déplacement d’un tableau à l’autre, mais, si nous écoutons bien, nous découvrons qu’il ne nous laisse pas dans les mêmes sentiments : calme du regard, violence, angoisse, apaisement… Voici le plan des Tableaux d’une exposition, orientons notre oreille sur ces brefs moments appelés Promenade si importants pour notre cheminement, comme dans un musée.
Promenade
Gnome (personnage difforme et maladroit)
Promenade
Il vecchio castello (le vieux château)
Promenade
Tuileries : dispute d’enfants après le jeu
Bydlo (vieux chariot polonais tiré par des bœufs)
Promenade
Ballet des poussins dans leurs coques
Samuel Goldenbert et Schmuyle (deux juifs, un riche et un pauvre)
Promenade
Le marché de Limoges
Catacumbae
Cum mortuis in lingua mortuis
La cabane sur des pattes de poules (maison d’une sorcière)
La Grande Porte de Kiev
Il s’agit pour Berlioz d’évoquer quelques images de ses pérégrinations dans les montagnes du centre de l’Italie.
Voici une autre musique fort connue mais bien agréable à écouter que nous propose Hector Berlioz (1803-1869). Son séjour mouvementé en Italie après l’obtention du Prix de Rome, a meublé son imagination dont est né en 1834 Harold en Italie. Il s’agit d’évoquer quelques images de ses pérégrinations dans les montagnes du centre de l’Italie. Voici le numéro 2 de cette symphonie pour orchestre et alto solo. Nous sommes entraînés dans un mouvement de marche construit sur un thème à la fois toujours le même et conduisant systématiquement sur des pentes nouvelles : Berlioz nous donne avec cette marche une démonstration magistrale du savoir-faire d’un grand musicien dans la conduite d’une mélodie. Vers le milieu de cette page, le mouvement s’arrête et nous entendons une sorte de choral chanté par les bois (flûtes, hautbois, clarinette, basson, qui imite le son continu de l’orgue. Puis le cortège des pèlerins poursuit sa route et nous avec lui. Nous percevons bien avec cette page de Berlioz ce qu’est en musique un processionnal : il ne nous fait pas marcher au pas, mais nous sommes emportés intérieurement dans un mouvement irrésistible. Voici le deuxième mouvement d’Harold en Italie intitulé : Marche des Pèlerins.
Emmanuel Bellanger