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Itinéraire musical II/III : une évasion tchèque avec Smetana et Martinu

C’est en pays tchèque que je vous propose de faire étape aujourd’hui. La musique est essentiellement dialogue, par exemple entre l’œuvre et l’auditeur ou entre compositeurs d’un même pays comme Smetana et Martinu : une page musicale très connue face à une composition probablement à découvrir.
Publié le 27 juillet 2020
Écrit par Emmanuel Bellanger

C’est en 1874 que Bedrich Smetana (1824-1884) a composé une de ses pages les plus célèbres : La Moldau, en tchèque Vltava, évocation de cette rivière symbole de la culture et de la civilisation tchèques, en un temps où la langue même de ce pays luttait pour affirmer son autonomie au sein de l’empire austro-hongrois. Mais ce n’est pas dans une audition illustrative que je souhaite nous engager. Cette musique a quelque chose à nous apprendre sur sa propre nature. Nous le savons bien, la musique n’illustre pas – elle n’est pas peinture – la musique ne décrit pas – elle n’est pas littérature – mais elle naît d’une image ou d’une littérature.

La Moldau nous invite à suivre le cours de cet affluent de l’Elbe, de sa source à son confluent, certes, mais elle est d’abord un parcours purement musical. L’eau et la musique ont beaucoup de points communs : l’une et l’autre s’écoulent, on ne peut retenir entre ses doigts ni l’une ni l’autre, jamais elles ne connaissent l’immobilité.

Je vous invite à écouter La Moldau de Smetana en orientant nos oreilles sur un point particulier de cette musique : l’écoulement sonore et la rencontre de plusieurs courants. Nous entendons dans les premières mesures une coulée de notes à la flûte. Quelques mesures plus loin, de même que la Moldau est faite de plusieurs sources, une deuxième coulée se joint à la première, cette fois à la clarinette. Puis l’œuvre symphonique suit son cours : une chasse évoquée par des sonneries de trompettes, une danse paysanne aux cordes et aux bois, une évocation des nymphes au clair de lune

La musique s’élargit dans son tempo comme dans son timbre qui mobilise l’ensemble de l’orchestre, à l’image de la rivière tchèque au large cours peu avant son confluent avec l’Elbe.

Nous écoutons cette page dans une belle interprétation sous la direction du chef tchèque Rafael Kubelik.

En 1949, Bohuslav Martinu (1890-1959) propose ses Trois danses tchèques pour deux pianos. Les circonstances très particulières de son enfance le prédestinaient à se consacrer à la musique : il est né, en effet, et a vécu ses premières années, dans la tour de l’église de sa ville natale en Bohème : Policka. Son cordonnier de père y était guetteur municipal chargé de remonter l’horloge, de sonner l’angélus et de donner l’alerte en cas d’incendie. Martinu fut ainsi bercé par les sonneries des cloches et les sons de l’orgue que l’on entendait très bien de là-haut.

Portrait de Bohuslav Martinu

La musique de Bohuslav Martinu est, à la fois, nourrie de la riche tradition tchèque et de tout ce qu’il a cherché à connaître de la production occidentale, lui qui a beaucoup voyagé et vécu hors de son pays, en particulier à Paris, mais aussi en Suisse ou aux Etats-Unis.

Les Trois danses tchèques pour deux pianos reflètent bien la nature de cette musique : on peut y déceler des thèmes et des rythmes d’origine populaire, mais le traitement des claviers nous met en présence d’une imagination musicale qui va bien au-delà dans ses audaces harmoniques et rythmiques jusqu’à atteindre une atmosphère trépidante mais ô combien suggestive.

Emmanuel Bellanger

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