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Beethoven et sa destinée – La vie a-t-elle un sens ?

En cette période particulière que nous vivons, nous sommes confrontés à la grande question que les générations se posent au long des âges : que signifie tout cela ? Le chemin de la vie, où nous conduit-il ? Beethoven, que nous rencontrons au cours de cette année anniversaire, a été peut-être plus profondément que d’autres, confronté à cette grande question. Sa musique en est pétrie.
Publié le 25 septembre 2020
Écrit par Emmanuel Bellanger

Joseph Willibrord Mähler (1778–1860) Portrait de Ludwig van Beethoven, 1815, Musée Historique de Vienne © Wikimedia Commons

Lorsqu’une œuvre d’art parvient à exprimer la nature dans toute sa crudité de ce que vit son créateur, elle touche à l’universel, c’est-à-dire à chacun et chacune d’entre nous.

Le drame personnel de Beethoven est bien connu : une surdité précoce qui a évolué jusqu’à le conduire au silence total. C’est, non seulement une catastrophe pour un musicien, mais surtout une souffrance terrible pour celui qui se sent condamné à être séparé de ses frères humains. Dans un texte très important qu’il nous a laissé sous le nom de « Testament d’Heiligenstadt » qui date de 1802, Beethoven écrit :

« Pourvu à la naissance d’un tempérament vif comme le feu, sensible même aux distractions de la société, je dus tôt vivre en marge et mener une vie solitaire [… ] Avec quelle dureté je fus repoussé par la triste expérience redoublée de ma mauvaise ouïe. »

Inévitablement, la question du sens de la vie s’impose. Cette surdité infligée à un compositeur ne touche-t-elle pas à l’absurde ? Qu’est-ce que le destin ? Cette question est omniprésente dans l’œuvre de Beethoven, pas seulement dans le fameux thème dit du destin qui caractérise la 5ème symphonie. En voici un exemple impressionnant.

Le 2ème mouvement du 4ème concerto pour piano et orchestreandante con moto – date de 1804/1807 : Beethoven avait alors entre 34 et 37 ans. Sa surdité était bien avancée.

Cette page est construite sur un dialogue entre les cordes de l’orchestre et le piano soliste.

L’orchestre avance, imperturbable, sans se poser de questions, sur un rythme vigoureux, implacable. Le piano au contraire, est tout en hésitations, en interrogations, interrompu par l’orchestre solidement installé sur sa rythmique. Le piano aspire, dans ses élans vers l’aigu, à se libérer des souffrances humaines. Quel contraste entre l’orchestre dont on perçoit la force venue d’un ensemble de musiciens et la frêle solitude du pianiste !

Comme une question sans réponse, le piano bute sur l’orchestre.

Mais si on écoute jusque au bout cette admirable page dans sa simplicité, on est conduit vers sa conclusion avec grande douceur.

L’espérance n’a jamais quitté Beethoven : cet andante du 4ème concerto se conclue sur une dernière envolée du piano seul : la violence des évènements n’a pas eu raison de la fragilité de l’espérance au cœur du musicien.

En ces temps incertains et angoissants, cette musique n’est-elle pas une consolation, une aide précieuse, une compagne fidèle qu’il nous faut accueillir : au bout de la nuit : la lumière…

Le testament de Beethoven s’achève sur ces mots :

« Fais advenir encore une fois pour moi un peu de joie immaculée. »

Emmanuel Bellanger

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