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Emile Paladilhe : un musicien entre le théâtre et l’Eglise

En cette année 2019, l’orchestre de Montpellier célèbre le quarantième anniversaire de sa fondation. L'occasion nous est offerte de découvrir un musicien oublié - ce qui était bien dommage : Emile Paladilhe, né à Montpellier en 1844, mort à Rouen en 1926. Ce compositeur est un bel exemple de ces musiciens de la fin du 19ème siècle qui ont trouvé leur chemin artistique entre l’opéra et le sanctuaire.
Publié le 07 octobre 2019
Écrit par Emmanuel Bellanger

Émile Paladilhe, gravure extraite du Larousse illustré (1900) © Wikimedia Commons

Le Grand Prix de Rome (obtenu à 16 ans !) lui ouvre la grande carrière, celle de compositeurs d’opéras, de messes, d’oratorios.

La carrière d’Emile Paladilhe est classique : découverte de ses capacités dans sa ville natale de Montpellier par l’organiste de la cathédrale, première formation puis poursuite des études au Conservatoire de Paris dont il décrocha entre autre un Premier Prix d’orgue. Le Grand Prix de Rome (obtenu à 16 ans !) lui ouvre la grande carrière, celle de compositeurs d’opéras, de messes, d’oratorios, de musique de chambre, tout cela de grande qualité. Je vous propose deux exemples de sa production.

On décèle l’influence du siècle d’or de la musique vocale par la clarté du texte, la transparence harmonique, la merveilleuse connivence entre musique et voix humaine.

La Messe de Saint-François d’Assise date de 1896. Dans un souci de restauration du chant à l’église, les musiciens intéressés par cette question, parmi lesquels Félix Danjou (organiste de Notre-Dame de Paris) et Camille Saint-Saëns, réhabilitent Palestrina et la polyphonie du 16ème siècle. Paladilhe connaissait ces musiques : on en retrouve un écho dans le Credo. Cette page est classiquement divisée en mouvements suivant le texte ; mais on y décèle l’influence du siècle d’or de la musique vocale par la clarté du texte toujours compréhensible, la transparence harmonique, la merveilleuse connivence entre musique et voix humaine. Baignée dans l’univers religieux du 19ème siècle, cette musique intègre pourtant les enseignements des Anciens : une telle réussite est le signe d’un grand musicien.

La légende des Saintes Maries est très fortement enracinée dans les imaginaires de Provence et du Languedoc. Venus de Palestine, tous ces saints personnages abordent les côtes camarguaises.

C’est du côté du théâtre que nous oriente la page qui va suivre. Elle est extraite de ce qu’on peut appeler un oratorio : Les Saintes Maries de la Mer, œuvre dédiée à l’évêque de Montpellier le cardinal de Cabrières, composée en 1891. Paladilhe est resté toute sa vie très attaché à son Languedoc natal et à cette culture du sud de la France : il a noué des relations amicales durables avec Georges Aubanel et Frédéric Mistral, par exemple. La légende des Saintes Maries est très fortement enracinée dans les imaginaires de Provence et du Languedoc. Voici le début de la quatrième partie. Venus de Palestine, tous ces saints personnages abordent les côtes camarguaises.

Les didascalies en tête de la partition indiquent ceci :
« En Provence, dans l’île de Camargue, entre les deux Rhônes. Foule sur le rivage : on célèbre la fête de Pan.
Personnages : Marie-Madeleine, Marie Salomé, Marie Jacobé, Marthe, Sarah, Maximin, Lazare, Sidoine, chœur des païens.
»

C’est ce chœur que nous écoutons : la musique est bien méridionale, on y perçoit l’heureux caractère du compositeur (selon les témoignages de ceux qui l’ont approché), très colorée, énergique, à l’image d’un grand chœur d’opéra.

En voici le texte :

Dans la vigne où vont les grives
Se griser de raisins d’or,
Vers le Rhône aux larges rives,
Où l’ardent soleil s’endort,
Couronné d’olivier pâle,
Déroulez comme un serpent
Votre ronde triomphale
Autour de l’autel de Pan !
Allez, courez, folles troupes,
Faites jaillir dans les coupés
Le sang frais des pampres roux
Dans l’osier fin des corbeilles.
Mêlez aux figues vermeilles
La grenade au parfum doux…. (reprise du début)

 

Nous sommes entraînés dans cette ronde toute ensoleillée vers laquelle avance le pauvre cortège des Saintes Maries.
Cela ne sonne-t-il pas pour nous comme un agréable souvenir de vacances ?

Emmanuel Bellanger

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