Les techniques nouvelles dont disposent les maîtres verriers contribuent grandement au vitrail contemporain. C’est une caractéristique des quelques réalisations qui suivent.
A l’entrée du Prieuré Saint-Cosme, connaissant le travail de Zao Wou-Ki, je craignais une simple transposition de son geste de calligraphe à la surface des verrières. Eh bien… c’est exactement ce qui a été réalisé.
Déçu ? Pas le moins du monde. Au contraire. Que s’est-il donc passé ? L’œuvre échappe à mes catégories et j’aime ça. Certes, le travail de la lumière naturelle n’est pas modifié par le verre parfaitement transparent. Ni par les tracés noirs parfaitement opaques.
Mais je remarque que ces signes et taches noires dansent comme suspendus dans la lumière. Contrepoint graphique à la douceur de la pierre, liberté musicale qui exalte l’architecture du réfectoire d’un bâtiment récemment restauré.
La technique du verre serti de plomb laisse place ici à un procédé innovant mis au point par l’éditeur Eric Linard : les dessins à l’encre de Chine créés par l’artiste pour accompagner des poèmes ont été sérigraphiés sur des films transparents et inclus à chaud entre deux plaques de verre. Ainsi aucune ligne ne vient perturber les signes. Pas d’autres réseau graphique que le graphisme du maître. Le course des nuages, l’oscillation d’une rare branche animent le jeu des formes et l’espace entre. Le vide vit. Ainsi libéré, les traces d’une main inspirée peuvent jouer leur petite musique de la pierre à la lumière. De la poésie contemporaine à celle de Ronsard, prince des poètes et prieur en ces lieux (1565).
Seules trois verrières accueillent des taches rouges. Celles de la tribune du lecteur, ornée « d’enluminures » sculptées. Le lieu où l’écriture animée par la voix devenait parole. Et Parole de Dieu.
Oui, les œuvres d’art échappent aux principes comme la grâce échappe aux lois.
Michel Brière
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1- Dominique de Villepin, Là-bas, 2006, 11 poèmes & 13 sérigraphies de Zao Wou-Ki, Ed. Villepin.
2- « En face du Plein, le Vide constitue une entité vivante. Ressort de toutes choses, il intervient à l’intérieur même du Plein en y insufflant les souffles vitaux. » François Cheng, Vide et plein, le langage pictural chinois, Points essais 224, Seuil, 1991, p.74.