D’importantes reliques de saint Jean Baptiste furent acquises par le roi saint Louis en 1241, mais un chanoine croisé, Vallon de Sardon, avait déjà fait don de la tête de saint Jean Baptiste à la cathédrale d’Amiens en 1206, à son retour de Constantinople.
L’Evangile selon Marc et le contexte de la découverte de la tête de saint Jean Baptiste lors du pillage de Constantinople en 1204 expliquent la forme bien particulière des reliquaires dédiés à saint Jean Baptiste.
Selon l’Evangile de Marc, Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et de Pérée courtisant la fille de l’épouse de son demi-frère, lui propose de lui apporter ce qu’elle lui demandera. Cette fille, que certains auteurs assimilent à Salomé, demande la tête de Jean Baptiste sur un plateau pour sa mère, Jean Baptiste est à ce moment enfermé par Hérode qui craint son emprise sur le peuple et la substitution de l’immersion baptismale aux sacrifices. Nous pouvons situer la mort de Jean Baptiste vers 28-29.
Certains artistes, tels que Caravage, choisissent de représenter le moment précis de la décollation de saint Jean Baptiste, ou encore Salomé présentant la tête de saint Jean Baptiste sur un plateau.
La découverte de la tête de saint Jean Baptiste par Vallon de Sardon en 1204 est, elle aussi, importante dans la constitution de ce type de reliquaire, puisqu’il aurait découvert la tête de Jean Baptiste enchassée dans une cloche de verre sur un plateau d’argent, ce reliquaire pourrait avoir subsisté à Amiens jusqu’à la création d’un nouveau reliquaire sur ordre de Louis XI en 1479, qui sera détruit à la Révolution et remplacé par l’actuel, œuvre de Placide Poussielgue-Rusand au XIXème siècle.
Il semblerait que ce type de représentation de tête de saint Jean Baptiste (reliquaire ou non) connut un certain succès au nord des Alpes à partir du XIIIème siècle et notamment aux Pays-Bas bourguignons puis espagnols. Nous pouvons citer la très belle tête de saint Jean Baptiste réalisée en bois peint par Jan van Steffeswert en 1508.
Par ailleurs, la particularité de notre reliquaire est d’être présenté par quatre anges, nous retrouvons plusieurs reliquaires présentés par des anges au Moyen-âge, par exemple celui provenant d’Anne de Bretagne, au Louvre.
Le reliquaire provenant de l’église de Jaucourt dans l’Aube, daté du XIVème siècle, présente deux anges drapés de dalmatiques agenouillés, supportant le reliquaire. Ce reliquaire conservé au Louvre est caractéristique des productions artistiques issues du mécénat des ducs de Bourgogne au XIVème siècle en Bourgogne et en Flandre. Les anges de notre reliquaire ont une allure médiévale proche de ceux de Jaucourt, il peut donc s’agir d’un remploi ou d’une persistance stylistique médiévale au XVIIème siècle. Ces deux hypothèses paraissent plausibles, Gand étant sous domination des ducs de Bourgogne de 1384 à 1482.
Notre reliquaire prend donc la forme couramment adoptée par les reliquaires et représentation de tête de saint Jean Baptiste particulièrement en Flandre en y ajoutant des anges hérités du Moyen-âge qui donnent à cette grave figuration de la tête apaisée du martyr une légèreté divine.
Guillaume Denniel
Référence :
Benoît Van den Bossche, « Le chef de saint Jean Baptiste sur un plat », Jan van Steffeswert, 1508, compagnie de la Charité, Liège, Université de Liège.