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La restauration des peintures de la cathédrale d’Angers

Depuis 2015, les restaurateurs s'activent derrière le coffrage de bois dissimulant le portail sculpté de la cathédrale Saint-Maurice d'Angers. Celui-ci a la particularité d’être orné de peintures datant d'époques diverses, depuis l'âge roman jusqu'à l'époque moderne. Polychromie qu'il était urgent de préserver afin de maintenir l'unité patrimoniale du monument.
Publié le 12 février 2018

Saint-Maurice d’Angers, façade occidentale © Wikimedia Commons / Romainberth

La cathédrale Saint-Maurice d’Angers dispose d’un unique portail occidental sculpté représentant différents personnages bibliques : les rois et reines de l’Ancien Testament sur les piédroits, un Christ en gloire entouré du Tétramorphe sur le tympan et les vieillards de l’Apocalypse ainsi que des anges sur les quatre voussures. En 2009, le badigeon qui recouvre ces sculptures depuis le XVIIIe siècle est supprimé ; cette opération fait apparaître des vestiges de polychromies datant d’époques différentes. L’année suivante, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire forme un comité scientifique complet, constitué de conservateurs, de restaurateurs, d’architectes et d’historiens, qui mène une large étude autour de ces peintures, afin d’en déterminer l’histoire et de leur offrir une protection durable.

SAINT-MAURICE D’ANGERS, PORTAIL OCCIDENTAL © WIKIMEDIA COMMONS / M.Strīķis

Des peintures de différentes époques

Cette étude a démontré que les plus anciennes peintures datent du début de l’édification du bâtiment, au XIIe siècle. Les couleurs utilisées pour cette première réalisation sont principalement le bleu, le jaune doré ainsi que le noir et le rouge. Elles sont appliquées sur les fonds et les vêtements des personnages, par-dessus une couche préparatoire faite de blanc de plomb. Le rouge est issu du vermillon et parfois recouvert d’une laque protectrice ; le bleu provient du lapis-lazuli ; le noir a quant à lui été créé à partir de charbon de bois broyé. Le jaune doré, enfin, est fait à base de feuille d’or, et est présent sur les chevelures et les ailes des anges, mais également sur les couronnes et les auréoles des vieillards. Ces dorures, ainsi que le lapis-lazuli, prouvent d’une part la richesse du commanditaire et le prestige de la réalisation, ainsi que la maîtrise technique des créateurs du portail à l’époque médiévale.

En 1617, la foudre s’abat sur la cathédrale, endommageant une partie des sculptures du portail ; quelques années plus tard au cours des années 1630, les peintures les plus récentes ont ainsi été réalisées. Des analyses ont permis de découvrir que les couleurs avaient été modifiées par rapport à leur état médiéval initial, donnant une part plus importante à l’utilisation du rouge ; par ailleurs, la couche préparatoire, jadis blanche à l’époque médiévale, est désormais ocre au cours du XVIIe siècle.

Détail des voussures © Sarah Gouin-Béduneau

 

     

Schémas de restitution des peintures sur le portail au XIIe siècle (à gauche) et au XVIIe siècle (à droite) © Service d’Angers Ville d’Art et d’Histoire.

Ainsi, au total, 68% des sculptures du portail sont recouvertes soit de peinture, soit de couches de préparation. La richesse de ces couleurs, qui ont traversé les époques jusqu’à nos jours, font de la cathédrale Saint-Maurice un des rares témoignages de la polychromie des édifices cultuels médiévaux.

Un chantier de restauration complexe

La restauration de ce portail sculpté n’est pas une tâche aisée : les sculptures du tympan, des voussures et des piédroits reposent sur des tiges métalliques mises en place au XIXème siècle  par le sculpteur Antoine Laurent Dantan. Elles assurent leur stabilité, mais risquent de s’oxyder au contact de l’air, et donc de faire éclater les sculptures. Comment, alors, retirer ou restaurer ces métaux, dont certains sont abîmés, sans endommager les figures ? Une problématique complexe à laquelle les restaurateurs réfléchissent depuis plus d’un an.

détail du tympan © SARAH GOUIN-BÉDUNEAU

Pour mieux connaître l’environnement autour de la cathédrale et ses éventuels effets néfastes sur les peintures du portail, le comité met en place en 2015 une étude climatique globale. L’objectif est ici de mesurer la température ambiante, le taux d’humidité et la puissance des vents, afin d’adapter les traitements en conséquence. En parallèle, il est décidé, pour recréer la galerie qui protégeait le portail jusqu’en 1807, d’offrir à celui-ci un coffrage de bois le temps de la restauration et de la stabilisation de l’état des peintures.

Détail d’un repeint du XVIIe siècle (fond bleu derrière l’ange) © SARAH GOUIN-BÉDUNEAU

Cette galerie originelle mesurait vingt-cinq mètres de longueur sur huit mètres de profondeur et servait tour à tour d’espace de circulation, de lieu d’inhumation, de chapelle ou de trésor. Elle permettait d’épargner les sculptures de la pluie, du vent et du ruissellement, qui pouvait causer une dégradation des sculptures peintes. Le badigeon du XVIIIe siècle, ainsi que l’encrassement de l’ensemble, contribuèrent également à préserver les peintures médiévales.

L’enjeu est donc aujourd’hui de parvenir à des conclusions scientifiques fiables en vue de fournir aux peintures du portail de la cathédrale Saint-Maurice une protection sur le long terme. L’objectif principal est également de prendre en compte les peintures et restaurations de toutes les époques, en particulier celles du XIXe siècle. Ces actions sont menées dans le strict respect des préconisations de la charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et sites de Venise de 1964, notamment celles de l’Article 11 : « les apports de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés ».

Sarah Gouin-Béduneau, étudiante en histoire de l’art

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