Il le dit souvent, « Ma naissance est double. Je suis né à Rodez et je suis né aussi dans la peinture ». C’est dans les hauts plateaux de l’Aubrac que Pierre Soulages a connu ses premières révélations artistiques. Devant les statues-menhirs du Musée Fenaille ou encore devant la puissance esthétique de l’abbaye de Conques qu’il voit « comme une définition de la grâce au cœur de la compacité ».
C’est d’ailleurs autour des travaux préparatoires aux vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, réalisés par l’artiste entre 1989 et 1994, qu’a été imaginé le Musée Soulages. Lorsque Marc Censi, ancien maire de Rodez lui demande « Que faites-vous avec les cartons des vitraux de Conques ? », Soulages lui répond alors : «Rien, si vous les voulez, prenez-les ! ». Cet ensemble a ainsi constitué le noyau du futur musée, tant dans la conception muséographique que dans le choix architectural. Les cartons des vitraux viennent aujourd’hui clôturer la visite, présentés dans une des plus belles salles du musée, haute et étroite comme une nef romane, et s’accompagne d’une vitrine expliquant le travail particulier que l’artiste a mené sur le verre.
Pierre et Colette Soulages © V. Cunillère
Ces documents font partie des deux donations d’exception que Pierre Soulages et Colette, son épouse, ont accordées à la Communauté d’Agglomération du Grand Rodez. Ces donations, – dont la totalité de son œuvre imprimée (49 eaux-fortes, 41 lithographies et 26 sérigraphies) -, ont encouragé la construction de ce nouveau musée au cœur de la ville.
Les architectes catalans de l’agence « RCR Arquitectes » qui ont remporté le concours, ont créé un « musée-paysage » posé dans l’axe de la cathédrale de Rodez. Le musée conçu de plain-pied est recouvert d’acier Corten, un acier qui rouille et que la rouille protège. « C’est une couleur qui s’associe parfaitement avec celle de la cathédrale. Et aussi aux Brous de noix que j’ai faits à la fin des années 1940 et qui sont exposés ici maintenant. Ce Musée Soulages m’a plu dès que je l’ai vu ».
Ce parti pris de métal se poursuit à l’intérieur des salles où certaines d’entre elles présentent également des cimaises en acier. Ce choix permet de ménager des espaces sombres propices à la présentation de l’importante collection de travaux sur papier. Les salles lumineuses des 2000 m2 qui se déploient sans cloison, sans cadre pour interrompre le regard, sont réservées aux toiles de grands formats, pièces significatives de l’ensemble des périodes de l’artiste. Pour la partie peinte, la première des donations comprenait 21 huiles sur toiles réalisées entre 1940 et 1970 ; complétée de la seconde : 14 peintures, dont un Outrenoir datant de 1986.
C’est en 1946 que Pierre Soulages plongea dans l’abstraction et les teintes sombres. L’Aveyronnais semble depuis toujours avoir été marqué par les déserts de sa région de naissance et la fumée du train : « Quand on m’offrait des couleurs, je préférais plonger mon pinceau dans l’encre noire. J’ai toujours été abstrait sans le savoir. Je dessinais des arbres sans feuilles. Une tante a raconté qu’étant petit, alors qu’on me demandait ce que je dessinais à l’encre noire, j’ai répondu : « de la neige ». Autour de moi tout le monde a ri…De la neige noire, vous pensez… »
Pierre Soulages n’a jamais été tenté par la figuration : « La tache agit sur votre sensibilité. Les formes peintes livrées à elles seules sont plus efficaces. » « L »abstraction pour moi, c’est la liberté. »
« L »abstraction pour moi, c’est la liberté. » P. Soulages
En 1979 se produit un tournant dans son expression « Je travaillais à une toile qui était ratée. Pourtant, je continuais encore et encore sans me l’expliquer. Je suis allé dormir et le lendemain j’ai compris : je travaillais non simplement le noir mais la lumière qui se reflétait sur le noir. Tout de suite, on a appelé ça « noir lumière. Moi, je préfère le mot d’outrenoir. Vous comprenez : c’est un champ mental. »
Depuis, Pierre Soulages réalise des toiles noires dans lesquelles il joue avec la matière de la teinte pour créer des reflets. « Le musée a été fait en fonction des œuvres qui devaient y figurer » se félicite l’artiste.
Le Musée Soulages a été conçu comme une plateforme de référence pour la découverte de la création moderne et contemporaine internationale. En effet, le peintre ne voulait pas d’un « musée-mausolée ». Sa condition pour accepter d’avoir un musée à son nom, était qu’une salle de 500 m2 puisse accueillir d’autres artistes dans le cadre d’expositions temporaires, afin de tisser des dialogues.
Une programmation de trois expositions par an, dont une grande en été, est réalisée chaque année. Le directeur du musée, Benoit Decron, a vu les choses plus largement puisqu’il a créé également un lien avec les deux autres musées du Grand Rodez : le musée Fenaille et le musée Denys-Puech.
Informations pratiques :
Découvrez en ce moment au musée Rodez l’exposition temporaire : Claude Lévêque « Le Bleu de l’œil » du 25 avril au 27 septembre 2015.
Retrouvez toutes les informations pratiques de cette exposition sur Narthex en suivant ce lien : Exposition Claude Lévêque.
A l’occasion de son premier anniversaire, le musée Soulages propose des moments de rencontres et un concert exceptionnel. Découvrez l’ensemble de la programmation ici.