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Imi Knoebel, un flamboiement dans la cathédrale de Reims

Pour cette troisième publication de notre série d'articles consacrés à l’art contemporain du vitrail au sein de édifices religieux, voici les vitraux d'Imi Knoebel à la cathédrale de Reims sur lesquels le P. Michel Brière livre ses impressions, et son expérimentation visuelle et artistique.
Publié le 09 octobre 2020

Après deux pas d’élan dans le vitrail moderne à N-D de Bonne Nouvelle avec Manessier et à la chapelle du Rosaire avec Matisse, abordons l’art contemporain par la porte royale : les verrières signées Imi Knoebel dans la cathédrale de Reims.

En entrant, tout au bout de l’axe majeur, on devine une pâle lueur bleutée. On sait qu’il s’agit de l’œuvre de Chagall achevée en 1974. Par les bas-côtés apparait soudain une explosion de couleurs intenses : rouge et jaune et un bleu qui s’impose. A l’approche, on découvre des formes qui dansent librement. Ça flamboie !

Imi Knoebel, cathédrale de Reims, chapelle de gauche © D.R.

Pour son huitième centenaire, la cathédrale de Reims s’est vu offrir par l’Etat, son propriétaire, avec le soutien de nombreux mécènes, de nouveaux vitraux dans ses chapelles absidiales. Le ministère de la culture demande à Imi Knoebel de les réaliser pour les chapelles situées de part et d’autre de l’axe majeur. Quatre ans plus tard, en 2015, trois nouveaux vitraux, provenant du même artiste, sont offerts par l’Allemagne pour la chapelle Jeanne d’Arc.

Imi Knoebel, cathédrale de Reims, chapelle de gauche, détail du haut des verrières © D.R.

Cet ensemble m’apparait comme une grande réussite. Pourquoi ?

D’emblée ils contestent notre regard désormais formaté par les images rétroéclairées de nos écrans les plus familiers. Ici, pas de tableaux lumineux à déchiffrer mais une atmosphère colorée. L’intensité des couleurs irradie l’espace, particulièrement dans la luminosité matinale.

Imi Knoebel, cathédrale de Reims, chapelle de gauche, détail de la rose centrale © D.R.

En deçà, ils tiennent l’équilibre entre une joyeuse fantaisie et la rigueur requise par la solennité du lieu. Fantaisie des formes découpées librement et entrecroisées. Rigueur des couleurs fondamentales, rouge, jaune, bleu, traditionnelles, alliées à la transparence de morceaux incolores. Couleurs partiellement redonnées à quelques fragments de verrières médiévales par la campagne de restauration l’année suivante. L’artiste semble répondre à la question de Barnett Newman « Qui a peur du bleu, du jaune, du rouge ? » : « Ich nicht ! (Moi pas !) » (1)

Imi Knoebel, cathédrale de Reims, chapelle de droite © D.R.

Mais la distinction simpliste, fantaisie / rigueur, ne rend pas compte de la rigueur qui se glisse dans la fantaisie, ni de la fantaisie qui travaille la rigueur. Je m’explique : le rythme dominant des formes découpées traverse les cloisonnements de pierre, armatures de métal et barlotières, donnant l’impression d’un jet illimité de confettis polymorphes. Eh bien, il y a rigueur dans la fantaisie quand, par exemple, dans la chapelle de gauche, ces fragments colorés s’amenuisent pour encadrer les parcelles dessinées par l’architecture. Et il y a fantaisie dans la rigueur quand les couleurs fondamentales sont déclinées sur deux ou trois tons pour le rouge et le bleu. Seul le jaune cadmium, ni doré ni citron, revient, immuable.

De g. à dr. Imi Knoebel, cathédrale de Reims, verrières de droite dans la chapelle de droite; et détail d’un vitrail © D.R.

Enfin, on sait que le vitrail est constitué de morceaux de verre juxtaposés (dans la technique du montage au plomb) alors que le dessin suggère des morceaux superposés. Si, malgré tout, on s’attarde à regarder l’objet de verre au lieu de ce qu’il fait voir, l’infime profondeur donnée par cette illusion de superpositions trouble imperceptiblement le regard et accentue le dynamisme de l’ensemble.

Voilà. Ce sont les vitraux de l’artiste allemand Imi Knoebel (né en 1940), réalisés par les ateliers Marq de Reims et Duchemin pour la cathédrale huit fois centenaire. Des baies de trois fenêtres encadrant le vitrail axial. On aimerait parler d’écrin si le joyau scintillait au centre mais là, c’est l’écrin lui-même qui relève de la joaillerie.

Une œuvre somptueuse qui ré-enchante la solennelle cathédrale.

+ Michel Brière

(1) Titre d’une exposition personnelle de l’artiste au Deutsche Guggenheim de Berlin en 2009.

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