De nombreux écrivains et poètes ont essayé de définir ce qu’est la musique. Louis Aragon en a approché le mystère en peu de mots et en grande simplicité :
La merveille de la musique est de n’être que mouvement,
C’est comme l’eau que l’on regarde
Et tout y coule vaguement.
On ne retient pas l’eau, on ne l’empêche pas de s’écouler, on ne l’enferme pas entre ses doigts, pas plus qu’on ne retient la musique qui se déroule inexorablement, disparue aussitôt qu’émise. Ce n’est pas autre chose qu’exprime Guillaume Costeley (1531-1606) dans ce qu’on appelait en son temps une chanson :
Je vois des glissantes eaux les ruisseaux couler sous un doux murmure,
Je vois de mille couleurs mille fleurs parer la gaye verdure…
Cette image de l’eau va nous accompagner au cours de l’été, image qui a inspiré de nombreux compositeurs et qui nous conduira en fin de parcours sur des sentiers inattendus : notre regard, guidé par notre écoute, s’ouvrira – je l’espère – sur un paysage nouveau.
Pour commencer notre route, voici une curiosité musicale : il s’agit d’une œuvre peu connue d’Olivier Messiaen, écrite à la demande de la ville de Paris pour l’exposition internationale de 1937 : la Fête des belles Eaux, pour un ensemble d’ondes Martenot.
L’instrument appelé « ondes Martenot » est, peut-on dire, l’ancêtre de nos synthétiseurs ; il s’agit d’un instrument « électronique » qui donne des sons complètement nouveaux. Cet instrument fut inventé en 1928, c’est dire qu’il était encore peu connu en 1937. On le joue au moyen d’un clavier (comme pour un piano) et d’un curseur placé devant ledit clavier : ce curseur permet toutes les formes de glissandi du plus grave au plus aigu.
C’est Messiaen lui-même qui choisit la formation : un sextuor d’ondes Martenot. Cette œuvre fut donnée en plein air sur les bords de la Seine intégrée à un spectacle sons et lumières composé de jeux d’eau et de projecteurs, de feux d’artifice. Messiaen évoque dans ces pages les différentes images que suggère l’eau dans ses multiples manifestations. Comme il nous le dit lui-même :
« La nuit y est mystérieuse, l’eau profonde a un aspect funèbre, les fusées sont gaies, badines, désinvoltes, le feu d’artifice revêt le même caractère enjoué. Par contre, les jaillissements de l’eau sont furieux et terribles, ou rêveurs ou contemplatifs.»
Cette musique étrange au premier abord alterne les fusées musicales, les mouvements sautillants et jaillissants, les longues phrases méditatives bien dans la manière du compositeur.
Que cet été vous offre de beaux moments d’émerveillement devant un simple ruisseau, des moments où il n’y a rien d’autre à faire que de se laisser vivre dans la contemplation, le silence ou une musique qui conduise au silence de l’écoute intérieure.
Emmanuel Bellanger