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A la découverte d’un instrument oublié : l’Harmonium

La Fédération Française de l'Harmonium nous présente l'histoire d'un instrument oublié l'Harmonium mais que nous pouvons toujours trouver dans certaines de nos églises. Il est donc à faire connaître et à protéger.
Publié le 14 octobre 2012

harmonium 1 bis.jpgOn imagine volontiers que l’harmonium fut, depuis toujours, un instrument de musique destiné à accompagner les offices religieux catholiques, protestants, voire d’autres religions. Ce qui n’est pas exact ! Cet instrument de musique est entré dans les lieux de cultes vers 1840 / 1845 : il fait partie des instruments à vent. Ce dernier étant produit par deux pompes actionnées par les pieds, alimentant un grand réservoir qui laissera ensuite à partir l’air dans les anches libres. Qui dit anche libre dit parenté étroite avec deux autres instruments utilisant ce système : l’harmonica et l’accordéon. Le principe de l’anche libre vient de Chine où elle était utilisée dans le Cheng.

 » Poïkilorgue » construit par Mutin Cavaillé Coll vers 1925, Eglise de CHILHAC (Haute-Loire)

Des tentatives eurent lieu fin XVIII ème, en Allemagne, mais on peut dire que le vrai démarrage de cette activité se situe vers 1830/1835, notamment avec les travaux d’Aristide Cavaillé-Coll, qui réalisera le « poïkilorgue», et de ceux de son confrère Grenier. A cette époque, les premiers instruments furent destinés à de riches bourgeois qui les plaçaient dans leurs salons à côté d’un piano à queue ou d’une harpe. Arrivera alors Alexandre Debain qui fut l’inventeur vers 1841 du mot « harmonium » (qui n’existait pas auparavant), et déposera un brevet en 1843. On peut penser aisément que Debain verra tout de suite le profit qu’il pourra retirer de la vente d’harmoniums aux diverses églises !

harmonium 2 bis.jpgEn effet, il y avait des orgues depuis le XVIème siècle dans les édifices religieux, en France (cathédrales, basiliques…), mais le prix de tels instruments rendait inaccessibles leurs acquisitions par de nombreuses églises. Ce fut ainsi que commença une extraordinaire « aventure industrielle » (comme l’écrit Michel Dieterlen dans sa thèse sur l’harmonium), qui lancera une production cessant après la seconde guerre mondiale vers les années 1965, les deux derniers fabricants ayant été Kasriel et Richard. Quand on pose la question : quels furent les instruments de musique les plus construits ? La personne interrogée répondra toujours : le piano , mais elle est incapable de dire qui fut le second en importance…. l’harmonium avec une production voisine de 170.000 instruments , l’orgue venant très loin derrière avec moins de 12.000 !

Harmonium avec colonnades style Louis XVIII : construit par STEIN, alors rue Cassette à Paris vers 1848 , un des deux plus anciens de Haute Savoie – Eglise de LE BIOT (74)

Si Debain fut le « grand initiateur » , il fut rejoint presque immédiatement par un autre « grand  » de l’harmonium, la maison Alexandre, installée comme son confrère en proche banlieue parisienne, ces deux manufactures employant 7 à 800 salariés et produisant environ 3.000 harmoniums par an. Viendront à la même époque ou par la suite, de nombreuses entreprises comme Fourneaux, Christophe et Etienne, Kasriel, Richard, Dumont & Lelièvre, Bildé, Dewingle, Petitqueux-Hillard, Meinverc, Couty-Liné-Klein, etc. Arrivera également sur le marché le facteur Mustel, considéré comme un des plus fameux, créant notamment le « mustel-célesta », instrument à deux claviers.

Si la grande majorité des harmoniums comportent un clavier et une moyenne de 2 à 4 ou 5 jeux 1/2, on trouve parfois de grands instruments à deux claviers , dont la maison Dumont & Lelièvre se fit une spécialité, mais aussi Alexandre Père et Fils, Mustel, et pour ne pas oublier les cas exceptionnels de grands harmoniums à 3 claviers, ces derniers ayant été construits par Mustel, et Petitqueux-Hillard. En fait seuls 4 d’entre eux ont été repérés à Paris et région parisienne et à Moscou !

Très grand Harmonium ( 3 m de haut ), fut construit par Charles Bildé en 1899 pour l’exposition universelle de 1900 où il obtiendra une médaille d’or Se trouve en l’église saint Hilaire à Saint Maur-la-Varenne

L’instrument « standard » de base , que l’on trouve dans toutes les églises et que nous connaissons tous, est parfois un harmonium « à haut buffet » , dont la décoration des plates-faces est garnie de tuyaux d’orgues en bois peint ou en métal, sans utilité pratique (ce sont des chanoines). De tels instruments hauts de 3 mètres et plus, pesant parfois près de 800 à 900 kg , sont de vrais chefs d’œuvre à protéger absolument. A ce jour, 3 d’entre eux sont inscrits à l’inventaire des monuments historiques, dans la Loire, en Savoie et en Corrèze.

 

Très bel Harmonium signé Alexandre (vers 1880 ), ( Haute-Loire)

La période faste de l’harmonium est celle du Second Empire , à cette époque on composera bien des œuvres pour harmonium, on peut dire que ces compositeurs ne furent pas des anonymes : César Franck, Bizet, Lefébure-Wély, Guilmant, Honegger, Berlioz, Boëllmann, Dvorak, Langlais, Litaize, Fleury, Vierne, etc… A ce jour, on recense des milliers de pages écrites pour harmonium. Qui osera en 2012 encore parler de « pompe à cantiques » ?

C’est après la première guerre mondiale que la plupart des manufactures disparurent, le marché étant saturé. Et après la seconde guerre mondiale, l’électronique chassera impitoyablement l’harmonium des églises celui qu’on appelle « l’orgue électronique », (terme impropre, puisque ne comportant pas de tuyaux). Ainsi un véritable instrument de musique, sera oublié dans l’indifférence générale. Ce patrimoine national et musical étant souvent envoyé dans des décharges, ou vendus pour quelques euros dans des brocantes et pour les plus beaux achetés par des collectionneurs étrangers.
 

Dieu soit loué ! Dès le début du XXIème siècle, des mélomanes-musiciens consternés devant ce désastre commencèrent à partir en croisade dans diverses régions (Ouest, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Région parisienne ), afin de sensibiliser les propriétaires de ces instruments : dans 80 % des cas, les communes pour les harmoniums réalisés de 1840 à 1905, et les paroisses pour ceux construits après la séparation des Eglises et de l’Etat . A ce jour l’harmonium à anches libres, créé il y a près de 200 ans, est en voie de « réanimation » : près de 50 de ces derniers sont désormais classés inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

Harmonium Américain construit par WEAVER ORGAN vers 1900, Eglise d’Annonay.

Dans certaines régions (Midi-Pyrénées, Bretagne, Aquitaine, Rhône- Alpes, Alsace), on peut estimer à plus de 300 harmoniums restaurés et inaugurés avec faste en présence des municipalités et du clergé ! S’il n’existe plus de facteurs d’harmoniums, bien des facteurs d’orgues, à l’heure actuelle restaurent ces instruments avec talent : le coût de ces opérations est minime, 3 000 à 5 000 euros en moyenne. Comme le disait récemment un maire d’une petite ville dans le Sud-Est : « on a bien réalisé un rond-point à l’entrée de notre cité, pour la modique somme de 400.000 €, que représente notre pauvre harmonium en comparaison ?! »

Bon à savoir : Si vous découvrez un harmonium avec des pédales occupant toute la largeur de la base de l’instrument, c’est qu’il est ancien, antérieur à 1870. Protégez-le, sauvez-le, il est historique.

Eglise de POEY D’OLORON ( 64 ), construit par Alexandre DEBAIN vers 1850 le plus ancien découvert dans l’évêché de Bayonne

La FFAH, (Fédération Française de l’Harmonium), répond aux questions qu’on veut bien lui poser, n’hésitez pas, l’harmonium n’est désormais plus en danger de mort. La FFAH a également un réseau de délégués régionaux, elle peut vous en communiquer la liste.


Jean Bernard Lemoine, Président de la FFAH (Fédération Française de l’Harmonium


Michel Chapuis, Président d’Honneur, Organiste de l’Eglise de Thônes (74,) organiste honoraire de la chapelle royale du Château de Versailles

Contact :
FFAH (Fédération Française de l’Harmonium)
2, chemin des Chapelaines
74940 Annecy le Vieux
Tel : 04 50 23 24 12
lemoinejb@wanadoo.fr

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