Il y a plusieurs manières de « lire » un buffet d’orgue.
= On peut en faire un décryptage technique : deux corps de tuyaux, Positif sur le devant de la tribune et Grand-Orgue dans le fond, dominant l’ensemble, comme les solistes se placent au-devant de l’orchestre. Vaste soubassement qui abrite la mécanique et les transmissions.
= On peut aussi en faire une lecture esthétique : ce somptueux buffet a été construit et sculpté par une famille audomaroise de menuisiers et de sculpteurs : les Piette. Il a été décoré par le peintre doreur François Elbo.
Ce buffet date des années 1717/1720. On y trouve tous les éléments décoratifs de cette époque : colonnes, consoles, entablements, statues…
= On peut enfin en faire une lecture spirituelle, c’est elle qui nous intéresse principalement.
Un buffet symbolique
Même quand l’orgue est muet, ce qui est le cas la plupart du temps, il est pour nous enseignement : il est le signe visible des chants de l’assemblée locale qui se réunit pour la liturgie. Mais, dans le cas de Saint-Omer, il est beaucoup plus que cela.
Il faut considérer l’ensemble tribune/orgue pour saisir la richesse de cette architecture. C’est dans un mouvement ascendant des yeux que cette sculpture révèle sa pleine signification. Nous ferons ce mouvement en trois étapes.
1° La tribune est soutenue par douze colonnes corinthiennes cannelées devant lesquelles sont placées les statues de saint Pierre à gauche et saint Paul à droite.
2° A l’étage suivant trônent à gauche la statue de la Foi qui présente une croix, à droite l’Espérance solidement arrimée à une ancre de marine. C’est à nous de lire dans les angelots musiciens qui couronnent au centre le Positif, la Charité qu’il nous appartient, en effet, d’exercer.
3° Le sommet de cette vaste architecture est couronné par deux magnifiques statues qui dominent l’ensemble au-dessus des tourelles d’extrémité : le roi David à gauche effleure les cordes de sa harpe, sainte Cécile touche les claviers de son orgue portatif à droite.
Le sens spirituel de cet ensemble s’impose. Chanter la louange du Seigneur est un aboutissement, l’expression transfigurée par l’art du cheminement de toute vie chrétienne : La Foi, transmise pas les Apôtres (les douze colonnes) et principalement Saint-Pierre qui a reçu la mission du Pasteur et Saint-Paul qui nous révèle la force de la Parole de Dieu, nous donne le sens de toute vie.
La Foi et l’Espérance sont notre nourriture, liées à l’exercice de la Charité. C’est le passage nécessaire par ce deuxième étage du buffet qui nous permet d’accéder au sommet ; celui de la louange.
Chanter la gloire du Seigneur n’a pas de sens en soi si le chant n’est pas enraciné dans la Parole de Dieu et rempli des vertus cardinales. Le Concile Vatican II ne dit-il pas de la liturgie : « La liturgie est le sommet vers lequel tend l’action de l’Eglise et en même temps la source d’où découle toute sa vertu » (SC 10) ?
Emmanuel Bellanger