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Saint-Eustache, au cœur de Paris

Dans le cadre de notre partenariat avec la revue "Le Monde de la Bible", notre chronique intitulée "la Bible des pierres" vous amène à la découverte de l'église Saint-Eustache en plein cœur de Paris. Fondée au XIIIe siècle dans un quartier central en plein développement, elle devient la paroisse des marchands et des notables. Transformée par la suite, elle constitue depuis l'une des plus ambitieuses architectures religieuses du XVIe siècle en France : son élévation est gothique, les ornements sont Renaissance et la façade, de facture classique.
Publié le 20 juillet 2020

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L’église Saint-Eustache (flanc sud), à Paris, au cœur du quartier des Halles © Ferrante Ferranti

Un peu d’histoire…

Saint-Eustache est au cœur du quartier des Halles et embrasse toutes ses transformations depuis près de huit siècles.

C’est peu après la création du marché des Champeaux, à la fin du XIIe siècle, que fut fondée une petite chapelle dédiée à sainte Agnès, située à la pointe entre les rues Traînée et Montmartre. Elle fut bientôt érigée en paroisse, vers 1223, et devint l’église des marchands et des notables, de plus en plus nombreux lorsque Charles V vint résider au Louvre.

La restauration de St Eustache © D.R.

Au XIXe siècle, le quartier fut transformé par la création des halles de Baltard qui vinrent aligner leurs pavillons sur le flanc sud de l’église. Leur démolition dans les années 1970 et la création d’un jardin, de la gare et du centre commercial conduisirent au dégagement de l’église qui domine désormais l’ensemble et qui trône au-dessus de ce qui est devenu la nouvelle « croisée du Grand Paris », signalée depuis 2016 par la Canopée.

L’église fondée au XIIIe siècle ne pouvait suffire à contenir la population du quartier et à assurer le cadre des dévotions des confréries qui y siégeaient. Dès le XVe siècle, on agrandit l’église et en 1519, on envisage sa reconstruction. C’est toutefois en 1532 que celle-ci est lancée, avec la pose de la première pierre par le prévôt des  marchands, Jean de la Barre.

A g. : Clés de voûte; au centre : nef; à dr. : chapelles latérales © Ferrante Ferranti

Un projet ambitieux

Il s’agit d’un projet très ambitieux: bâtir la plus vaste église paroissiale de Paris, dans des proportions inusitées pour ce type d’édifice. Le chantier s’inscrit en effet dans la politique de François Ier qui souhaite résider davantage à Paris et marquer la capitale de son empreinte. Comme l’Hôtel de Ville et, un peu plus tard, le Louvre, c’est l’art de la Renaissance qui est choisi. Le maître d’œuvre, Jean de  la Barre, adopte une architecture associant construction de style Gothique et ornementation de style Renaissance, entièrement nouvelle dans un édifice religieux parisien. Le chantier est très long car il faut acquérir les terrains et  assurer le financement. À la fin du XVIe siècle, seuls les deux premiers niveaux du transept et de la nef sont édifiés. L’église est alors au cœur de la vie de cour, puisque Louis XIV y fit sa première communion en 1649. C’est grâce à la munificence de ses plus illustres paroissiens au XVIIe siècle comme Bullion, Séguier ou Colbert que  le chœur et les parties hautes sont bâtis jusqu’en 1640 et qu’une façade est entreprise. Laissée inachevée et présentant des problèmes de stabilité, cette partie de l’église fit l’objet de nombreux projets avant que l’on adopte, en 1754 un projet de Jules Hardouin-Mansard de Jouy, continué par Moreau et laissé inachevé, faute de tour sud.

Portail sud de St Eustache © Ferrante Ferranti

Le portail sud

Le portail sud de Saint-Eustache a été révélé par sa récente restauration. Sa structure dérive des modèles gothiques, réinterprétés dans le contexte d’une ornementation Renaissance. Pilastres, dais, voussures, corniches et chapiteaux constituent le répertoire fondamental de cet ensemble, traité de manière très libre, réalisé à une époque où la théorisation de l’art antiquisant est en train de s’opérer sans être encore dogmatique. De part et d’autre du portail, deux pilastres sont ainsi le support de deux niveaux de statues, inscrites dans des niches coiffées, au premier niveau, d’un fronton triangulaire, et au second, de dais formant la base des chapiteaux. Au-dessus des deux vantaux, le tympan est ajouré. La baie ainsi constituée est pourvue de remplages au dessin géométrique très original dont le tympan est occupé par des meneaux formant des hexagones. Dans les voussures et sur les piédroits, les dais prennent la forme de fascinantes architectures miniatures. On y trouve des personnages sculptés de petites dimensions, inscrits dans des structures témoignant de l’idéalisme de la Renaissance et de la virtuosité techniques de ceux qui les ont travaillées. Des traces d’épure sont encore visibles, montrant comment les sculpteurs passèrent du trait à la forme. La façade qui surmonte le portail possède deux roses, ainsi qu’un cadran solaire. Au sommet, les bois de cerf évoquent saint Eustache, qui, alors qu’il chassait, vit le Crucifix apparaître entre les deux bois d’un cerf, ce qui l’amena à se convertir au christianisme.

Le Tombeau de Colbert de Jean-Baptiste Tuby et Antoine Coysevox © Ferrante Ferranti

Le tombeau de Colbert

Le plus beau groupe sculpté visible à Saint-Eustache est le tombeau de Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, qui meurt en 1683. Sa veuve, Marie Charron, fait alors appel à deux sculpteurs travaillant pour le roi, Jean-Baptiste Tuby et Antoine Coysevox. Colbert est figuré à genou, portant le manteau de l’ordre du Saint-Esprit, au-dessus d’un sarcophage de marbre noir au décor rehaussé de dorures. Avant la Révolution, le tombeau était placé dans une des arcades de la chapelle de la Vierge, dans laquelle une statue d’ange tenant un livre ouvert faisait face au défunt. Deux vertus flanquent le tombeau. Celle de gauche est la fidélité, celle de droite est plus difficile à interpréter, car elle pourrait être tout autant une illustration de l’abondance matérielle que celle des fruits spirituels. Il s’agit, dans tous les cas, d’un des ensembles de sculpture funéraires les plus aboutis du grand siècle.

Le vitrail du chœur © Ferrante Ferranti

Le vitrail du chœur de Saint-Eustache

Les vitraux du chœur de Saint-Eustache constituent le chant du cygne de cet art à Paris au XVIIe siècle. Alors que la lumière directe est promue par tous les architectes, les marguilliers de la paroisse font le choix, en 1631, de commander au peintre verrier Antoine Soulignac des verrières pour les fenêtres hautes, où figurent de grands personnages. Au centre, le Christ, saint Eustache et sainte Agnès, patrons de l’église, entre saint Pierre et saint Paul. Dans les autres baies (ci-contre), on voit des apôtres. Chaque personnage est réalisé en grisaille sur du verre de couleur, suivant la technique traditionnelle du vitrail, alors souvent remplacée par celle de la peinture à l’émail. Les arrière-plans sont constitués de grandes architectures réalisées en grisaille, qui ouvrent l’église vers un arrière-plan en trompe-l’œil, tentative ultime à Paris de concilier classicisme et art de la peinture sur verre.

La Source

Un jour, étant à la chasse, il trouva un troupeau de cerfs et l’un d’eux se distinguait des autres par sa taille et sa beauté. Eustache, se séparant de ses compagnons, le poursuivit dans une vaste forêt. […] Regardant le cerf avec attention, il vit, au milieu de ses deux cornes, l’image de la sainte Croix qui brillait d’une splendeur supérieure à celle du soleil, et l’image de Jésus-Christ qui lui parla par la bouche du cerf, comme jadis l’ânesse de Balaam avait parlé, disant : « Ô Placide [nom d’Eustache avant son baptême], pourquoi me poursuis-tu ? C’est pour ton salut que je t’ai apparu sous la forme de cet animal. Je suis Jésus-Christ, que tu sers sans le connaître. Tes aumônes sont montées devant moi ; je suis venu pour te chasser toi-même, tandis que tu croyais chasser un cerf. »
« Vie de saint Eustache », La légende dorée, Jacques de Voragine, XIIIe siècle

Mathieu Lours
Historien de l’architecture

BIBLIOGRAPHIE

La grâce de Saint- Eustache, au cœur de Paris, la paroisse des Halles, éd. Place des Victoires, Paris, 2019, 312 p., 350 ill., 69 €

Informations pratiques

Saint-Eustache
146, rue Rambuteau 75001 Paris
Tél. : 01 42 36 31 05
Site internet de Saint-Eustache

Cet article a été rédigé dans le cadre du partenariat établie entre Narthex et la revue papier Le Monde de la Bible. Il a été publié dans le numéro 232 – mars-mai 2020. Cette revue trimestrielle a confié à Narthex le soin de nourrir la rubrique « La Bible des pierres » depuis décembre 2015. → Retrouvez tous les articles issus de cette collaboration.

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