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Avent, attente, avènement…

Nous savons tous que l’Avent est un temps d’attente et de préparation pour les chrétiens à la fête de Noël par laquelle ils célèbrent la venue du Christ parmi les hommes. Mais la liturgie ne fait pas que nous rappeler cet évènement fondateur, elle nous oriente vers l’avenir : le retour du Christ à la « fin des temps », cet avènement à la Vie nouvelle qui est proclamé dans le CREDO : « et j’attends la vie du monde à venir ». Dire ce texte est une chose, le chanter en est une autre comme nous l’apprennent les musiciens. Que nous révèle un Beethoven de ce texte ?
Publié le 12 décembre 2016
Écrit par Emmanuel Bellanger

La liturgie de l’Avent s’articule entre le passé et l’avenir comme l’exprime la grammaire des oraisons entre passé composé, présent et futur :
« Tu nous as tracé en ton Fils un chemin de lumière, que toute la terre se lève et marche vers toi […] et, quand paraîtra le Fils de l’homme, qu’il nous trouve debout, prêts à l’accueillir. »
(Messe du 1er dimanche de l’Avent, année A)

Nous sommes relativement bien informés de la vie religieuse de Ludwig van Beethoven, né en 1770 (c’est-à-dire 20 ans seulement après la mort de Jean-Sébastien Bach), mort en 1827.
La composition de sa Missa solemnis l’a occupé durant de nombreuses années : cette longue période de création manifeste clairement combien son travail de composition allait bien au-delà d’une simple tâche musicale. La densité impressionnante de cette œuvre nous livre le plus profond de son cœur.

La Missa solemnis est au départ le fruit d’une commande : c’est en 1818 qu’il commence la composition de ce monument prévu pour l’intronisation de son ancien élève l’archiduc Rudolph comme archevêque d’Olmutz en 1820. Mais à cette date il n’en était qu’au Credo. La Missa solemnis ne fut achevée qu’en 1823.

Etude pour soleil couchant, Eugène Boudin, pastel
Beethoven avait-il la foi ?

Il est toujours difficile de pénétrer l’intimité d’un artiste : dans le cas de Beethoven, cela est relativement aisé car il s’est beaucoup exprimé sur ce sujet, soit dans ses papiers personnels, sa correspondance, ses cahiers de conversation (par lesquels il communiquait alors que la surdité l’avait coupé du monde) et surtout le « testament d’Heiligenstadt » dans lequel il nous livre le plus secret de sa souffrance, de ses aspirations et de ses doutes.

La foi pour Beethoven était de l’ordre d’une démarche personnelle, sans lien nécessaire avec un dogme théologiquement défini ou une Eglise hiérarchisée même s’il se considérait comme catholique. Sa foi, à l’image de celle de beaucoup de ses contemporains, était teintée d’influences orientales et fortement marquée par les évènements de sa propre vie (surdité, incompréhension, rapports difficiles avec les autres).

Mais le Dieu de Beethoven était un Dieu  avec qui il dialoguait dans sa prière personnelle dont on perçoit un écho dans ces mots :

« O mon Dieu, donne-moi la force de me conquérir moi-même. » 
Sa musique n’était pas seulement pour lui un moyen d’expression et un travail de création artistique, elle était un chemin possible susceptible de conduire les autres à une découverte de Dieu : « Mon but capital en composant cette Grand-Messe était de susciter et d’instiller en permanence des sentiments religieux aussi bien chez les chanteurs que chez les auditeurs. » 

« Et vitam venturi saeculi »

Dans l’esprit de l’Avent, je vous invite à écouter la fin du CREDO de la Missa solemnis sur ces paroles : « … la vie du monde à venir. Amen. »

Cette messe monumentale est écrite pour quatre solistes, chœur et grand orchestre. Quelques procédés musicaux éclairent ce texte d’une lumière bien beethovénienne.
Comme le font de nombreux compositeurs, Beethoven écrit sur ce texte une fugue, c’est-à-dire une musique construite sur un seul thème qui circule entre les différentes voix du chœur et des solistes.
Mais quelques caractères de cette page sont proprement beethovéniens :

= cette fugue est en deux grandes parties : la première est construite sur le thème que lancent les soprani en douceur, la pâte orchestrale et vocale s’épaississant progressivement. Ce thème est repris en cours de développement en sens contraire : les intervalles qui montaient descendent, ceux qui descendaient montent, image de cette vie éternelle où il n’y aura plus de temps ni d’espace…

= une deuxième partie reprend ce même thème mais « en diminutions » comme on dit en musique, c’est-à-dire en divisant les valeurs de notes : les blanches deviennent des noires. Une guirlande de croches continues extrêmement rapides accompagne ce thème transformé, donnant une impression d’accélération, d’insistance, comme si l’attente du compositeur était de plus en plus forte, insupportable même.

= Mais cette page ne s’achève pas ainsi : c’est dans la sérénité de longs accords consonants en si bémol majeur accompagnés d’une ascension confiante qui parcourt la totalité de l’orchestre du plus grave au plus aigu que la musique s’achève,  poursuivant son chemin dans le souvenir de l’auditeur.

En faisant passer le texte liturgique par son filtre personnel, Beethoven l’éclaire de sa propre densité d’humanité : il nous rejoint dans notre expérience personnelle pour nous approprier ce texte liturgique et le vivre en vérité. N’est-ce pas la belle mission de tout artiste ?

Si vous désirez vivre une autre approche de ce géant de la musique, la Philharmonie de Paris propose jusqu’au 29 janvier 2017 une exposition intitulée :
LUDWIG VAN… LE MYTHE BEETHOVEN. 
221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris.

infos pratiques philharmoniedeparis.fr/fr/exposition-ludwig-van-le-mythe-beethoven

 

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