Voir toutes les photos

Les vitraux d’Alfred Manessier à Locronan : une subtile expérience de la lumière

En ouverture d'une série d'articles consacrés à l’art contemporain du vitrail au sein de édifices religieux, voici la rencontre visuelle et expérimentale et les observations du P. Michel Brière au contact des remarquables vitraux de Manessier créés pour la chapelle de Bonne-Nouvelle à Locronan dans le Finistère.
Publié le 11 septembre 2020

Un parcours dans l’art contemporain du vitrail au sein de bâtiments religieux requiert une petite introduction. En rompant avec le réconfort que procure le riche patrimoine, la création contemporaine ne dispense pas d’en nourrir son regard. La transition de la modernité permettra de dilater la perception et de l’ouvrir davantage à la sensation. Ce sont, pour ma part, la fréquentation du travail d’Alfred Manessier et l’expérience initiatique de la chapelle des Dominicaines à Vence qui m’ont permis d’accueillir pleinement la force de quelques vitraux contemporains. Et de discerner les limites de beaucoup d’autres. Réalisés en 1950 par Alfred Manessier dans le Doubs, aux Bréseux, les tout premiers vitraux non figuratifs utilisaient toujours la technique traditionnelle du verre ancien serti de plomb, grâce au maître-verrier François Lorin de Chartres.

Vitraux de Manessier à la chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle, Locronan (Finistère) © D.R.

Surtout, je me souviens d’une visite estivale de Locronan où, un peu lassé par les flots de touristes, je me suis écarté du centre-ville à la recherche d’un peu de calme. J’ai ainsi découvert la chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle. Je suis entré. Quand j’entre pour la première fois dans une église, j’aime m’adosser au portail et quelques instants, embrasser du regard la totalité de l’édifice. Pour me laisser saisir par l’ensemble, ressentir l’espace, sans m’arrêter aux détails.

Là, j’ai cru percevoir une douce lumière. Elle semble baigner la chapelle tout entière. Si deux petits vitraux jouent en solo leurs notes plus acidulées, chaque grande verrière appartient bien à l’ensemble. Les courbes dessinées par les plombs se poursuivent de l’une à l’autre. En harmonie avec des jaunes pâles, un dégradé de bleus et de verts croît et décroit à partir du vitrail central. Pas de motif propre à chaque fenêtre. On perçoit « comme un manteau qui s’ouvre, un mouvement d’accueil qui vous tend les bras » a dit l’artiste lui-même le jour de l’inauguration.

En deçà de cette interprétation, il s’agit d’éprouver la lumière. Car, avant même d’évoquer ou de raconter quoi que ce soit, un vitrail vient colorer, poétiser, nuancer le temps qui passe et le temps qu’il fait. Ma présence recueillie peut ainsi se mêler aux grands cycles du cosmos ou de la liturgie. Il s’agit de ressentir bien avant de lire ou de comprendre.

On apprendra par la suite que la qualité des vitraux provient d’une rencontre de qualité. Entre un commanditaire, un maître verrier, un artiste et un bâtiment. En l’occurrence, le chanoine Maurice Dilasser, recteur de Locronan en 1985 et frère du peintre François Dilasser, l’atelier Lorin-Hermet-Juteau de Chartres, Alfred Manessier et une chapelle du 15e siècle, remaniée et agrandie aux 16e et 17e siècles. La qualité de perception du visiteur et du fidèle permet de prendre part à une telle rencontre.

+ Michel Brière

Contenus associés
Commentaires
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *