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Un trésor hors les murs : prêts et dépôts d’œuvres d’art

Comment faire vivre un trésor fermé au public ? Comment présenter ses collections ? La solution se trouve en partie dans les prêts et dépôts d’œuvres d’art.
Publié le 23 novembre 2018
Écrit par Chloé Baverel

Coffret eucharistique © CLAP 35

En 1965, le diocèse avait déjà été sollicité pour prêter des œuvres pour la célèbre exposition « les Trésors des églises de France » au Musée des Arts décoratifs à Paris. Quatre œuvres appartenant aujourd’hui au trésor de la cathédrale y ont été présentées : la Mitre de Charles de Neuchâtel (présentée sur ce blog il y a un an), un coffret eucharistique de l’an mille, la croix de procession dite de Thiébaud de Rougemont (déposé au trésor de la cathédrale en 2014 par une commune de notre diocèse), un ostensoir des sœurs de la Visitation d’Ornans.

D’autres prêts anciens ont bien sûr eu lieu mais j’aimerais aborder ici les prêts et dépôts liés au regain d’intérêt pour le trésor de notre cathédrale ces dernières années. La majorité de ces déplacements tient à ce que nos partenaires – DRAC, CMN, Musées de Besançon, CAOA de Franche-Comté, historiens et historiens d’art – connaissant le trésor et ses collections en ont fait la promotion lors qu’ils ont été sollicités pour des projets d’exposition.

   

Croix de procession dite de Thiébaud de Rougemont © PIERRE GUENAT

En 2014, le pays du Revermont dans le Jura – autour des villes d’Arbois, Poligny et Salins-les-Bains – labellisé Ville et Pays d’art et d’histoire, organisait une exposition baptisée Splendeurs baroques en pays du Revermont. Ce petit territoire correspond en fait à ce que géographes et historiens appellent Vignoble : la partie nord du Revermont géographique. L’exposition voulait adjoindre à la tradition du vignoble une autre facette du Revermont, moins connue : ses villages et villes abritent les témoignages de l’art « post-tridentin » qui fit de l’image et de la statuaire les outils d’une séduisante scénographie, orchestrée par les acteurs du concile de Trente. L’un des aspects les plus instructifs de cette exposition était de proposer un parcours transversal qui offrait au regard du visiteur une typologie diversifiée d’objets ayant tous en commun d’appartenir au faste du Baroque.

Antependium en paille brodée (détail) © Pierre Guenat

Grâce à l’implication du conservateur des Monuments historiques en charge de la cathédrale à l’époque, M. Emmanuel Buselin, une œuvre du trésor a été choisie pour cette exposition. Il s’agit d’un antependium, ou devant d’autel, fait de soie brodée de paille. Cet artisanat de broderie de paille sur soie est extrêmement rare dans les ornements religieux. En France, on ne le trouve qu’en Franche-Comté, avec un corpus conséquent d’une vingtaine de pièces. D’autres exemples se trouvent néanmoins à Gênes, en Suisse ou encore en Pologne. Cette production locale est le résultat du travail des sœurs de deux ordres nouveaux : les Annonciades Célestes, dont le couvent de Nozeroy fut probablement l’atelier le plus actif au vu de la dizaine de pièces conservées, et les Visitandines, qui possédaient un couvent à Besançon et à Salins-les-Bains. Il existe sept modes de fabrication des liages qui décrivent un décor foisonnant autour d’un médaillon central brodé à l’aiguille représentant le temple du Saint-Esprit.

Christ en émail champlevé © PIERRE GUENAT

En 2016, le Centre des monuments nationaux donnait carte blanche à Gérard Traquandi, artiste peintre originaire de Marseille reconnu dans le monde entier, pour imaginer une exposition à l’abbaye de Montmajour (13). Baptisée « La règle et l’intuition », cette présentation regroupait quelques créations personnelles, des chefs-d’œuvre du Moyen Âge, et des travaux d’artistes modernes et contemporains chers au commissaire de l’exposition : Giovanni Anselmo, Jean-Pierre Bertrand, stanley brouwn, Helmut Federle, Hans Josephsohn, Hilma af Klint et Bernd Lohaus. Chaque œuvre entre en résonance avec l’abbaye qui lui sert d’écrin, grâce à l’attention portée pour la contextualisation. Le dialogue entre l’art le plus actuel et un patrimoine multiséculaire suscite une prise de conscience de la place de l’être humain dans l’espace et dans le temps. La salle du Trésor regroupaient les œuvres patrimoniales au nombre de trois : une tête d’ange sculptée, un chapiteau médiéval représentant le sacrifice d’Isaac et un Christ en émaux champlevés limousin.

Cette dernière œuvre provenait du Trésor de la Cathédrale de Besançon. Voici ce que Gérard Traquandi en disait : « Un homme ouvre ses bras. Sa couronne nous dit que c’est un roi, mais il est nu ou presque. L’impression de douceur qui en émane se retrouve partout dans cette figure. L’inclinaison de la tête, la légèreté du déhanchement, mais aussi la matière polie et les fines incrustations d’émail qui affleurent à la surface du perizonium. Cette discrétion, cette expression retenue me semblent réunir les qualités d’un art consolateur qui ne grimace pas, et qui questionne plus qu’il n’affirme. ». Ce Christ du XIVe siècle avait pu être prêté grâce au partenariat que le diocèse de Besançon entretient avec le Centre des monuments nationaux, et principalement son administrateur François-Xavier Verger, gestionnaire de l’horloge astronomique de la cathédrale et partie prenante dans la réflexion autour du futur trésor et de son ouverture au public.

Ostension du saint suaire brodée – prêt au musée de la cour d’or de metz en 2018 © PIERRE GUENAT

Actuellement se tient au Musée de la Cour d’Or à Metz, une exposition « Splendeurs du christianisme. Art et dévotions, de Liège à Turin (Xe-XVIIIe siècles) » jusqu’au 27 janvier 2019. Organisée en collaboration avec le Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire et son programme « LODOCAT », acronyme de « LOtharingie et DOrsale CATholique », portant sur la définition de l’originalité des formes de la création artistique issues du christianisme, pendant le Moyen Âge et l’époque moderne. Le projet d’exposition au Musée de la Cour d’Or reprend les orientations du programme universitaire à travers la scénographie, qui sera le reflet de trois grands axes thématiques : les principales dévotions, le rôle des grandes figures d’évêques et la commande civile. L’approche internationale que revêt le programme LODOCAT, a incité le Musée de la Cour d’Or à compléter l’exposition par de nombreuses demandes de prêts d’œuvres souvent inédites, en Lorraine, en Franche-Comté, à Lyon, dans l’Ain et en Savoie, et par des emprunts à plusieurs institutions culturelles de Liège, Namur, Aoste ou Turin. Maître de conférences à l’Université de Franche-Comté, Corinne Marchal, qui avait collaboré au volume 2 du catalogue « Cathédrale de Besançon, trésors cachés » nous a sollicités pour le prêt d’un objet de dévotion local très important : une ostension du Saint-Suaire brodée. Cette œuvre provient du legs de Michel Arnout (voir l’article sur le leg Arnout).

 

Enfin tout dernièrement, le Musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon a rouvert ses portes après quatre années de travaux. Considéré comme un des plus anciens musées publics de France, labellisé « Musée de France ». Il a été créé en 1694, soit près d’un siècle avant le musée du Louvre. Il est à noter que l’origine de ce musée est liée d’une certaine manière au diocèse de Besançon. En effet, l’abbé Jean-Baptiste Boisot avait légué ses collections aux bénédictins de la ville sous condition « qu’ils mettront le tout dans une salle qui sera ouverte deux fois la semaine à tous ceux qui voudront y entrer (…) afin que lesdits livres et médailles aussy bien que les bustes et peintures soient conservés pour toujours pour l’avantage des gens doctes ». Des dépôts anciens du diocèse ont continué d’enrichir la collection du Musée qui s’est largement étoffé de nombreux legs et dons depuis sa création.

Aujourd’hui, l’opportunité nous était donné de pouvoir compléter encore le parcours permanent avec le dépôt de deux peintures. L’une à caractère profane, présentant un Suicide de Lucrèce dit aussi Mort de Didon – les spécialistes ne sont pas d’accord sur le sujet – n’avait pas vocation à être présentée au Trésor de la cathédrale ni dans les collections diocésaines. D’un intérêt tout particulier pour l’histoire de l’art, des spécialistes se renvoient pour l’instant la question de l’attribution à un peintre de renom semble-t-il.

L’autre, représentant une Résurrection de Lazare, a été déposée provisoirement au Musée, car elle avait été largement étudiée par son conservateur, Yohan Rimaud. Il s’agirait d’une esquisse dont il a retrouvé le tableau final dans la collection Horvitz à Boston ; il a donc pu attribuer formellement notre esquisse à Jean-Baptiste Deshayes. Ces deux œuvres sont maintenant parfaitement intégrées dans la nouvelle présentation du musée et s’offrent à l’œil du visiteur plutôt que de rester confidentiellement enfermées au Trésor de la cathédrale.

Prêts et dépôts permettent au patrimoine bisontin de se faire connaitre hors des frontières de notre région.

Chloé Baverel

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