Depuis plus de 50 ans, les artistes sont nombreux à s’engager par leur travail sur les questions de l’environnement. Pionner du Land Art dans les années ’60, Robert Smithson considère que « l’artiste doit sortir de l’isolement des galeries et musées, offrir une prise de conscience du présent tel qu’il existe, et pas seulement les pensées abstraites et utopies du moment ». En d’autres termes, il faut libérer l’art des lieux clos pour attirer l’attention sur une nature vivante, mouvante, et sur laquelle l’artiste peut laisser une empreinte. De cette première lecture qui fonde la naissance du Land Art en tant que mouvement, découle une multiplicité de possibilités de traiter les préoccupations environnementales. Les œuvres proposées dans Climats artificiels ont pour point commun de les aborder comme une donnée constitutive de notre monde et de l’époque.
L’installation Cloudscapes de Tetsuo Kondo qui introduit l’exposition, résume à elle seule la question qui nous est posée. A l’intérieur d’une structure transparente, le visiteur monte des marches et traverse un nuage dont la composition est identique à celle d’un véritable nuage, obtenu par la gestion des paramètres de température et d’humidité. Etre placés ainsi au-dessus d’un nuage laisse entrevoir une intension aussi poétique qu’utopique d’imaginer une nouvelle occupation de la Terre. En contredisant le fameux adage de Wittgenstein, « on ne peut pas construire un nuage », cette œuvre montre aussi à quel point les notions de naturel et d’artificiel sont aujourd’hui brouillées voire inversées.
Les œuvres convoquent une nature manipulée, où les limites de l’authenticité sont parfois difficiles à saisir. Dans la première partie intitulée « L’état du ciel », l’essence de la nature est questionnée, les artistes la remettent en cause ou la détournent. Le visiteur peut par exemple passer la tête dans le Village Green de Vaughn Bell pour posséder la nature et la dompter. Yoko Ono, elle, se l’approprie dans Sky TV en retranscrivant en direct l’état du ciel sur un petit moniteur.
La seconde partie de l’exposition, « Equilibres précaires », témoigne de l’état transitoire et changeant de notre planète. Les œuvres semblent évoluer, passer d’un état à un autre. Hicham Berrada présente Présage, un aquarium dans lequel il a placé différent produits chimiques qui enclenchent la production d’un écosystème partiellement aléatoire avant de se retirer pour assister à sa création. L’artiste se définit comme « un maillon dans un processus naturel et, en même temps, comme le grand ordonnateur de cette naissance ».
Enfin la dernière partie, « Catastrophes ordinaires » fait appel à la fiction pour percevoir les éléments qui nous entourent d’une nouvelle manière : les artistes brouillent les pistes sur les origines de phénomènes inquiétants. Naturels ou artificiels ? Les ciels aux couleurs étranges de HeHe reflètent l’état de la pollution de Paris en exploitant les données sur la qualité de l’air fournies en « quasi temps réel » par Airparif.
Nous connaissons tous la théorie de « l’effet papillon », cette hypothèse qu’un micro-événement peut influer sur le cours des choses de manière considérable à une date très ultérieure. C’est sur ce principe qu’a été conçu Climats artificiels : la force d’évocation des œuvres étonnantes, drôles ou émouvantes, peut être à l’origine d’une transformation durable dans notre regard sur le monde, et dans notre volonté de le protéger.
Informations pratiques
Climats artificiels
4 octobre 2015 – 28 février 2016
Espace Fondation EDF, 6 rue Récamier 75007 Paris
Métro Sèvres-Babylone
Du mardi au dimanche de 12h à 19h (sauf jours fériés), Entrée libre
Visites guidées pour les groupes sur réservation au 01 53 63 23 45