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Que « dit » la musique ? A l’écoute d’Hector Berlioz

L’année 1869 fut celle de la mort d’Hector Berlioz, il y a donc 150 ans. L’image que nous avons de ce musicien est celle d’une caricature de l’artiste romantique à l’imagination débordante de visions sublimes, évènements cataclysmiques, nature sauvage, amours dramatiques. Tout cela n’est pas faux mais ne doit pas nous faire oublier qu’il fut d’abord un très grand compositeur.
Publié le 16 septembre 2019
Écrit par Emmanuel Bellanger

Emile Signol, Berlioz jeune, 1832  © Wikimedia Commons

Aujourd’hui, je vous propose d’écouter simplement cette musique d’Hector Berlioz (1803-1869), sans idée préconçue, en laissant votre imagination vagabonder librement au fil des mélodies, des rythmes, des timbres et des harmonies.

Qu’avons-nous entendu ? Une mélodie développée sur un rythme régulier, entraînant, quelque peu irrésistible. Au milieu du mouvement s’est présenté un thème sur des valeurs longues et régulières harmonisé dans une langue musicale très consonante, le rythme de la première mélodie se poursuivant discrètement sur des pizzicati de violoncelles. Tout cela survolé par un instrument soliste qui chante un troisième thème presque immobile dans cet ensemble très animé.

La musique ne montre pas, elle fait naître en nous des sentiments que nous traduisons par des images.

Libre à vous de « voir » dans cette musique ce que votre sensibilité vous suggère : la musique ne montre pas, à la différence d’un texte ou d’un tableau, elle fait naître en nous des sentiments que nous traduisons par des images.
Ayant pris le temps de nous laisser habiter par cette page de Berlioz, nous voici prêts à découvrir le sens de cette musique pour le compositeur. Il s’agit du 2ème mouvement de sa symphonie pour orchestre et alto solo intitulée « Harold en Italie », qui date de 1834.
Ayant obtenu à la 4ème tentative le grand prix de Rome, Berlioz fit son séjour règlementaire en Italie en 1831 : c’est de cette période qu’il a ramené les images sonores de « Harold en Italie ».

William Stanley Haseltine, Lumière matinale, campagne romaine © Wikimedia Commons

Le 2ème mouvement s’intitule « Marche des pèlerins chantant la prière du soir ».

Trois éléments le constituent :

♦ le thème des pèlerins proprement dit, sur un rythme dit « de marche », une pulsation régulière qui invite, en effet, à marcher. Ce thème traduit un riche travail de traitement mélodique : il commence toujours de la même façon mais conduit à chaque énonciation à une conclusion différente, comme un chemin que l’on croit sans suite, qui s’ouvre de manière inattendue à chaque tournant. Ce sont les cordes principalement qui chantent ce thème dit « des pèlerins ».

O merveilleuse puissance de l’expression vraie, incomparable beauté de la mélodie du cœur.

♦ au milieu de cette page nous est présentée une toute autre musique : sur les bois (flûtes, clarinettes, hautbois) repris ensuite par les cordes avec sourdines, c’est un cantique religieux qui apparaît avec toutes ses caractéristiques, valeurs longues, langage modal, sonorités qui évoquent l’orgue, douceur, presque candeur. Ce passage est très intéressant en ce qu’il nous dévoile ce qu’était un cantique religieux pour Berlioz comme il l’exprime dans ses Mémoires :
Evoquant sa Première Communion, il écrit : « Alors, au moment où je recevais l’hostie, un chœur de voix virginales, entonnant un hymne à l’Eucharistie, me remplit d’un trouble à la fois mystique et passionné […] Je crus voir le ciel s’ouvrir […] O merveilleuse puissance de l’expression vraie, incomparable beauté de la mélodie du cœur. »

Par-dessus ces deux éléments plane un thème presque immobile, thème qui traverse tous les mouvements de cette symphonie et qui contraste de manière évidente parce que joué par un instrument soliste ; l’intimité du son représente Berlioz lui-même, bien sûr.
Nous voilà ouverts à recevoir le « message » de ce mouvement, parce que nous l’avons, une première fois, laissé pénétrer en nous, puis parce que nous avons superposé à nos propres images et sentiments, ceux du compositeur lui-même.

« L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute » dit le livre de Ben Sira le Sage, on pourrait traduire « l’idéal du bon auditeur, c’est celui qui entend ». C’est le souhait que j’exprime pour chacun en ce début d’année d’activités.

Emmanuel Bellanger

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