La vivifiante simplicité des vitraux de Pierre Mabille à Saint-Maurille en Anjou

Pour cette cinquième publication de notre série d'articles consacrés à l’art contemporain du vitrail au sein de édifices religieux, voici les vitraux de Pierre Mabille dans l'église Saint-Maurille à Chalonnes-sur-Loire en Anjou, sur lesquels le P. Michel Brière livre son regard, ses impressions, son expérimentation visuelle et artistique.
Publié le 15 janvier 2021

Les vitraux de Pierre Mabille dans la nef de l’allée centrale de Saint-Maurille © Bernard Renoux 

Saint Maurille, Chalonnes-sur-Loire

Quittons le Prieuré Saint-Cosme et passons de Touraine en Anjou. Chalonnes-sur-Loire marque l’extrémité occidentale du Val de Loire récemment inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Située sur un promontoire le long du fleuve, son église, Saint-Maurille, n’offre guère d’attrait en façade.

Baies de LA NEF DE SAINT-MAURILLE

De l’extérieur, l’une des baies vitrées laisse transparaître le rythme régulier d’une forme géométrique très pure. Un unique motif, une forme aux dénominations multiples, voire infinies. Elle est devenue la signature de Pierre Mabille. (1) J’entre. A l’instar d’une géode, en revanche, son intérieur ravit. Autant le dessin attirait mon regard à la surface, autant la couleur exalte le volume.

Exaltation colorée de l’espace

En retrait au fond de l’église, je m’associe par la prière à la célébration d’obsèques. Le temps de goûter l’ambiance colorée que diffusent les vitraux, invisibles d’où je suis. Là où repose un défunt, les couleurs règnent. Elles chantent et se répondent. Chaudes et flamboyantes dans le chœur face au vert du portail ; à dominantes jaunes et bleus de chaque côté de la nef.

Les vitraux du choeur de Saint-Maurille par Pierre Mabille

Immédiatement, cette ambiance colorée transmet à la stable solidité de l’architecture, l’oscillation de reflets mouvants aux rythmes du soleil.  Ce chatoiement de lumières vivantes me saisit. Peut-être à l’image de nos ancêtres laissant leur terne quotidien pour leur cathédrale, comme pour la Ville sainte descendue d’auprès de Dieu. « Son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. » (Ap.21,10-11) Parfois l’art du vitrail relève de la joaillerie ! Cette expérience, loin de nous évader, élève. Elle ravive l’espérance. Loin de divertir, elle peut convertir.

La chair de la lumière

Au seuil de notre parcours dans l’art contemporain du vitrail, l’expérience de la chapelle du Rosaire a constitué une initiation. Couleurs et dessin s’y rencontraient par la magie d’un rayon de soleil. (2)  A Chalonnes comme à Vence, dessin et couleur jouent leurs partitions librement. La couleur ne remplit pas les formes et impose ses propres limites. Si le dessin ramène à la surface, in fine, l’irradiation des couleurs désigne son origine dans la matière. Le verre. Les choix et le traitement en reviennent au maître verrier, Gilles Rousvoal des ateliers Duchemin.

La qualité des panneaux de verre, leur texture, contribue à ce rayonnement. Leur surface comporte de nombreuses irrégularités et une grande variété de nuances. La froide perfection d’un verre industriel laisse place à une matière manufacturée, selon une technique ancestrale. Ainsi, de minuscules grains d’ombre et de clarté animent les pierres des murs et du sol. Ils donnent chair à l’impalpable lumière.

De la plaie à la mandorle

L’office terminé, l’ensemble vitré se laisse détailler. Dans le chœur on atteint le rouge, de feu et de sang. De pourpre et d’écarlate. De l’Esprit et du Sacrifice. Le vitrail de la baie axiale échelonne des nuances raffinées de dégradés qu’une étonnante raie verte et or vivifie. Dans la nef, chaque baie contient une quantité régulière de formes horizontales. Parfois leur rythme s’allège en s’élevant.

Baie de la façade de Saint-Maurille par Pierre Mabille

Seuls, les vitraux verts de la façade et du portail – avec son faux tympan en bois – comportent la version verticale de la forme. Horizontale, elle pouvait évoquer la plaie au côté du Crucifié, la voici mandorle du Christ en gloire.

Michel Brière

1 – Dans un premier temps on pense à la répétition des lignes verticales de Daniel Buren, des empreintes de pinceau de Niel Toroni ou, plus sûrement, des « gros haricots » de Claude Viallat, même si les démarches artistiques divergent.
2 – Bernard Renoux, photographe ( site web www.renoux-photo.com ) a su saisir ce jeu de lumières colorées au moment de l’inauguration en 2014. Cf. photo 1.

Ces vitraux sont une commande publique de Chalonnes-sur-Loire, menée en partenariat avec le ministère de la Culture (DRAC Pays de la Loire). Ils ont été réalisés par Pierre Mabille avec Gilles Rousvoal, maitre verrier aux Ateliers Duchemin (Paris) et inaugurés le 28 juin 2014. On trouvera des informations précises dans le document diffusé sur ARTE.

Et davantage encore dans le film réalisé par des étudiants des Beaux-arts de Nantes.

 

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