La « Sublime » passion de l’homme pour les tremblements du monde à Metz

C’est l’exposition de tous les superlatifs. Trop forte, extrêmement attirante, profondément bouleversante. La tourmente des éléments est explorée au Centre Pompidou Metz. Le déchaînement de la nature qui nous fascine tout autant qu’il nous révulse : qui n’a pas éprouvé ces sentiments ambivalents devant la mer déchaînée par la tempête ou le réveil d’un volcan ? 300 œuvres, films et documents, depuis Léonard de Vinci à Lars von Trier en passant par William Turner, interrogent la notion de « Sublime » jusqu’au 5 septembre 2016.
Publié le 04 juillet 2016

Joseph Mallord William Turner, Paysage marin avec tempête qui approche Huile sur toile, 1840 – 91,4 x 121,6 cm Londres Tate © Tate, London 2015

Le mot « Sublime » utilisé par le philosophe Edmund Burke cristallisait ce qu’il appelait la « passion mêlée de terreur et de surprise » pour les débordements du monde. La nature indomptable que Victor Hugo appelait « nature trop loin ». La nature idéalisée, que l’homme tente de maîtriser mais qui reprend ses droit ; celle irrémédiablement touchée par notre passage ; celle réenchantée par l’éveil des consciences ; celle avec qui on renoue par la poésie des interventions artistiques.

Susan Hiller, On the Edge, 2015. Cartes postales de mer déchaînée, carte, 482 vues de 219 sites, montées sur 15 panneaux. © Susan Hiller / Adagp, Paris, 2015.

Imaginer les pires lendemains possibles me procure de grandes joies sur le plan artistique. Les ténèbres du futur éclairent mon présent, et la prescience d’une fin à venir est garante de mon bonheur de vivre aujourd’hui. » Hiroshi Sugimoto, 2009

La scénographie s’ouvre sur une topographie des paysages terribles où se manifeste la peur mêlée de vertige : océans démontés, chutes d’eau, gouffres, altitudes extrêmes ou profondeurs abyssales. Les thèses de la fin du monde qui voient dans les monts et les côtes déchiquetées les vestiges du déluge sont représentées par Poussin ou Turner dans des scènes où le sublime est à son paroxysme. Au XVIIIe siècle, la genèse du monde, n’est plus de nature divine mais géologique ; on cherche à lire dans les origines de la terre le secret de la fin du monde. Sculptés par l’action des éléments, les curiosités et monuments naturels sont pour les explorateurs, scientifiques et artistes des monstruosités inspirantes.

Lars Von trier, Melancholia

La menace des éléments devient un objet de délectation aussi hypnotique que morbide. Car malgré les thèses scientifiques sur le début et la fin du monde, la croyance et le mythe continuent d’alimenter un imaginaire littéraire et artistique. Ce jeu de la terreur et de la délectation a engendré un riche répertoire d’images qui trouvent leur prolongement contemporain dans les différentes formes de création, performatives ou visuelles.

L’imagination créative ou la sensibilité artistique peuvent être l’un de nos moyens communs
élémentaires d’auto-régulation, qui pourrait nous aider à repérer et rejeter ce qui est toxique
dans nos vies. » György Kepes

 

 

 

 

 

 

 

Saverio Della Gatta, Éruption du Vésuve en 1794, 1794. Peinture à la gouache sur papier, 69 x 54 cm ©Muséum national d’Histoire naturelle, Paris – Direction des bibliothèques et de la documentation.

A partir des années 1970, des artistes commencent à documenter l’impact de l’activité industrielle sur la nature et la nouvelle prise de conscience : l’homme réalise qu’il est à l’origine de catastrophes « naturelles » qu’ils croyaient subir. La pollution les tsunamis ou les canicules sont à présent imputables à des causes connues dont les artistes rendent témoignage.

Agnes Denes, Wheatfield – A Confrontation : Battery Park Landfill, Downtown Manhattan (composite),1982. Type-C print, 76,2 x 101,6 cm.© Agnes Denes. Courtesy Leslie Tonkonow Artworks + Projects, New York.

Une confusion subsiste pourtant dans la contemplation impuissante de ces chamboulements climatiques et de leurs territoires traumatiques : trompeuse, leur beauté reste parfois séduisante… Naissent alors des alternatives concrètes pour tâcher de stopper les dégradations en cours, de conserver et de restaurer le patrimoine restant. Des artistes proches du land art investissent par exemple d’anciennes mines, tantôt pour les requalifier, tantôt pour les sanctuariser. Certains proposent des solutions de développement durable, de dépollution ou de reforestation, d’autres imaginent des moyens de survie. « La régulation environnementale à une échelle globale est maintenant nécessaire pour survivre.

Rosa Barba, Outwardly from Earth’s Centre, 2007, film 16 mm transféré sur vidéo ; 22 min., muet © Rosa Barba / VG Bild-Kunst © ADAGP, Paris, 2015.

Novalis, poète et philosophe exprimait au 18e siècle que « notre corps fait partie du monde. Mieux, il en est un membre à la fois autonome et analogue à l’univers. ». Au XIXe, la peinture de Caspar Friedrich reprend le motif du spectateur absorbé dans la contemplation de paysages grandioses. Après l’interventionnisme musclé du Land art américain, l’expérience de la nature se fait plus existentielle et subjective, l’osmose avec la nature se fait avec humilité et ascèse comme dans le discret Land art anglais. Médiateurs ou conciliateurs, certains artistes réparent, soignent et pansent la terre, avec humour parfois. Réanchanter la nature consisterait moins à la dissocier de soi qu’à s’y identifier et s’y fondre.

Ana Mendieta, Silueta Works in Mexico, 1974-1977 (impression de l’Estate 1991).Suite de 12 photographies couleurs de l’Estate, 40,6 x 50,8 cm.
© The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC Courtesy Galerie Lelong, New York.

Dans ce voyage oscillant entre le XVIIIe et le XXIe siècle, les interrogations esthétiques croisent les positions morales et les débats écologiques actuels. Ainsi les artistes sont les petites lumières perceptibles par ceux qui veulent bien leur prêter attention ; éclairant l’histoire tumultueuse d’une passion ravageuse entre la nature et l’espèce qui l’occupe…

Informations pratiques
Sublime. Les tremblements du monde
Jusqu’au 5 septembre 2016 au Centre Pompidou Metz
Horaires et tarifs : www.centrepompidou-metz.fr/horaires
En savoir plus sur l’exposition : www.centrepompidou-metz.fr/sublime-les-tremblements-du-monde

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