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L’église Saint-Louis de Vincennes : Le renouveau de l’art chrétien au début du XXe siècle

Située aux confins de Paris, l’église Saint-Louis de Vincennes échappe facilement aux regards. Construite entre 1914 et 1924 par deux jeunes architectes, Jacques Droz et Joseph Marrast, elle est pourtant considérée comme un témoignage remarquable du renouveau de l’art sacré. Son classement par les Monuments historiques, l’installation récente d’un orgue néoclassique dédié aux œuvres de l’école française du XXe siècle, et le lancement d’un important programme de restauration, méritent que les amateurs de l’époque Art déco la découvrent ou la redécouvrent.
Publié le 30 septembre 2019

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La nef de l’église Saint-Louis de Vincennes avec la vue sur le nouvel orgue © Du Bourg

Un peu d’histoire…

La construction de Saint-Louis de Vincennes, sur des plans conçus en 1912, débuta en 1914, et ne fut terminée qu’après la guerre. Ses concepteurs, Jacques Droz et Joseph Marrast, surent utiliser au mieux un terrain irrégulier, proposer un parti architectural à la fois audacieux et innovant, et maîtriser jusque dans le moindre détail le programme décoratif. Ces caractéristiques expliquent la décision de l’État de classer, au titre des Monuments historiques, dans sa totalité l’édifice, rendant ainsi hommage à un témoignage remarquable du nouvel art sacré au début du XXe siècle. L’église Saint-Louis est également, en sus de ses qualités artistiques, une œuvre de foi, construite et décorée par des artistes qui y affirment leurs convictions chrétiennes.

Un programme décoratif maîtrisé, unifié et rénovateur

Fidèles aux leçons de l’éclectisme (tendance architecturale des années 1860 à la fin des années 1920), qui considère l’architecte comme seul maître d’œuvre, Droz et Marrast ont voulu maîtriser jusque dans les plus petits détails le décor, l’ameublement et l’équipement de l’église. Le fonds Marrast, de l’Institut français d’architecture, rassemble des dessins détaillés des motifs décoratifs des frises et rinceaux, du dallage, des lustres, des bancs et confessionnaux, du mobilier liturgique, des menuiseries, des lustres et des ferronneries.
Et cette attention au moindre détail a permis de conférer à l’ensemble décoratif une unité exceptionnelle, que Marrast – resté par ailleurs architecte de la paroisse jusqu’en 1971 – a pu ainsi garantir, non sans avoir à défendre son projet contre les initiatives plus ou moins heureuses émanant de certains artistes, ou de membres du clergé.
Pour mener à bien leur programme décoratif, les architectes font appel à deux peintres, Maurice Denis et Henri Marret, deux sculpteurs, Carlo Sarrabezolles et Armand Boutrolle, un céramiste, Maurice Dhomme et un ferronnier, Raymond Subes.

Située à une encablure du boulevard périphérique, aux confins de Paris, Vincennes, Saint-Mandé et Montreuil, l’église Saint-Louis de Vincennes est enfouie au milieu des immeubles environnants et échappe facilement aux regards. Construite entre 1914 et 1924 par deux jeunes architectes, Jacques Droz et Joseph Marrast, elle est considérée comme un témoignage remarquable du renouveau de l’art sacré. Son classement par les Monuments historiques, l’installation récente d’un orgue néoclassique dédié aux œuvres de l’école française du XXe siècle, et le lancement d’un important programme de restauration, méritent que les amateurs de l’époque Art déco la découvrent ou la redécouvrent.

Maurice Denis, « Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde », fresque, 1923, Saint-Louis de Vincennes © Guillaume 2016

Les Béatitudes de Maurice Denis

Source biblique : « Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Matthieu 5,7)
Maurice Denis, théoricien de l’art sacré et apôtre de son renouveau, est revenu à un certain classicisme, après avoir été un des fondateurs du mouvement des Nabis. À Saint-Louis, il peint en 1923 les huit fresques des Béatitudes aux écoinçons des grands arcs. Il y reviendra en 1927 pour peindre sur la grande paroi du chœur la Glorification de saint Louis où il célèbre le siècle du roi Louis IX, ses réalisations et ses grands hommes. Pour chacune des huit Béatitudes de l’évangile de Matthieu, Denis met en scène, sur un nuage, un ange et des personnages, et utilise une palette de teintes subtiles qui marient le rose, le bleu pastel, le brun et le mauve, teintes qui font écho aux céramiques de Dhomme et aux couleurs des verrières. 
Ici, il a représenté, comme témoignage de la miséricorde divine, la parabole du fils prodigue, que son père, soutenu et encouragé par l’ange, accueille dans ses bras. Le peintre a donné au père les traits de son propre père, avec lequel il entretenait une relation difficile. On remarquera le cercle ébauché par les bras de l’ange, poursuivi par celui du père, centré sur le cœur de ce dernier, et qui se referme sur la tête du fils agenouillé. Image forte d’une miséricorde qui répare les liens distendus par la vie et les malentendus.

Henri Marret, Chemin de Croix, 7e station, Saint-Louis de Vincennes © GUILLAUME 2016

Chemin de Croix d’Henri Marret, 7e station : Jésus tombe pour la deuxième fois

Source biblique : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin » (Jean 13,1b)

Le deuxième peintre de l’église est Henri Marret, élève de Paul Baudoin, et avec lui rénovateur en France de l’art de la fresque. Marret est à Saint-Louis l’auteur des fresques du portail, des évangélistes de la lanterne, du Christ Pantocrator de l’arc qui ouvre sur le chœur et du baptême du Christ dans le baptistère.
Mais son œuvre la plus remarquable reste le Chemin de Croix qui, sur les parois de la nef, décrit le cheminement du Christ vers la mort : de dimensions peu usuelles (2,2 x 2,2 m), chaque station montre la progression, à la fois dramatique et intériorisée, vers le sacrifice du Fils de Dieu.
Chargé de sa croix, le Christ monte vers le Golgotha. Pour la deuxième fois, il trébuche et tombe. Marret le montre au premier plan, seul, abandonné dans un décor minéral et aride. Au deuxième plan, une série de visages figés et grimaçants regardent la scène sans intervenir. On lit dans leurs regards la haine, la joie malsaine devant le supplicié, la dérision, l’indifférence, et parfois, peut-être, la pitié. Et pourtant, qu’ils soient animés par l’un ou l’autre de ces sentiments, qu’ils soient courageux ou lâches, ils sont tous « les siens qui étaient dans le monde », et ils sont ceux que le Christ aima « eis telos », c’est-à-dire « jusqu’à la fin », ou « sans fin ».

Maurice Dhomme, Chaire à prêcher en céramique © GUILLAUME 2016

Les céramiques de Maurice Dhomme

Droz et Marrast font appel, pour décorer l’église, à deux artistes qui font revivre des techniques artistiques tombées en désuétude :
La ferronnerie, à nouveau élaborée au feu de la forge, par la main de Raymond Subes, auteur à Saint-Louis des portes des tabernacles, des grilles et du mobilier liturgique.
Et la céramique de Maurice Dhomme, qui crée dans l’église un ensemble exceptionnel où, sur un fond bleu de roi, se déclinent le rose, le vert d’eau, et le mauve de l’autel, de la chaire avec son abat-voix, des stalles et du décor du chœur, ainsi que des statues de saints.
La plupart de ces artistes étaient des chrétiens convaincus et membres de l’une ou l’autre des sociétés d’artistes créées à cette époque au service du renouveau de l’art sacré. Si les Ateliers d’art sacré, institués en 1919 par Maurice Denis et George Desvallières, ne sont pas intervenus à Saint-Louis en tant que tels, certains de leurs membres ont prêté la main à Maurice Denis pour les Béatitudes ou la Glorification de saint Louis.

L’actualité de l’édifice

Dès sa consécration en 1924, l’église Saint-Louis de Vincennes connut un grand succès auprès du public et de nombreux critiques d’art. Le concept architectural adopté par Droz et Marrast fut repris ensuite par certains de leurs confrères. Peu à peu tombée dans l’oubli face aux églises construites après la Seconde Guerre mondiale, elle retrouve ses lettres de noblesse grâce à son classement en 1996 aux Monuments historiques.
La renaissance de l’église Saint-Louis se traduit aujourd’hui par la programmation de concerts mettant en valeur l’orgue nouvellement construit par Denis Lacorre sous l’égide de l’Amivale (Association pour la mise en valeur de l’église Saint-Louis), et par le lancement d’un ambitieux programme de restauration, confié à Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques. Ce programme bénéficie de l’attention bienveillante et du soutien financier de la DRAC Ile-de-France, comme des Chantiers du Cardinal. Le diocèse de Créteil, maître d’ouvrage de cette église construite après la loi de 1905, a ouvert auprès de la Fondation du Patrimoine une souscription et recherche des mécènes pour le financement de ces travaux. En outre, Saint-Louis de Vincennes ouvre ses portes, depuis plusieurs années, à la manifestation La Nuit des églises.

Le style architectural : une des premières utilisations du béton armé

Droz et Marrast optent pour une église de plan carré et choisissent intelligemment d’accoter ce carré sur le côté oblique d’un terrain de forme trapézoïdale. Les architectes font porter l’ensemble de la structure, y compris la lanterne hexagonale qui la surmonte, par deux paires d’arcs se coupant à angle droit. Les possibilités ouvertes par le béton armé – dont c’est en France l’une des premières utilisations – permettent de dégager un espace en forme de croix grecque, sans qu’aucun pilier ne s’interpose aux regards des fidèles. Ici, les grands arcs portent l’ensemble de la structure, mais, contrairement à l’église Notre-Dame du Raincy, qui est sa contemporaine (1922-1923), le béton n’apparaît pas. En effet les murs extérieurs sont en meulière, avec des parements en brique, et les parois intérieures sont intégralement revêtues de crépis et de décors. L’influence byzantine ou syrienne de l’ensemble est marquée.
Dans ce plan carré et centré, Droz et Marrast avaient, dans un premier temps, proposé d’installer un autel centré, où la messe aurait été célébrée au foyer, au cœur, de l’assemblée paroissiale. Ils ont ensuite opté pour un autel plus classiquement adossé à l’abside, mais une aquarelle de Joseph Marrast témoigne de ce premier projet.
Autre innovation : l’éclairage naturel est apporté, non par des vitraux – généralement onéreux – mais par le recours à des verrières composées d’éléments verriers teintés et coulés dans le ciment armé.

Paul Guillaumat
vice-président de l’Association pour la Mise en Valeur de l’église Saint-Louis (AMIVALE)

Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établie entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 229 – juin 2019. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015.Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.

BIBLIOGRAPHIE

Paul Guillaumat et Claude de Martel, Il était une Foi, l’église Saint-Louis de Vincennes, 2014, 287 pages.
Paul Guillaumat, L’église Saint-Louis de Vincennes, Amivale 2018, 24 pages

(Ouvrages disponibles à l’accueil de la paroisse Saint-Louis de Vincennes).

Informations pratiques

Église Saint-Louis de Vincennes
22, rue Faÿs – 94300 Vincennes

Site de l’association pour la mise en valeur de l’église (Amivale) : www.stlouisvincennes.fr

Pour en savoir plus sur le projet de souscription de la Fondation du Patrimoine et sur le don en ligne pour le financement des travaux à Saint-Louis de Vincennes :
www.fondation-patrimoine.org/les-projets/eglise-saint-louis-de-vincennes

Plus d’information sur St Louis de Vincennes et les Chantiers du Cardinal :

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