L’hommage le plus important, au fond, que nous devons à la musique, c’est d’abord de l’écouter et de l’accueillir telle qu’elle se présente.
Le deuxième mouvement du Concerto italien de Jean-Sébastien Bach est d’une grande limpidité : une mélodie amplement et longuement déployée à la main droite, ponctuée de respirations que l’on appelle en musique des cadences, accompagnée à la main gauche par des accords très simples qui soutiennent le chant dans un mouvement continu. Nous entendons la combinaison mystérieuse d’une expression lyrique et d’une marche régulière vers le but ultime de la pièce.
Cette musique n’est, d’abord, rien d’autre que cela. Il nous faut la recevoir simplement, sans arrière-pensée d’aucune sorte.
Dans cet andante du premier Concerto brandebourgeois du même Jean-Sébastien, nous entendons le même traitement musical : un développement lyrique amplement développé sur un mouvement régulier comme une marche qu’il faut suivre. La différence ici vient qu’en plus nous ressentons comme auditeurs la nature communautaire de l’expérience musicale : le dialogue lyrique entre le violon et le hautbois, repris par le violoncelle et la contrebasse, soutenu par le mouvement régulier des autres instruments de l’orchestre. Cette musique est de même nature que la précédente. Elle nous invite au chant intérieur, gratuit, vécu pour lui-même : c’est pour cela que nous sommes susceptibles d’y trouver repos ou plénitude.
C’est parce que la musique ne dit rien qu’elle peut tout exprimer : « pénétrer les âmes, appeler l’amour, endormir la souffrance, inspirer la joie… », comme le dit si justement Vladimir Jankélévitch.
C’est comme elle se présente à nos oreilles et à nos sentiments qu’elle nous invite à la recevoir.
Même quand nous sommes mis dans des conditions particulières qui orientent notre écoute, il ne faut pas oublier de recevoir la musique en toute simplicité. Mais alors, notre bonheur artistique en est transfiguré, par exemple dans ce choral pour orgue du Maître de Saint-Thomas de Leipzig « Liebster Jesu, wir sind hier ».
Le texte dit ceci :
« Très cher Jésus, nous sommes ici pour entendre ta parole.
Dirige nos sens et nos désirs vers les douceurs du ciel
Afin que nos cœurs soient attirés de la terre vers toi. »
Pour chanter cela, Bach utilise exactement le même traitement musical : une mélodie lyrique chantée à la main droite sur un clavier, accompagnée sur un autre clavier et au pédalier par un mouvement de marche qui nous entraîne avec douceur vers quel but ? La réponse nous appartient.
La musique n’est pas un commentaire (les mots sont faits pour cela), elle est respiration, apaisement, intériorisation, saveur délicieuse.
C’est ce que nous pouvons nous souhaiter en cette période de rentrée : des oreilles ouvertes et confiantes, un esprit accueillant aux beautés de la musique dans toute sa vérité.
Emmanuel Bellanger