« Solitaire » de Stéphane Thidet, un paysage contemplatif aux Bernardins

Lorsque l’on entre dans l’ancienne Sacristie du Collège des Bernardins, immédiatement les mots « vie » et « légèreté » viennent à l’esprit. Pourtant, les deux arbres de 8 mètres de haut chacun, suspendus sous les croisées d’ogives et au-dessus du bassin d’eau installé pour l’occasion, sont bien inertes et extrêmement lourds (150kg chacun). L’installation « Solitaire » de Stéphane Thidet présentée jusqu’au 10 juillet 2016 déroute nos notions de perception pour nous faire basculer dans la contemplation.
Publié le 06 avril 2016

Dans la cadre de son programme de création « in situ », le Collège des Bernardins donne une fois encore carte blanche à un artiste contemporain pour se saisir de son ancienne sacristie. Dans ce lieu chargé d’histoire, au cœur du 5ème arrondissement où coulait la Bièvre jusqu’en 1912, Stéphane Thidet a fait à nouveau couler l’eau. Le bassin inonde l’espace pour en changer totalement la visite et la compréhension. J’ai tout de suite éprouvé la sensation de descendre, comme on descend sur une rive. Cette sensation d’être happé, d’être aspiré par une sorte de vide m’intéresse beaucoup.

L’eau joue un rôle hypnotique. Miroir infini dans lequel se reflète l’architecture de pierre mais aussi ces deux « bois flottés » monumentaux que l’artiste est allé chercher sur le littoral méditerranéen. J’aime l’idée que ces arbres rejetés arrivent avec une histoire qui est marquée dans leurs formes. Stéphane Thidet suspend littéralement leur itinérance, continue leur vie dans la douceur, en jouant sur l’extrême légèreté, l’infime, ce que l’artiste appelle « l’à peine perceptible ».

L’ « aura » des matériaux est ainsi révélée : dans une lente rotation et dans des sens opposés, les arbres blancs caressent l’eau noire avec la grâce de danseuses, le reflet des ondulations sur les murs font vibrer la pierre. J’ai toujours imaginé les objets comme étant en situation « comateuse », comme s’ils avaient tous un potentiel de réactivation, comme si l’objet sommeillait, et que nous avions la possibilité de lui donner une nouvelle vie. J’imagine donc un projet qui ferait se rencontrer ces deux états, mouvant et inerte, qui passe pour moi par la question du dessin. Un dessin qui serait infini puisqu’il se répèterait sans jamais être le même

L’artiste explore la notion de « relation » en troublant nos sens. Ces deux arbres aux formes opposées, l’un chargé, l’autre épuré, dansent ensemble mais ne se croisent jamais. L’inertie du bois se mêle la vie de l’eau, sa texture est minérale, la pierre, elle, est rendue instable et le sol mouvant. Le silence est assourdissant. Le degré d’effleurement de ces masses pleines est celle d’un pinceau. Le trait visible est pourtant impermanent, c’est toujours le même mais déjà il a disparu.

Une chorégraphie liquide, solitaire, qui échappe à toute description pour s’apprécier par les sensations.

Pour ceux qui ne pourraient pas se déplacer cliquez ici pour découvrir la vidéo du montage de « Solitaire »; pour les autres gardez la surprise, l’effet en sera d’autant plus saisissant !

Photos: Stéphane Thidet, Solitaire, 2016 – Collège des Bernardins, commissaire : Gaël Charbau © Stéphane Thidet, production Rubis Mécénat Cultural Fund, courtesy Galerie Aline Vidal, Galerie Laurence Bernard, 2016 Photo : Diane Auckland, fotohaus
 

Informations pratiques

Solitaire de Stéphane Thidet jusqu’au 10 juillet 2016
Dans l’ancienne Sacristie du Collège des Bernardins – accès libre
20 rue de Poissy
75005 Paris
01 53 10 74 44
du lundi au samedi de 10h à 18h
le dimanche et les jours fériés de 14h à 18h

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